Question d'origine :
Bonjour; Je souhaiterais savoir si le titre de chevalier est un titre de noblesse comme le sont comte, duc , marquis par exemple. Y-a-t-il une relation obligée avec l'appartenance à un ordre religieux ? Pourtant on voit souvent dans l'histoire des militaires de petite noblesse ayant le titre de chevalier. Peut-on y voir une connotation quelconque avec la chevalerie médiévale et ses obligations de bonne conduite et d'honneur ? Je vous remercie et meilleures salutations. Interessus
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 20/07/2021 à 14h20
Bonjour,
Précisons que nous sommes actuellement en télétravail et n’avons pas accès aux documents de la bibliothèque. Pour vous répondre, nous devons nous contenter des ressources consultées en ligne.
D’après la définition du Cnrtl, au Moyen Âgela chevalerie est une « Institution militaire à caractère religieux propre à la noblesse et exigeant de ses membres, certaines qualités telles que courage, loyauté, protection des faibles, courtoisie envers les femmes... »
Dans l’Antiquité, en particulier à Rome, le chevalier est un « membre de l'ordre équestre intermédiaire entre les patriciens et les plébéiens ».
Dans leMoyen Âge occidental , il devient un « noble, plus rarement bourgeois, admis dans l'ordre de la chevalerie » ou un « membre d'un ordre religieux et militaire ».
Dans la noblesse d’Ancien Régime , le Chevalier est un « noble dont le degré est en-dessous de celui du baron ».
Dans sonsens moderne , le chevalier est le membre d’un ordre, qu’il s’agisse d’un ordre nobiliaire d'inspiration religieuse (chevaliers de Malte), ou d’un ordre honorifique (Chevalier de la Légion d'honneur, de l'ordre du Mérite)
L’article de l’Encyclopédie Universalis dédié à la chevalerie revient sur l’histoire de cette institution :
« La chevalerie apparaît au XIe siècle comme une catégorie de la société féodale rassemblant les spécialistes du combat cavalier, devenu le seul réellement efficace. C'est par le rite de la remise des armes, l'adoubement, que le jeune homme ayant achevé son éducation militaire, est fait chevalier, apte à coopérer loyalement à la défense du peuple et au maintien de la paix. En France, la chevalerie devint rapidement une caste héréditaire et, sous l'influence de l'Église et des croisades, peu à peu se sacralisa. Au cours du xiie siècle, les qualités fondamentales du bon chevalier, vaillance, loyauté, largesse et courtoisie, furent reconnues comme les vertus par excellence de la noblesse.
La morale de la chevalerie, véhiculée par les œuvres maîtresses de la littérature médiévale en langue vulgaire (morale virile : le mot chevalier n'a pas de féminin), s'imposa à l'ensemble de l'aristocratie européenne qui voyait dans ses valeurs spécifiques les critères de sa supériorité sociale. Cette éthique de l'honneur exerça, dès lors, une séduction profonde et durable, instituant des règles de comportement et de convenances qui n'ont point, de nos jours, perdu tout leur prestige.
Depuis le XIVe siècle, les princes ont créé des sortes de confréries restreintes et décoratives, les ordres de chevalerie, destinées, par l'octroi d'une distinction honorifique, à récompenser les plus fidèles serviteurs de l'État.
Les origines
Dans les décennies qui encadrent l'an mille, un mot latin, miles, traduisant dans la langue écrite divers vocables des dialectes parlés, chevalier, Ritter ou knight, entre dans l'usage pour distinguer des autres certains hommes. Sa diffusion répond à la nécessité alors ressentie par les écrivains, et notamment par les rédacteurs de chartes, de rendre compte de l'existence d'une nouvelle catégorie sociale. Ce titre fut choisi, en premier lieu, pour son sens militaire. Il exprimait la vocation particulière de ceux qui le portaient : c'étaient, par profession, des combattants. L'évolution récente de l'art de la guerre réservait, en effet, le monopole de l'action efficace à une élite de spécialistes, dotés de l'armement complet, dont la pièce maîtresse était le cheval. Les perfectionnements du harnois et les progrès de l'escrime cavalière à la lance accrurent, pendant le XIe siècle, leur supériorité technique et élargirent encore la distance qui les séparait de la piétaille. Mais le terme miles avait un autre sens pour lequel il fut également choisi. Le verbe militare impliquait une relation de subordination et signifiait, avant tout peut-être, servir. Les chevaliers étaient, en fait, des auxiliaires militaires rassemblés autour des maîtres du pouvoir, les aidant à défendre le pays et à maintenir la paix.
Toutefois, la spécialisation des guerriers montés et la formation d'une clientèle de combattants professionnels autour des grands étaient des phénomènes déjà anciens. Deux modifications des structures politiques peuvent expliquer, aux environs de l'an mille, la formation, au sein de la société, d'un corps cohérent aux limites précises qui méritait une dénomination spéciale. D'une part, dans la seigneurie privée qui naquit à cette époque de l'ultime désagrégation de l'autorité publique, la paysannerie tout entière se trouva soumise à des taxes, dont seuls furent exempts les hommes qui ne travaillaient pas la terre et qui servaient par les armes. D'autre part, le mouvement pour la paix de Dieu, qui se propagea, à partir de la fin du xe siècle, depuis le sud de la Gaule, vint établir parmi les laïcs une nette distinction entre les « pauvres », tous les êtres désarmés qu'il importait de protéger, et les chevaliers, fauteurs de violence et de désordre, obligés de s'astreindre, par des serments collectifs, à limiter la turbulence et l'agressivité particulières à leur état. Les spécialistes du service de guerre se trouvèrent ainsi strictement séparés du commun par un privilège – ils échappaient aux exactions seigneuriales – et par des règles morales, celles dont la législation des conciles de la paix de Dieu leur imposait le respect. Ce fut dans le royaume de France, où la constitution de la seigneurie privée fut plus précoce, et qui connut seule un ample développement de la paix de Dieu, que la chevalerie prit le plus tôt sa cohésion.
Dans la société médiévale
Hors de France, les chevaliers demeurèrent longtemps en position subordonnée à l'égard des couches supérieures de l'aristocratie. Ainsi, dans les territoires soumis au roi de Germanie, la chevalerie formait, encore au début du XIIIe siècle, un « état » nettement distinct de la noblesse. Le souverain et les princes recrutaient volontiers leurs auxiliaires militaires parmi leurs dépendants les plus soumis, ceux que leur attachaient les liens de la servitude : les pays germaniques connurent donc une catégorie sociale particulière, celle des chevaliers-serfs. Il n'en fut pas de même dans le royaume de France, où la liberté personnelle fut toujours l'un des traits essentiels du statut chevaleresque et où une tendance très puissante rapprocha rapidement les deux notions, nettement distinctes à l'origine, de noblesse et de chevalerie. Plusieurs courants poussaient, dès le xie siècle, à une telle confusion.
Il existait en France, dans la demeure des grands, beaucoup de chevaliers sans terre et qui vivaient en condition domestique, entretenus par leur maître. Mais beaucoup d'autres possédaient un domaine familial, dont ils tiraient leur aisance et le moyen de se vouer entièrement aux armes. Tous les guerriers domestiques revendiquèrent une telle autonomie économique ; beaucoup obtinrent peu à peu la concession d'un bien foncier, où ils s'établirent et qu'ils léguèrent à leurs fils. Sur ces patrimoines s'enracinèrent des lignages ; la condition chevaleresque cessa d'y être tenue pour individuelle ; elle parut une aptitude héréditaire, transmise de génération en génération aux descendants mâles. Tous les fils de chevaliers qui n'entraient pas dans l'Église s'introduisirent à la fin de leur adolescence dans la chevalerie et en refusèrent l'accès à ceux qui n'étaient pas de « bonne race ». La chevalerie se mua de la sorte en caste.
Au début du XIe siècle, s'imposa, entre autres, due à la réflexion ecclésiastique, une image de la société où les hommes se répartissaient, selon le plan divin, en trois « ordres », celui des travailleurs, celui des hommes de prière, celui, enfin, des guerriers. À ceux-ci incombait une mission spécifique : hâter, par la force de leurs armes, la réalisation du royaume de Dieu. Ainsi se forma l'idéal du chevalier du Christ, au service, non plus d'un patron, mais du Seigneur. Cette conception se reliait étroitement à l'idée de guerre sainte, donc à la croisade ; elle aboutit à la création des ordres religieux militaires, la nova militia qu'exalta saint Bernard ; les chevaliers du Temple ou de l'Hôpital, ceux de Santiago, les chevaliers Porte-Glaive ou Teutoniques, qui maniaient l'épée tout en s'imposant les renoncements monastiques, offrirent un modèle de perfection virile que l'aristocratie tout entière s'efforça d'imiter. Dans la chevalerie, désormais chargée de valeurs spirituelles, les princes et les rois eux-mêmes mirent aussi leur honneur à pénétrer. L'adoubement, la remise des armes, cérémonie d'initiation à l'origine toute profane, rite de passage de l'adolescence à l'âge adulte, prit peu à peu l'allure d'un sacrement, sanctifié par l'intervention du clergé et par une formation morale préliminaire. À la fin du XIIe siècle, cette fête solennelle était considérée par les hommes de la plus haute naissance et par les fils des souverains comme une étape majeure de leur existence.
Enfin, après l'adoubement et avant qu'ils n'aient succédé à leur père dans la direction de la seigneurie familiale, les jeunes chevaliers, venus de tous les niveaux de l'aristocratie, se mêlaient, au XIIe siècle, dans des bandes que les fils des princes conduisaient à l'aventure, à la poursuite de la gloire. Parmi ces chevaliers errants, les vertus initiales de la chevalerie revêtirent toute leur puissance de séduction. La littérature de divertissement en diffusa dans les cours le type exemplaire et, depuis la France, le fit rayonner parmi l'Europe chrétienne. Bientôt, tout homme qui n'était pas clerc ou moine et qui ne voulait pas passer pour un rustre s'appliqua à pratiquer les mœurs chevaleresques, qui parurent, avec la qualité du sang, le critère principal de la noblesse.
Le XIIIe siècle marque dans cette évolution une étape décisive. Les gens bien nés aspiraient tous à la chevalerie, mais les frais de plus en plus lourds de l'adoubement les empêchaient souvent d'y accéder. La chevalerie tendit ainsi à devenir, au sein de l'aristocratie de sang, un cercle de plus en plus restreint, un « ordre », une sorte de confrérie supérieure, conservatoire des plus pures valeurs nobles, à la fois religieuses et mondaines. La chevalerie devint, d'ailleurs, la seule clé dont disposât un homme qui n'était pas de bonne race pour forcer l'entrée de la noblesse. Encore ne pouvait-il la manier lui-même. Le souverain seul avait pouvoir de transgresser les règles de l'hérédité : lorsqu'il voulait récompenser les services insignes d'un de ses agents, il l'armait chevalier et de ce fait l'anoblissait. Mais le nouveau chevalier, s'il voulait être admis par ses pairs, devait alors respecter des règles de conduite très précises. »
Source : Georges DUBY, « CHEVALERIE », Encyclopædia Universalis
Si les chevaliers du XVIIe et du XVIIIe siècle n’ont plus grand-chose à voir avec les militaires médiévaux, la promotion de nouveaux chevaliers reste, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, l’une des cérémonies les plus importantes de la cour. Frédérique Leferme-Falguières explique pourquoi dans son article La noblesse de cour aux XVIIe et XVIIIe siècles : De la définition à l'autoreprésentation d'une élite :
« Elle correspond à un besoin précis. Si la noblesse de cour exerce moins ses talents sur les champs de bataille, elle éprouve néanmoins le besoin de maintenir la fiction de son utilité et de son savoir-faire militaires. L’éclat et la solennité particulières données aux cérémonies de promotion des chevaliers remplacent leur valeur prouvée sur le champ de bataille par l’acte héroïque. La conscience d’appartenir à une élite passe ainsi par la légitimation de son rôle et de son utilité sociale. »
L’article de Marcel Reinhard, Élite et noblesse dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, explique comment le titre de chevalier était utilisé par Louis XIV pour récompenser en particulier les services militaires :
« Le recrutement des élites posait, dans la société d’ancien régime, non seulement le problème de l’anoblissement mais celui des ordres du roi. Si les ordres conféraient l’entrée dans une sorte de confrérie, plaçant ainsi ceux qui y étaient admis au-dessus de la simple noblesse, du moins théoriquement, ils présentaient en outre la particularité d’être des distinctions personnelles et non héréditaires. C’était donc, pour le roi, un moyen de distinguer les élites. Comment l’a-t-il utilisé pendant la même période ?
Les ordres du roi comportaient une hiérarchie :ordre du Saint-Esprit, ordre de Saint-Louis, ordre de Saint-Michel . Le premier était réservé depuis sa création à l’aristocratie, il ne s’ouvrait qu’aux gentilshommes de nom et d’armes de trois races paternelles au moins, il se limitait à 100 membres. On y trouvait des princes de sang, des princes issus de maison souveraine, des ducs et des cardinaux, en somme il était inaccessible au mérite non illustré par des ancêtres. Au contraire le second marquait la volonté de distinguer le mérite sans tenir compte de la naissance, il était beaucoup plus proche d’une décoration militaire que d’un ordre de chevalerie. Louis XIV en le créant, en 1693, n’avait posé, hormis la foi catholique, aucune autre condition que celle des services militaires, soit en raison des actions d’éclat, soit en raison de l’ancienneté, dix ans à l’origine, bientôt vingt-cinq ans. Vers le milieu du XVIIIe siècle on pouvait créer jusqu’à 24 grands croix et 50 commandeurs, à la fin du siècle on accrut les effectifs jusqu’à 40 grands croix et 80 commandeurs, le nombre des chevaliers demeurant illimité . Il se forma ainsi une catégorie intermédiaire entre les anoblis et les officiers roturiers , elle détenait un titre flatteur et recherché, facilitant même l’anoblissement . Les grades supérieurs restaient pourtant attachés aux grades militaires les plus élevés, donc à la noblesse d’épée, ils ne s’ouvrirent qu’exceptionnellement aux roturiers. En revanche, des officiers de plus en plus nombreux furent honorés de la croix de chevalier , et, pour faciliter la récompense des bons services, on n’en vint à ne plus demander d’acte de catholicité. […]
Quant à l’ordre de Saint-Michel, son rôle fut plus inattendu. Il était le plus ancien, Louis XI l’ayant créé en 1469. C’était alors l’ordre du roi, il ne pouvait compter que 36 membres, tous chevaliers, tous de haute naissance. Il fut bientôt ouvert aux gens de robe et de lettres, voire aux maires et échevins de grandes villes, ce qui explique le mot plaisant de Montaigne qui avait rêvé, étant jeune, de s’élever jusqu’à l’ordre de Saint-Michel, et c’est cet ordre, dit-il, qui « se rabaissa jusqu’à ses épaules et au-dessous ». Louis XIV l’épura, en 1661, le limitant à 100 membres, nobles de trois degrés ou distingués par leurs services militaires, et qui ne devaient pas avoir d’activité dérogeant à la noblesse.
La création de l’ordre de Saint-Louis amena Louis XIV à réserver l’ordre de Saint-Michel à d’autres talents, ceux de Mansard, Robert de Cotte, Jacques Gabriel et Lenôtre, par exemple. Cet ordre fut très peu attribué dans la première moitié du XVIIIe siècle. Dans la suite il devint la récompense des civils. Il fut le complément des anoblissements de fonctionnaires, de médecins, de négociants et d’artistes. On retrouve dans ses rangs presque uniquement les noms des anoblis que nous avons rencontrés dans la noblesse de fonctions et dans la noblesse de talents. Il s’ajoutait à la noblesse des civils comme la croix de Saint-Louis à la noblesse militaire, avec cette différence que la croix de Saint-Louis était beaucoup plus généreusement attribuée tandis que la croix de Saint-Michel était loin de revenir à tous les anoblis de négoce, de fonctions ou de talents. Toutefois le nombre de bénéficiaires s’accrut avec le temps, là encore une catégorie intermédiaire se dessinait entre nobles et roturiers, l’ordre n’étant plus qu’une survivance, la réalité consistait dans une décoration. […]
La transformation des ordres du roi se marque fortement par la comparaison des notices de l’Etat de la France : en 1699 c’étaient « des récompenses honorables données à ceux qui avaient bien servi l’Etat et le prince, en reconnaissance de leurs mérites, aussi les princes ont-ils coutume de ne les donner qu’à ceux qui ont l’honneur d’être leurs parents et aux personnes les plus considérables de l’Etat. » En 1749 il s’agissait de récompenses destinées, soit aux personnes de naissance distinguée, soit à celles qui avaient servi l’Etat. De toute évidence, dans l’opinion, le mérite personnel l’emportait sur la naissance, la décoration remplaçait les ordres, on le constate en comparant Furetière et l’Encyclopédie.
Il n’en reste pas moins que la royauté usa fort discrètement des ordres de chevalerie, ils furent plus rarement accordés que les lettres de noblesse, et exactement aux mêmes catégories : militaires, fonctionnaires, personnes approchant le roi, et les meilleurs choix furent encore ceux qui concernaient les artistes. L’aristocratie ne permit pas d’octroyer l’ordre du Saint-Esprit aux gens sans naissance […] et l’ordre de Saint-Michel perdit son éclat pour ne compter que des roturiers. Seul le métier des armes maintenait son prestige suffisamment pour que la croix de Saint-Louis fut prisée et recherchée. »
Il évoque aussi la noblesse impériale au début du XIXe siècle :
«de 1808 à 1815 , on créa 29 ducs, 44 comtes, 1468 barons et 1289 chevaliers . Cette hiérarchie traduisait la structure établie par l’empire, avec ses grands dignitaires, ses princes et ses altesses ; elle assurait aussi des distinctions savamment dosées aux officiers, en choisissant parmi des grades très variés, et aux fonctionnaires en marquant des différences de titres, et aussi de dotations. Tous ces notables appartenaient aux vieilles hiérarchies, militaire, politique et religieuse, les services plus spécialisés, les techniciens, les savants, les artistes, pouvaient être distingués pour services rendus, mais comme les « autres sujets ».
En fait l’armée accapara plus de la moitié des lettres d’anoblissement, la noblesse d’empire fut d’abord une noblesse militaire, selon la logique des choses sous ce régime. Les fonctionnaires et administrateurs reçurent plus du cinquième des lettres, comme il convient dans un régime autoritaire et administratif. Les particuliers, notables fortunés et influents, obtinrent 6% des lettres, le clergé représentant 3%. Quant aux savants, médecins, membres de l’Institut, ils ne fournirent qu’un petit groupe, avec environ 1,5% des lettres ; enfin la noblesse commerçante fut toujours embryonnaire, le nombre des négociants anoblis fut insignifiant. »
Pour les raisons évoquées plus haut, nous n’avons pas pu consulter l’ouvrage sur La noblesse de Philippe Du Puy De Clinchamps qui d’après les extraits que nous trouvons dans Google Livres semble fournir un certain nombre de précisions sur le titre de chevalier.
La Simple note sur les origines de la noblesse, des titres et des anoblissements d’Oscar-Amédée de Watteville du Grabe devrait également vous permettre d’approfondir.
En attendant, vous trouverez dans Wikipedia plusieurs pages qui pourront vous intéresser :
- Chevalier (chevalerie)
- Noblesse française
- Titre de noblesse
- Noblesse d’Empire
Bonne journée.
Précisons que nous sommes actuellement en télétravail et n’avons pas accès aux documents de la bibliothèque. Pour vous répondre, nous devons nous contenter des ressources consultées en ligne.
D’après la définition du Cnrtl, au Moyen Âge
Dans l’Antiquité, en particulier à Rome, le chevalier est un « membre de l'ordre équestre intermédiaire entre les patriciens et les plébéiens ».
Dans le
Dans son
L’article de l’Encyclopédie Universalis dédié à la chevalerie revient sur l’histoire de cette institution :
« La chevalerie apparaît au XIe siècle comme une catégorie de la société féodale rassemblant les spécialistes du combat cavalier, devenu le seul réellement efficace. C'est par le rite de la remise des armes, l'adoubement, que le jeune homme ayant achevé son éducation militaire, est fait chevalier, apte à coopérer loyalement à la défense du peuple et au maintien de la paix. En France, la chevalerie devint rapidement une caste héréditaire et, sous l'influence de l'Église et des croisades, peu à peu se sacralisa. Au cours du xiie siècle, les qualités fondamentales du bon chevalier, vaillance, loyauté, largesse et courtoisie, furent reconnues comme les vertus par excellence de la noblesse.
La morale de la chevalerie, véhiculée par les œuvres maîtresses de la littérature médiévale en langue vulgaire (morale virile : le mot chevalier n'a pas de féminin), s'imposa à l'ensemble de l'aristocratie européenne qui voyait dans ses valeurs spécifiques les critères de sa supériorité sociale. Cette éthique de l'honneur exerça, dès lors, une séduction profonde et durable, instituant des règles de comportement et de convenances qui n'ont point, de nos jours, perdu tout leur prestige.
Depuis le XIVe siècle, les princes ont créé des sortes de confréries restreintes et décoratives, les ordres de chevalerie, destinées, par l'octroi d'une distinction honorifique, à récompenser les plus fidèles serviteurs de l'État.
Dans les décennies qui encadrent l'an mille, un mot latin, miles, traduisant dans la langue écrite divers vocables des dialectes parlés, chevalier, Ritter ou knight, entre dans l'usage pour distinguer des autres certains hommes. Sa diffusion répond à la nécessité alors ressentie par les écrivains, et notamment par les rédacteurs de chartes, de rendre compte de l'existence d'une nouvelle catégorie sociale. Ce titre fut choisi, en premier lieu, pour son sens militaire. Il exprimait la vocation particulière de ceux qui le portaient : c'étaient, par profession, des combattants. L'évolution récente de l'art de la guerre réservait, en effet, le monopole de l'action efficace à une élite de spécialistes, dotés de l'armement complet, dont la pièce maîtresse était le cheval. Les perfectionnements du harnois et les progrès de l'escrime cavalière à la lance accrurent, pendant le XIe siècle, leur supériorité technique et élargirent encore la distance qui les séparait de la piétaille. Mais le terme miles avait un autre sens pour lequel il fut également choisi. Le verbe militare impliquait une relation de subordination et signifiait, avant tout peut-être, servir. Les chevaliers étaient, en fait, des auxiliaires militaires rassemblés autour des maîtres du pouvoir, les aidant à défendre le pays et à maintenir la paix.
Toutefois, la spécialisation des guerriers montés et la formation d'une clientèle de combattants professionnels autour des grands étaient des phénomènes déjà anciens. Deux modifications des structures politiques peuvent expliquer, aux environs de l'an mille, la formation, au sein de la société, d'un corps cohérent aux limites précises qui méritait une dénomination spéciale. D'une part, dans la seigneurie privée qui naquit à cette époque de l'ultime désagrégation de l'autorité publique, la paysannerie tout entière se trouva soumise à des taxes, dont seuls furent exempts les hommes qui ne travaillaient pas la terre et qui servaient par les armes. D'autre part, le mouvement pour la paix de Dieu, qui se propagea, à partir de la fin du xe siècle, depuis le sud de la Gaule, vint établir parmi les laïcs une nette distinction entre les « pauvres », tous les êtres désarmés qu'il importait de protéger, et les chevaliers, fauteurs de violence et de désordre, obligés de s'astreindre, par des serments collectifs, à limiter la turbulence et l'agressivité particulières à leur état. Les spécialistes du service de guerre se trouvèrent ainsi strictement séparés du commun par un privilège – ils échappaient aux exactions seigneuriales – et par des règles morales, celles dont la législation des conciles de la paix de Dieu leur imposait le respect. Ce fut dans le royaume de France, où la constitution de la seigneurie privée fut plus précoce, et qui connut seule un ample développement de la paix de Dieu, que la chevalerie prit le plus tôt sa cohésion.
Hors de France, les chevaliers demeurèrent longtemps en position subordonnée à l'égard des couches supérieures de l'aristocratie. Ainsi, dans les territoires soumis au roi de Germanie, la chevalerie formait, encore au début du XIIIe siècle, un « état » nettement distinct de la noblesse. Le souverain et les princes recrutaient volontiers leurs auxiliaires militaires parmi leurs dépendants les plus soumis, ceux que leur attachaient les liens de la servitude : les pays germaniques connurent donc une catégorie sociale particulière, celle des chevaliers-serfs. Il n'en fut pas de même dans le royaume de France, où la liberté personnelle fut toujours l'un des traits essentiels du statut chevaleresque et où une tendance très puissante rapprocha rapidement les deux notions, nettement distinctes à l'origine, de noblesse et de chevalerie. Plusieurs courants poussaient, dès le xie siècle, à une telle confusion.
Il existait en France, dans la demeure des grands, beaucoup de chevaliers sans terre et qui vivaient en condition domestique, entretenus par leur maître. Mais beaucoup d'autres possédaient un domaine familial, dont ils tiraient leur aisance et le moyen de se vouer entièrement aux armes. Tous les guerriers domestiques revendiquèrent une telle autonomie économique ; beaucoup obtinrent peu à peu la concession d'un bien foncier, où ils s'établirent et qu'ils léguèrent à leurs fils. Sur ces patrimoines s'enracinèrent des lignages ; la condition chevaleresque cessa d'y être tenue pour individuelle ; elle parut une aptitude héréditaire, transmise de génération en génération aux descendants mâles. Tous les fils de chevaliers qui n'entraient pas dans l'Église s'introduisirent à la fin de leur adolescence dans la chevalerie et en refusèrent l'accès à ceux qui n'étaient pas de « bonne race ». La chevalerie se mua de la sorte en caste.
Au début du XIe siècle, s'imposa, entre autres, due à la réflexion ecclésiastique, une image de la société où les hommes se répartissaient, selon le plan divin, en trois « ordres », celui des travailleurs, celui des hommes de prière, celui, enfin, des guerriers. À ceux-ci incombait une mission spécifique : hâter, par la force de leurs armes, la réalisation du royaume de Dieu. Ainsi se forma l'idéal du chevalier du Christ, au service, non plus d'un patron, mais du Seigneur. Cette conception se reliait étroitement à l'idée de guerre sainte, donc à la croisade ; elle aboutit à la création des ordres religieux militaires, la nova militia qu'exalta saint Bernard ; les chevaliers du Temple ou de l'Hôpital, ceux de Santiago, les chevaliers Porte-Glaive ou Teutoniques, qui maniaient l'épée tout en s'imposant les renoncements monastiques, offrirent un modèle de perfection virile que l'aristocratie tout entière s'efforça d'imiter. Dans la chevalerie, désormais chargée de valeurs spirituelles, les princes et les rois eux-mêmes mirent aussi leur honneur à pénétrer. L'adoubement, la remise des armes, cérémonie d'initiation à l'origine toute profane, rite de passage de l'adolescence à l'âge adulte, prit peu à peu l'allure d'un sacrement, sanctifié par l'intervention du clergé et par une formation morale préliminaire. À la fin du XIIe siècle, cette fête solennelle était considérée par les hommes de la plus haute naissance et par les fils des souverains comme une étape majeure de leur existence.
Enfin, après l'adoubement et avant qu'ils n'aient succédé à leur père dans la direction de la seigneurie familiale, les jeunes chevaliers, venus de tous les niveaux de l'aristocratie, se mêlaient, au XIIe siècle, dans des bandes que les fils des princes conduisaient à l'aventure, à la poursuite de la gloire. Parmi ces chevaliers errants, les vertus initiales de la chevalerie revêtirent toute leur puissance de séduction. La littérature de divertissement en diffusa dans les cours le type exemplaire et, depuis la France, le fit rayonner parmi l'Europe chrétienne. Bientôt, tout homme qui n'était pas clerc ou moine et qui ne voulait pas passer pour un rustre s'appliqua à pratiquer les mœurs chevaleresques, qui parurent, avec la qualité du sang, le critère principal de la noblesse.
Le XIIIe siècle marque dans cette évolution une étape décisive. Les gens bien nés aspiraient tous à la chevalerie, mais les frais de plus en plus lourds de l'adoubement les empêchaient souvent d'y accéder. La chevalerie tendit ainsi à devenir, au sein de l'aristocratie de sang, un cercle de plus en plus restreint, un « ordre », une sorte de confrérie supérieure, conservatoire des plus pures valeurs nobles, à la fois religieuses et mondaines. La chevalerie devint, d'ailleurs, la seule clé dont disposât un homme qui n'était pas de bonne race pour forcer l'entrée de la noblesse. Encore ne pouvait-il la manier lui-même. Le souverain seul avait pouvoir de transgresser les règles de l'hérédité : lorsqu'il voulait récompenser les services insignes d'un de ses agents, il l'armait chevalier et de ce fait l'anoblissait. Mais le nouveau chevalier, s'il voulait être admis par ses pairs, devait alors respecter des règles de conduite très précises. »
Source : Georges DUBY, « CHEVALERIE », Encyclopædia Universalis
Si les chevaliers du XVIIe et du XVIIIe siècle n’ont plus grand-chose à voir avec les militaires médiévaux, la promotion de nouveaux chevaliers reste, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, l’une des cérémonies les plus importantes de la cour. Frédérique Leferme-Falguières explique pourquoi dans son article La noblesse de cour aux XVIIe et XVIIIe siècles : De la définition à l'autoreprésentation d'une élite :
« Elle correspond à un besoin précis. Si la noblesse de cour exerce moins ses talents sur les champs de bataille, elle éprouve néanmoins le besoin de maintenir la fiction de son utilité et de son savoir-faire militaires. L’éclat et la solennité particulières données aux cérémonies de promotion des chevaliers remplacent leur valeur prouvée sur le champ de bataille par l’acte héroïque. La conscience d’appartenir à une élite passe ainsi par la légitimation de son rôle et de son utilité sociale. »
L’article de Marcel Reinhard, Élite et noblesse dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, explique comment le titre de chevalier était utilisé par Louis XIV pour récompenser en particulier les services militaires :
« Le recrutement des élites posait, dans la société d’ancien régime, non seulement le problème de l’anoblissement mais celui des ordres du roi. Si les ordres conféraient l’entrée dans une sorte de confrérie, plaçant ainsi ceux qui y étaient admis au-dessus de la simple noblesse, du moins théoriquement, ils présentaient en outre la particularité d’être des distinctions personnelles et non héréditaires. C’était donc, pour le roi, un moyen de distinguer les élites. Comment l’a-t-il utilisé pendant la même période ?
Les ordres du roi comportaient une hiérarchie :
Quant à l’ordre de Saint-Michel, son rôle fut plus inattendu. Il était le plus ancien, Louis XI l’ayant créé en 1469. C’était alors l’ordre du roi, il ne pouvait compter que 36 membres, tous chevaliers, tous de haute naissance. Il fut bientôt ouvert aux gens de robe et de lettres, voire aux maires et échevins de grandes villes, ce qui explique le mot plaisant de Montaigne qui avait rêvé, étant jeune, de s’élever jusqu’à l’ordre de Saint-Michel, et c’est cet ordre, dit-il, qui « se rabaissa jusqu’à ses épaules et au-dessous ». Louis XIV l’épura, en 1661, le limitant à 100 membres, nobles de trois degrés ou distingués par leurs services militaires, et qui ne devaient pas avoir d’activité dérogeant à la noblesse.
La création de l’ordre de Saint-Louis amena Louis XIV à réserver l’ordre de Saint-Michel à d’autres talents, ceux de Mansard, Robert de Cotte, Jacques Gabriel et Lenôtre, par exemple. Cet ordre fut très peu attribué dans la première moitié du XVIIIe siècle. Dans la suite il devint la récompense des civils. Il fut le complément des anoblissements de fonctionnaires, de médecins, de négociants et d’artistes. On retrouve dans ses rangs presque uniquement les noms des anoblis que nous avons rencontrés dans la noblesse de fonctions et dans la noblesse de talents. Il s’ajoutait à la noblesse des civils comme la croix de Saint-Louis à la noblesse militaire, avec cette différence que la croix de Saint-Louis était beaucoup plus généreusement attribuée tandis que la croix de Saint-Michel était loin de revenir à tous les anoblis de négoce, de fonctions ou de talents. Toutefois le nombre de bénéficiaires s’accrut avec le temps, là encore une catégorie intermédiaire se dessinait entre nobles et roturiers, l’ordre n’étant plus qu’une survivance, la réalité consistait dans une décoration. […]
La transformation des ordres du roi se marque fortement par la comparaison des notices de l’Etat de la France : en 1699 c’étaient « des récompenses honorables données à ceux qui avaient bien servi l’Etat et le prince, en reconnaissance de leurs mérites, aussi les princes ont-ils coutume de ne les donner qu’à ceux qui ont l’honneur d’être leurs parents et aux personnes les plus considérables de l’Etat. » En 1749 il s’agissait de récompenses destinées, soit aux personnes de naissance distinguée, soit à celles qui avaient servi l’Etat. De toute évidence, dans l’opinion, le mérite personnel l’emportait sur la naissance, la décoration remplaçait les ordres, on le constate en comparant Furetière et l’Encyclopédie.
Il n’en reste pas moins que la royauté usa fort discrètement des ordres de chevalerie, ils furent plus rarement accordés que les lettres de noblesse, et exactement aux mêmes catégories : militaires, fonctionnaires, personnes approchant le roi, et les meilleurs choix furent encore ceux qui concernaient les artistes. L’aristocratie ne permit pas d’octroyer l’ordre du Saint-Esprit aux gens sans naissance […] et l’ordre de Saint-Michel perdit son éclat pour ne compter que des roturiers. Seul le métier des armes maintenait son prestige suffisamment pour que la croix de Saint-Louis fut prisée et recherchée. »
Il évoque aussi la noblesse impériale au début du XIXe siècle :
«
En fait l’armée accapara plus de la moitié des lettres d’anoblissement, la noblesse d’empire fut d’abord une noblesse militaire, selon la logique des choses sous ce régime. Les fonctionnaires et administrateurs reçurent plus du cinquième des lettres, comme il convient dans un régime autoritaire et administratif. Les particuliers, notables fortunés et influents, obtinrent 6% des lettres, le clergé représentant 3%. Quant aux savants, médecins, membres de l’Institut, ils ne fournirent qu’un petit groupe, avec environ 1,5% des lettres ; enfin la noblesse commerçante fut toujours embryonnaire, le nombre des négociants anoblis fut insignifiant. »
Pour les raisons évoquées plus haut, nous n’avons pas pu consulter l’ouvrage sur La noblesse de Philippe Du Puy De Clinchamps qui d’après les extraits que nous trouvons dans Google Livres semble fournir un certain nombre de précisions sur le titre de chevalier.
La Simple note sur les origines de la noblesse, des titres et des anoblissements d’Oscar-Amédée de Watteville du Grabe devrait également vous permettre d’approfondir.
En attendant, vous trouverez dans Wikipedia plusieurs pages qui pourront vous intéresser :
- Chevalier (chevalerie)
- Noblesse française
- Titre de noblesse
- Noblesse d’Empire
Bonne journée.
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