Question d'origine :
Cher Guichet, Comment apparait l'égo dans notre quotidien. J'ai l'impression qu'il me joue des tours. Dans quels actions se cache-t- il? comment le calmer . Salut
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 07/07/2021 à 12h53
Bonjour,
L’ego a plusieurs définitions, tant en psychologie et psychanalyse qu’en philosophie. Nous nous en tiendrons d’abord aux sens les plus courants. Pour « calmer » cet ego, les solutions peuvent être à rechercher dans le développement personnel ou les spiritualités.
Laurent Schmitt dans Le bal des ego consacre le chapitre 2 à une définition de ces sens courants :
«Qu’est-ce que l’ego ?
A cette question, tout le monde apporte une réponse, l’ego appartient au langage quotidien. Ego en latin veut dire « je » ou « moi », mais ce mot a subi, comme les mots « stress » ou « schizophrénie », une telle vulgarisation qu’on en arrive à lui donner plusieurs sens. En fait, il en existe deux ; ils ne sont pas superposables. Ils rendent compte de la plupart des utilisations du mot ego. Le premier sens est le plus commun, celui du langage de tous les jours, il donne à l’ego la signification de fierté, d’orgueil, d’égoïsme ou de vanité. Ce sens est celui entendu quand on parle d’ego surdimensionné, exagéré, surmultiplié. […] Le deuxième sens d’ego, plus scientifique, appartient à la psychologie dite du moi. L’ego est le moi. Le moi possède deux composantes, à l’image d’une enveloppe et de son squelette. L’enveloppe est l’état de conscience de nous-mêmes, notre manière d’être, notre personnalité, celle perçue des autres et celle que nous croyons percevoir. Il s’agit d’une interface. Le squelette du moi fonctionne comme un creuset où se mélangent des forces et des influences. De la même façon que l’os est un tissu vivant en construction et en destruction, dans le moi, des forces et des pulsions inconscientes, qui appartiennent au ça, se confrontent aux règles définies par la société et aux exigences parentales du surmoi. Entre les deux, le ça et le surmoi, un système maîtrise les conflits internes et les pulsions, il tente de s’adapter à la réalité extérieure. Le résultat final aboutit à notre personnalité, c’est le moi ».
Pour diverses raisons (voir le chapitre suivant Les mécanismes aboutissant aux pathologies de l’ego), l’ego peut en effet « jouer des tours ». Cela se traduit dans le quotidien par le besoin exagéré de s’affirmer, le besoin de se faire remarquer, ou encore par la manipulation dans les relations. Ces différentes manifestations négatives de l’ego peuvent par ailleurs découler autant d’une trop grande estime de soi que d’une piètre estime de soi.
Voir aussi la définition de Ego, sur Wikipedia, qui en présente davantage de sens.
Christophe André dans sa Chronique Et moi, et moi et moi !, sur France Inter rappelle les circonstances historiques du développement de cette notion d’ego.
Soigner son ego :
De nombreuses solutions sont proposées par les ouvrages de développement personnel. Il s’agit souvent de soigner son ego, que ce soit en méditant, en se réconciliant avec soi-même, en pratiquant l’altruisme, en retrouvant l’estime de soi. Toutes ces propositions visent en quelque sorte à atteindre, derrière la surface de l’ego, ce qui serait notre moi profond.
En voici quelques exemples :
L’ego, ami ou ennemi de Patrice Ras, à écouter sur France Bleu. En résumé sur le site de l’éditeur :
« En proposant une description complète de ses manifestations et une série de critères pour le repérer quand il opère, ce livre constitue une véritable mise au point sur l'ego, en même temps qu'un guide concret de libération spirituelle. S'apercevoir que c'est l'ego (et non pas « moi ») qui parle suffit généralement à le désamorcer. »
3 clés pour se libérer de son ego, Maxime Coignar, article du Huffington Post :
« L'objectif serait de nous débarrasser d'une obsession handicapante pour le regard que les autres sont censés porter sur nous. Cette obsession est en effet un obstacle sur le chemin de notre liberté, car elle nous empêche d'être nous-même, délivré des apparences. Paradoxalement, l'ego peut donc représenter un frein à l'épanouissement de... notre ego ou si l'on préfère, de notre personnalité authentique. »
Je : connais toi-même : comment fait on cela ?, par Serge Marquis, interviewé dans Psychologie positive magazine :
« Pour pouvoir développer pleinement son potentiel, il faut apaiser l’ego car l’émotion qui est au cœur de l’activité de l’ego, c’est la peur : la peur du rejet, donc la peur de disparaître. Si on me rejette, on ne s’occupe plus de moi : je n’existe plus. Je parle de “décroissance personnelle” dans mon livre car la décroissance, c’est se libérer des peurs de l’ego pour justement permettre l’apparition de tout ce qui est lié à la présence et au potentiel qui peut se développer à travers elle. »
Conclure au caractère illusoire de l’ego :
Influencés par les spiritualités bouddhistes ou hindouistes, d’autres courants insistent sur le caractère illusoire de l’ego, et proposent des solutions comme la méditation, la pleine conscience, le lâcher prise, la compassion, y compris envers soi-même.
Prendre soin de son ego n’est pas être égoïste, Ça m’intéresse :
« Le bouddhisme nous parle de l’ego afin de montrer que c’est une illusion, précise le philosophe Fabrice Midal. Il dit que nous sommes des êtres en devenir et que la lutte pour trouver une identité fixe nous rend malheureux. La pratique de la méditation telle que le bouddhisme l’enseigne nous fait découvrir qu’il n’y a pas de moi fixe et stable. »
C’est ce qu’enseigne aussi les Trois amis en quête de sagesse, Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien. Pour eux, L’ego n’est pas réel.
Voir aussi :
L’illusion de l’ego, Matthieu Ricard sur son blog
Zen d’aujourd’hui. Face aux pièges de l’ego, Philippe Coupey
Se changer soi pour ne pas changer le monde :
Si ces ouvrages rencontrent un grand succès, ils sont parfois critiqués pour favoriser l’individualisme plus que l’autonomie, faire porter sur l’individu toute la responsabilité de son mal être et constituer une dépolitisation de la société. Ils renforceraient La dictature de l’ego, nous dit Mathias Roux, favorisant, en focalisant sur lui, le malaise qu’ils entendent solutionner.
« La survalorisation de l’ego repose sur des évidences qui n’ont justement, quand on y réfléchit, plus rien d’évident, en premier lieu que nous disposerions tous, au fond de nous-mêmes, d’une sorte de Moi authentique, noyau d’identité qui porterait en germe notre personnalité […] » (p.16)
Mathias Roux propose sur France Culture, une approche par la philosophie :
« La prolifération indécente des ouvrages de développement personnel qui, au mieux, proposent à nouveaux frais un mélange souvent mal restitué de proverbes et de maximes qui ont traversé les siècles, au pire, inventent un tas de nouvelles expressions parasites qui ne renvoient à peu près à rien : se connecter à sa vie intérieure, se réconcilier avec soi-même, avoir le courage d’être soi, se comprendre pour mieux s’accepter, etc.
[…]
Mais alors que faire ? Résister ! Et pas n’importe comment. Mathias Roux propose une critique magistrale et fine de tous les mensonges du développement personnel en les confrontant aux visions des plus grands philosophes. Ce qu’il faut c’est un peu moins de bêtise et d’infantilisation, beaucoup plus de philosophie, car les philosophes ont tous quelque chose à dire sur le Moi et, en premier lieu, que le Moi est un mirage dans lequel on se perd à trop vouloir le comprendre. »
Pour aller plus loin :
Happycratie, Edgar Cabanas et Eva Illouz
Etre soi-même, Claude Romano
Très bonnes lectures, et très bonne journée !
L’ego a plusieurs définitions, tant en psychologie et psychanalyse qu’en philosophie. Nous nous en tiendrons d’abord aux sens les plus courants. Pour « calmer » cet ego, les solutions peuvent être à rechercher dans le développement personnel ou les spiritualités.
Laurent Schmitt dans Le bal des ego consacre le chapitre 2 à une définition de ces sens courants :
«
A cette question, tout le monde apporte une réponse, l’ego appartient au langage quotidien. Ego en latin veut dire « je » ou « moi », mais ce mot a subi, comme les mots « stress » ou « schizophrénie », une telle vulgarisation qu’on en arrive à lui donner plusieurs sens. En fait, il en existe deux ; ils ne sont pas superposables. Ils rendent compte de la plupart des utilisations du mot ego. Le premier sens est le plus commun, celui du langage de tous les jours, il donne à l’ego la signification de fierté, d’orgueil, d’égoïsme ou de vanité. Ce sens est celui entendu quand on parle d’ego surdimensionné, exagéré, surmultiplié. […] Le deuxième sens d’ego, plus scientifique, appartient à la psychologie dite du moi. L’ego est le moi. Le moi possède deux composantes, à l’image d’une enveloppe et de son squelette. L’enveloppe est l’état de conscience de nous-mêmes, notre manière d’être, notre personnalité, celle perçue des autres et celle que nous croyons percevoir. Il s’agit d’une interface. Le squelette du moi fonctionne comme un creuset où se mélangent des forces et des influences. De la même façon que l’os est un tissu vivant en construction et en destruction, dans le moi, des forces et des pulsions inconscientes, qui appartiennent au ça, se confrontent aux règles définies par la société et aux exigences parentales du surmoi. Entre les deux, le ça et le surmoi, un système maîtrise les conflits internes et les pulsions, il tente de s’adapter à la réalité extérieure. Le résultat final aboutit à notre personnalité, c’est le moi ».
Pour diverses raisons (voir le chapitre suivant Les mécanismes aboutissant aux pathologies de l’ego), l’ego peut en effet « jouer des tours ». Cela se traduit dans le quotidien par le besoin exagéré de s’affirmer, le besoin de se faire remarquer, ou encore par la manipulation dans les relations. Ces différentes manifestations négatives de l’ego peuvent par ailleurs découler autant d’une trop grande estime de soi que d’une piètre estime de soi.
Voir aussi la définition de Ego, sur Wikipedia, qui en présente davantage de sens.
Christophe André dans sa Chronique Et moi, et moi et moi !, sur France Inter rappelle les circonstances historiques du développement de cette notion d’ego.
De nombreuses solutions sont proposées par les ouvrages de développement personnel. Il s’agit souvent de soigner son ego, que ce soit en méditant, en se réconciliant avec soi-même, en pratiquant l’altruisme, en retrouvant l’estime de soi. Toutes ces propositions visent en quelque sorte à atteindre, derrière la surface de l’ego, ce qui serait notre moi profond.
En voici quelques exemples :
L’ego, ami ou ennemi de Patrice Ras, à écouter sur France Bleu. En résumé sur le site de l’éditeur :
« En proposant une description complète de ses manifestations et une série de critères pour le repérer quand il opère, ce livre constitue une véritable mise au point sur l'ego, en même temps qu'un guide concret de libération spirituelle. S'apercevoir que c'est l'ego (et non pas « moi ») qui parle suffit généralement à le désamorcer. »
3 clés pour se libérer de son ego, Maxime Coignar, article du Huffington Post :
« L'objectif serait de nous débarrasser d'une obsession handicapante pour le regard que les autres sont censés porter sur nous. Cette obsession est en effet un obstacle sur le chemin de notre liberté, car elle nous empêche d'être nous-même, délivré des apparences. Paradoxalement, l'ego peut donc représenter un frein à l'épanouissement de... notre ego ou si l'on préfère, de notre personnalité authentique. »
Je : connais toi-même : comment fait on cela ?, par Serge Marquis, interviewé dans Psychologie positive magazine :
« Pour pouvoir développer pleinement son potentiel, il faut apaiser l’ego car l’émotion qui est au cœur de l’activité de l’ego, c’est la peur : la peur du rejet, donc la peur de disparaître. Si on me rejette, on ne s’occupe plus de moi : je n’existe plus. Je parle de “décroissance personnelle” dans mon livre car la décroissance, c’est se libérer des peurs de l’ego pour justement permettre l’apparition de tout ce qui est lié à la présence et au potentiel qui peut se développer à travers elle. »
Influencés par les spiritualités bouddhistes ou hindouistes, d’autres courants insistent sur le caractère illusoire de l’ego, et proposent des solutions comme la méditation, la pleine conscience, le lâcher prise, la compassion, y compris envers soi-même.
Prendre soin de son ego n’est pas être égoïste, Ça m’intéresse :
« Le bouddhisme nous parle de l’ego afin de montrer que c’est une illusion, précise le philosophe Fabrice Midal. Il dit que nous sommes des êtres en devenir et que la lutte pour trouver une identité fixe nous rend malheureux. La pratique de la méditation telle que le bouddhisme l’enseigne nous fait découvrir qu’il n’y a pas de moi fixe et stable. »
C’est ce qu’enseigne aussi les Trois amis en quête de sagesse, Matthieu Ricard, Christophe André et Alexandre Jollien. Pour eux, L’ego n’est pas réel.
Voir aussi :
L’illusion de l’ego, Matthieu Ricard sur son blog
Zen d’aujourd’hui. Face aux pièges de l’ego, Philippe Coupey
Se changer soi pour ne pas changer le monde :
Si ces ouvrages rencontrent un grand succès, ils sont parfois critiqués pour favoriser l’individualisme plus que l’autonomie, faire porter sur l’individu toute la responsabilité de son mal être et constituer une dépolitisation de la société. Ils renforceraient La dictature de l’ego, nous dit Mathias Roux, favorisant, en focalisant sur lui, le malaise qu’ils entendent solutionner.
« La survalorisation de l’ego repose sur des évidences qui n’ont justement, quand on y réfléchit, plus rien d’évident, en premier lieu que nous disposerions tous, au fond de nous-mêmes, d’une sorte de Moi authentique, noyau d’identité qui porterait en germe notre personnalité […] » (p.16)
Mathias Roux propose sur France Culture, une approche par la philosophie :
« La prolifération indécente des ouvrages de développement personnel qui, au mieux, proposent à nouveaux frais un mélange souvent mal restitué de proverbes et de maximes qui ont traversé les siècles, au pire, inventent un tas de nouvelles expressions parasites qui ne renvoient à peu près à rien : se connecter à sa vie intérieure, se réconcilier avec soi-même, avoir le courage d’être soi, se comprendre pour mieux s’accepter, etc.
[…]
Pour aller plus loin :
Happycratie, Edgar Cabanas et Eva Illouz
Etre soi-même, Claude Romano
Très bonnes lectures, et très bonne journée !
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