Question d'origine :
Bonjour, je suis à la recherche d'informations (ou de livres) qui pourraient résumer la philosophie de l'humanisme de la renaissance et celles des lumières. J'aimerais comprendre les points communs, les évolutions et les ruptures entre ces deux courants. Merci d'avance pour votre aide. EF
Réponse du Guichet

Bonjour,
En janvier 2021, la revue Sciences humaines a consacré un de ses grands dossiers à « La grande histoire de l'Humanisme ». Nicolas Journet, qui a réuni dans ce numéro nombre de philosophes et d’historiens dont le travail porte sur l’Humanisme, tente de définir les contours de ce que l’on nomme « humanisme » :
"Où commence et où finit l’humanisme ? L’histoire du mot lui-même est celle d’un anachronisme : il s’invente à la fin du 18e siècle pour nommer la vision commune à ces érudits qui, quatre siècles plus tôt, férus d’antiquités gréco-latines, ont réhabilité le pouvoir de la raison dans la connaissance du monde et la définition des buts de l’existence humaine. Pétrarque, Boccace, Dante, et plus tard Leonard de Vinci, Érasme, Rabelais, incarnent parmi cent autres cet espoir que, sans remettre en cause les fondements de la religion chrétienne, l’homme peut aussi réaliser son salut sur Terre et s’améliorer lui-même. Mais, au moment même où le terme s’impose, une autre page a été tournée : celle des Lumières, du rejet du pouvoir souverain de l’Église et de la monarchie. L’humanisme moderne, laïc et républicain, s’incarne dans le droit et la politique en proclamant l’égalité des citoyens, la tolérance et l’harmonie possible des nations. L’humanisme est une vision idéaliste de l’histoire, dont la centralité de l’homme et l’assurance de son progrès universel sont les valeurs motrices. Or, cette même histoire n’a jamais manqué de mettre ces valeurs à l’épreuve de leurs prétentions. Michel de Montaigne doutait déjà de tout en 1580, Thomas Hobbes craignait que l’homme soit resté « un loup pour l’homme », et Jean-Jacques Rousseau, en 1755, se méfiait fort des dérives de la raison, des arts et des lettres. Le 19e siècle ne rêve que de progrès, mais déshabille aussi l’humanisme : Charles Darwin bouscule l’exception humaine, Karl Marx dénonce une idéologie bourgeoise, Friedrich Nietzsche moque toute morale humaniste. Et le pire attend encore : comment, au 20e siècle, croire à la raison humaine après l’hécatombe d’une, puis de deux guerres mondiales ? Comment croire au progrès lorsque la machine créée par l’homme menace de l’asservir et de détruire la planète ? En 1966, Michel Foucault écrit que l’homme, en tant que maître de son destin, n’a jamais été qu’un mirage, une illusion. C’était aller trop vite en besogne. Même consternés par l’impuissance des humains à se gouverner, même face aux pires menaces, les penseurs du 21e siècle ont à reconnaître que l’homme est, plus que jamais, responsable de lui-même et de son environnement. Comment ne pas être humaniste ?"
Vous pouvez consulter à la bibliothèque municipale de Lyon, l’intégralité de cette revue qui aborde également les points de continuité et de rupture entre l’humanisme de la Renaissance et la philosophie des Lumières.
Voici de plus, quelques références bibliographiques afin d’appréhender ce courant de pensée dans toute son ampleur historique et philosophique :
- Qu'est ce que l'humanisme ? de Christophe Bouriau
- L'humanisme à l'épreuve de l'Europe : XVe-XVIe siècles : histoire d'une transmutation culturelle
- L'histoire de l'humanisme en Occident d'Abdennour Bidar : le philosophe présente les étapes fondatrices et les foyers historiques de l’humanisme occidental : le monothéisme, la culture antique et celle de la Renaissance et l’âge moderne.
En ce qui concerne la philosophie des Lumières vous trouverez de nombreuses sources en ligne. Comme le site philosophie.com qui résume, à gros traits certes, les caractéristiques, les enjeux et les acteurs de ce courant philosophique majeur.
Pour entrer dans le vif du sujet nous vous conseillons de visiter l’exposition virtuelle de la Bnf intitulée « Lumières ! Un héritage pour demain »
Vous y trouverez, entre autres, une définition de l’esprit des Lumières par l'historien des idées Tzvetan Todorov :
« Les Lumières sont une époque d'aboutissement, de récapitulation, de synthèse – et non d'innovation radicale. Les grandes idées des Lumières ne trouvent pas leur origine à cette époque ; quand elles ne viennent pas de l'Antiquité, elles portent les traces du haut Moyen Âge, de la Renaissance, de l'époque classique. Les Lumières absorbent et articulent des opinions qui dans le passé se combattaient.
À la fois rationalistes et empiristes, héritières de Descartes comme de Locke, les Lumières accueillent les Anciens et les Modernes, les universalistes et les particularistes. Elles sont éprises d'histoire et d'éternité, de détails et d'abstractions, de nature et d'art, de liberté et d'égalité. Si les ingrédients sont anciens, leur combinaison est neuve : non seulement ils ont été articulés entre eux, mais, et cela est essentiel, c'est au moment des Lumières que ces idées passent des livres dans le monde réel. »
Sur notre catalogue vous trouverez également, de nombreuses références permettant de cerner les contours de ce mouvement de pensée.
Le site superprof a dressé une liste des points communs et des différences entre l’Humanisme et les Lumières.
Plus sérieusement, nous vous recommandons la lecture du cours de Daniel Andler, intitulé «L'Humanisme des Lumières », que vous trouverez en ligne sur le site rationalités contemporaines de l’Université Paris Sorbonne IV.
En voici un extrait :
« La philosophie est traversée par deux grandes conceptions de la nature des limites inhérentes à la connaissance humaine. Ces deux conceptions engagent aussi bien la question métaphysique des rapports entre l’homme et Dieu (ou l’Absolu), que celle, épistémologique, du statut de l’ignorance et de l’erreur qui caractérisent toujours plus ou moins le savoir humain.
Pour aller à l’essentiel, on pourrait dire que du point de vue des cartésiens (philosophie classique du XVIIe siècle), les limitations qui affectent la connaissance humaine sont pensées par rapport à une référence absolue qu’est l’entendement divin : c’est par rapport à cette omniscience supposée de Dieu que le savoir humain est relativisé. La finitude humaine (ignorance, erreur, faute, et, finalement, mort.) est ainsi pensée sur fond d’Absolu.
La philosophie des Lumières et notamment celle de Kant (qui vient pour ainsi dire « parachever » les Lumières) représente un retournement de perspective sans précédent dans l’histoire de la pensée. Elle pense d’abord la finitude, ensuite l’Absolu ou la divinité. En d’autres termes : la finitude, le simple fait que notre conscience soit toujours déjà limitée par un monde extérieur à elle, par un monde qu’elle n’a pas produit elle-même, est le fait premier, celui dont il faut partir pour aborder toutes les autres questions de la philosophie… »
Enfin deux autres références en ligne...
Stephane Pujol revient dans un article intitulé « L'Humanisme et Les Lumières», sur la remise en cause de la philosophie des Lumières par les penseurs contemporains de l’Humanisme.
Un article d’Antoine Lilti, historien spécialiste des Lumières intitulé «Comment écrit-on l'histoire intellectuelle des Lumières ?»
...et une précédente réponse du Guichet du savoir sur l’Humanisme.
Bonnes recherches !
En janvier 2021, la revue Sciences humaines a consacré un de ses grands dossiers à « La grande histoire de l'Humanisme ». Nicolas Journet, qui a réuni dans ce numéro nombre de philosophes et d’historiens dont le travail porte sur l’Humanisme, tente de définir les contours de ce que l’on nomme « humanisme » :
"Où commence et où finit l’humanisme ? L’histoire du mot lui-même est celle d’un anachronisme : il s’invente à la fin du 18e siècle pour nommer la vision commune à ces érudits qui, quatre siècles plus tôt, férus d’antiquités gréco-latines, ont réhabilité le pouvoir de la raison dans la connaissance du monde et la définition des buts de l’existence humaine. Pétrarque, Boccace, Dante, et plus tard Leonard de Vinci, Érasme, Rabelais, incarnent parmi cent autres cet espoir que, sans remettre en cause les fondements de la religion chrétienne, l’homme peut aussi réaliser son salut sur Terre et s’améliorer lui-même. Mais, au moment même où le terme s’impose, une autre page a été tournée : celle des Lumières, du rejet du pouvoir souverain de l’Église et de la monarchie. L’humanisme moderne, laïc et républicain, s’incarne dans le droit et la politique en proclamant l’égalité des citoyens, la tolérance et l’harmonie possible des nations. L’humanisme est une vision idéaliste de l’histoire, dont la centralité de l’homme et l’assurance de son progrès universel sont les valeurs motrices. Or, cette même histoire n’a jamais manqué de mettre ces valeurs à l’épreuve de leurs prétentions. Michel de Montaigne doutait déjà de tout en 1580, Thomas Hobbes craignait que l’homme soit resté « un loup pour l’homme », et Jean-Jacques Rousseau, en 1755, se méfiait fort des dérives de la raison, des arts et des lettres. Le 19e siècle ne rêve que de progrès, mais déshabille aussi l’humanisme : Charles Darwin bouscule l’exception humaine, Karl Marx dénonce une idéologie bourgeoise, Friedrich Nietzsche moque toute morale humaniste. Et le pire attend encore : comment, au 20e siècle, croire à la raison humaine après l’hécatombe d’une, puis de deux guerres mondiales ? Comment croire au progrès lorsque la machine créée par l’homme menace de l’asservir et de détruire la planète ? En 1966, Michel Foucault écrit que l’homme, en tant que maître de son destin, n’a jamais été qu’un mirage, une illusion. C’était aller trop vite en besogne. Même consternés par l’impuissance des humains à se gouverner, même face aux pires menaces, les penseurs du 21e siècle ont à reconnaître que l’homme est, plus que jamais, responsable de lui-même et de son environnement. Comment ne pas être humaniste ?"
Vous pouvez consulter à la bibliothèque municipale de Lyon, l’intégralité de cette revue qui aborde également les points de continuité et de rupture entre l’humanisme de la Renaissance et la philosophie des Lumières.
Voici de plus, quelques références bibliographiques afin d’appréhender ce courant de pensée dans toute son ampleur historique et philosophique :
- Qu'est ce que l'humanisme ? de Christophe Bouriau
- L'humanisme à l'épreuve de l'Europe : XVe-XVIe siècles : histoire d'une transmutation culturelle
- L'histoire de l'humanisme en Occident d'Abdennour Bidar : le philosophe présente les étapes fondatrices et les foyers historiques de l’humanisme occidental : le monothéisme, la culture antique et celle de la Renaissance et l’âge moderne.
En ce qui concerne la philosophie des Lumières vous trouverez de nombreuses sources en ligne. Comme le site philosophie.com qui résume, à gros traits certes, les caractéristiques, les enjeux et les acteurs de ce courant philosophique majeur.
Pour entrer dans le vif du sujet nous vous conseillons de visiter l’exposition virtuelle de la Bnf intitulée « Lumières ! Un héritage pour demain »
Vous y trouverez, entre autres, une définition de l’esprit des Lumières par l'historien des idées Tzvetan Todorov :
« Les Lumières sont une époque d'aboutissement, de récapitulation, de synthèse – et non d'innovation radicale. Les grandes idées des Lumières ne trouvent pas leur origine à cette époque ; quand elles ne viennent pas de l'Antiquité, elles portent les traces du haut Moyen Âge, de la Renaissance, de l'époque classique. Les Lumières absorbent et articulent des opinions qui dans le passé se combattaient.
À la fois rationalistes et empiristes, héritières de Descartes comme de Locke, les Lumières accueillent les Anciens et les Modernes, les universalistes et les particularistes. Elles sont éprises d'histoire et d'éternité, de détails et d'abstractions, de nature et d'art, de liberté et d'égalité. Si les ingrédients sont anciens, leur combinaison est neuve : non seulement ils ont été articulés entre eux, mais, et cela est essentiel, c'est au moment des Lumières que ces idées passent des livres dans le monde réel. »
Sur notre catalogue vous trouverez également, de nombreuses références permettant de cerner les contours de ce mouvement de pensée.
Le site superprof a dressé une liste des points communs et des différences entre l’Humanisme et les Lumières.
Plus sérieusement, nous vous recommandons la lecture du cours de Daniel Andler, intitulé «L'Humanisme des Lumières », que vous trouverez en ligne sur le site rationalités contemporaines de l’Université Paris Sorbonne IV.
En voici un extrait :
« La philosophie est traversée par deux grandes conceptions de la nature des limites inhérentes à la connaissance humaine. Ces deux conceptions engagent aussi bien la question métaphysique des rapports entre l’homme et Dieu (ou l’Absolu), que celle, épistémologique, du statut de l’ignorance et de l’erreur qui caractérisent toujours plus ou moins le savoir humain.
Pour aller à l’essentiel, on pourrait dire que du point de vue des cartésiens (philosophie classique du XVIIe siècle), les limitations qui affectent la connaissance humaine sont pensées par rapport à une référence absolue qu’est l’entendement divin : c’est par rapport à cette omniscience supposée de Dieu que le savoir humain est relativisé. La finitude humaine (ignorance, erreur, faute, et, finalement, mort.) est ainsi pensée sur fond d’Absolu.
La philosophie des Lumières et notamment celle de Kant (qui vient pour ainsi dire « parachever » les Lumières) représente un retournement de perspective sans précédent dans l’histoire de la pensée. Elle pense d’abord la finitude, ensuite l’Absolu ou la divinité. En d’autres termes : la finitude, le simple fait que notre conscience soit toujours déjà limitée par un monde extérieur à elle, par un monde qu’elle n’a pas produit elle-même, est le fait premier, celui dont il faut partir pour aborder toutes les autres questions de la philosophie… »
Enfin deux autres références en ligne...
Stephane Pujol revient dans un article intitulé « L'Humanisme et Les Lumières», sur la remise en cause de la philosophie des Lumières par les penseurs contemporains de l’Humanisme.
Un article d’Antoine Lilti, historien spécialiste des Lumières intitulé «Comment écrit-on l'histoire intellectuelle des Lumières ?»
...et une précédente réponse du Guichet du savoir sur l’Humanisme.
Bonnes recherches !
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