Qu'est devenu l'établissement des religieuses du Bon-Pasteur d'Angers ?
Question d'origine :
Bonjour,
Dans l’ouvrage « Les anciens couvent de Lyon » de A Vachet, publié en 1895, s’agissant du couvent du Bon-Pasteur et de la continuité de l’œuvre du Bon-Pasteur après la révolution, il est écrit à la page 180, en bas, que « La direction intérieure de ce refuge (crée après 1830) fut confiée aux religieuses du Bon-Pasteur d’Angers. Leur costume est blanc, et leur établissement est situé sur le chemin du Pont d’Alaï, dans la maison qui s’appelait autrefois le Château du Diable. ».
Pouvez m’aider à trouver ce qu’est devenu au 20è siècle l’établissement des religieuses du Bon-Pasteur d’Angers.
Merci pour votre réponse.
User806
Réponse du Guichet

L'établissement cité par l'abbé A. Vachet en 1895 était situé sur le chemin du Pont d'Alaï, aujourd'hui devenu rue Joliot-Curie. L'institut E. Rivet en occupe désormais les locaux mais ce domaine a été habité quasi sans interruption depuis le milieu du XIXème siècle et portait le surnom de "Château du diable". La communauté lyonnaise des dames du Bon Pasteur s'y est installée dès cette époque et s'y est maintenue jusqu'en 1933. A l'échelle nationale et internationale, des actions en justice sont aujourd'hui menées contre ces établissements pour maltraitances, violences sexuelles et exploitations de jeunes femmes, souvent mineurs. De nos jours, la communauté du Bon Pasteur est établie depuis 1995 à Lyon au 43 rue des macchabées. La maison mère angevine est elle aussi encore active.
Bonjour,
L'abbé Adolphe Vachet (1845 - 1912) dans son ouvrage "Les anciens couvents de Lyon" (Ed. Vittet, 1895), numérisé intégralement et publié sur la plateforme Gallica, nous apporte des détails significatifs qui nous permettent de mieux identifier la communauté du Bon-Pasteur et les bâtiments qu'elle occupa. En effet, il est écrit page 180 :
L’œuvre du Bon-Pasteur, emportée par le vaste naufrage de la Révolution, a été reconstituée vers 183o. Mgr Montault, évêque d'Angers, fit venir de Tours quelques religieuses pour fonder dans sa ville épiscopale une maison de pénitentes. Son but, comme celui de la congrégation nouvelle, était de ramasser dans la boue les victimes du monde, et de réparer, par le repentir, la pureté ternie de ces pauvres âmes égarées.
(...)
Lyon possède une de ces communautés. Après 183o, une réunion de dames charitables fonda une société de patronage pour les jeunes filles, dans l'intention de donner asile aux malheureuses qui se trouvent engagées sur la pente du vice. La direction intérieure de ce refuge fut confiée aux religieuses du Bon-Pasteur d'Angers. Leur costume est blanc, et leur établissement est situé sur le chemin du Pont d'Alaï, dans la maison qui s'appelait autrefois le Château du Diable.
C'est cette mention du "Château du Diable" qui nous a mis la puce à l'oreille. Simple coïncidence ou véritable objet de curiosité de la part des usagers du Guichet, nous avons déjà répondu cette semaine à une question sur cette bâtisse supposément hantée. Encore faudrait-il que la localisation concorde. L'odonyme du chemin du Pont d'Alaï n'existant plus, nous avons parcouru le fichier historique des voies de Lyon téléchargeable sur le site des archives municipales. Dans ce tableau, à la ligne du chemin de l'étoile d'Alaï (5ème arrondissement), on peut lire :
Nom donné au chemin de Saint-Irénée au-Pont-d'Alaï. A changé de dénomination en 1959 : est devenu la rue Joliot-Curie. Source : Rues de Lyon à travers les siècles de Maurice Vanario (2002). L'origine du mot Alaï est inconnue. L'étoile signifie probablement un carrefour.
Il ne fait plus l'ombre d'un doute que nos deux histoires se rejoignent. La communauté du Bon-Pasteur se trouvait au XIXème siècle dans les anciens locaux de l'actuel institut Élise Rivet, centre thérapeutique, éducatif et pédagogique pour enfants en situation de handicap, situé au 109 rue Joliot-Curie. Pour plus de d'informations, nous vous invitons à consulter cette réponse : Quelle est l'histoire de ce bâtiment situé dans le 5ème arrondissement à Lyon ?
Nous expliquions, en nous référant aux ouvrages Lyon 5ème arrondissement: aux origines de la ville (Éditions lyonnaises d'Art et d'Histoire, 2015), sous la direction d'André Pelletier et Secrets des rues de Lyon d'Alain Dreyfus (Éditions du Poutan, 2021), qu'une communauté religieuse des dames du Bon-Pasteur s'est installée au XIXème siècle dans cet ancien domaine aristocratique et qu'elle s'y serait maintenue jusqu’en 1933 avant de laisser la main aux religieuses de Notre-Dame de Compassion et à leur célèbre mère supérieure, l'incroyable Élise Rivet (1890 - 1945).
Une photo d'époque du couvent du Bon Pasteur est visible sur ce site : Le couvent du Bon Pasteur.
Le château du domaine était réputé hanté depuis la Révolution française. Vidé de tout occupant après le guillotinage de M. Bastier en 1794, le voisinage s'inquiéta de bruits ou de la lumière provenant de l'intérieur de l'édifice. Les rumeurs allant bon train, il gagna rapidement le surnom de "Château du Diable" et la réputation d'être hanté. Pourtant, point d'histoires démoniaques à priori mais simplement l'agitation de contrebandiers et de faux-monnayeurs qui, selon A. Pelletier (p. 123 - 124), avaient élu refuge dans les caves pour exercer à l'abri des regards leurs activités...
Au XXème siècle, la congrégation des religieuses du Bon-Pasteur a atteint son apogée, disposant de plus de 350 maisons dispersées à travers le monde. Aujourd'hui ces établissements sont au centre d'un dossier judiciaire complexe, qui n'est pas sans rappeler celui des enfants de Bétharram. De nombreux témoignages d'anciennes pensionnaires de ces établissements d'éducation "d'adolescentes à problèmes" racontent les violences terribles auxquelles elles ont été confrontées : bastonnades, violences collectives, travail harassant et violences gynécologiques etc. Certaines femmes témoignent d'une véritable descente aux enfers dans cet article glaçant du journal Le Monde publié en 2022 : Le calvaire et les traumatismes persistants des jeunes filles placées à la congrégation religieuse du Bon Pasteur (l'article est lisible grâce à Europresse avec un abonnement à la BmL). L'histoire et la vocation de ces établissements sont décrits, voici quelques éléments instructifs que nous pouvons vous partager :
La fondatrice de la congrégation est Marie-Euphrasie Pelletier en 1829 à Angers. Elle entend en faire un "hôpital des âmes" chargé de la rééducation des jeunes filles "perdues" et obtient l'agrégation du Pape Grégoire XVI en 1835, ce qui permet d'exporter ce modèle en France et à travers le monde. En 1946, la raison sociale de la maison religieuse devient « la préservation et la réforme de l’enfance et de l’adolescence » s'occupant dorénavant surtout des mineurs, elle se transforme en maison de correction dopée par les ressources financières de l’État et l'argent de clients extérieurs : "La congrégation s’assure ainsi des ressources financières grâce au prix de journée acquitté par l’État pour chaque mineure et aux allocations familiales transférées au profit de la communauté. Sans oublier les heures de broderie, de couture ou de blanchisserie imposées aux pensionnaires et payées par des clients extérieurs."
Un article du 20 minutes, en accès libre, résume en partie la situation et le combat de ces femmes : « On a émergé d’un cauchemar… » Le combat d’ex-pensionnaires du Bon Pasteur, « humiliées et maltraitées »
Vous pouvez aujourd'hui retrouver la liste des 19 communautés de Notre-Dame du Bon Pasteur, encore en activité aujourd'hui en France sur leur site internet : 19 communautés présentes sur le territoire. La communauté lyonnaise serait située aujourd'hui et depuis 1995 au 43 rue des macchabées dans le 5ème arrondissement selon l'annuaire des entreprises.
Bonne journée,