Question d'origine :
bonjour
je viens de tomber sur une plaque commémorative "morts pour la France" ( sans précision de date) à la cathédrale Notre Dame à Grenoble
je remarque que sur le bas de la plaque des noms qui ne respectent pas l'ordre alphabétique, j'en conclue que ces noms ont été rajoutés à postériori.
l'édification des monuments aux morts et des plaques commémoratives ne s'est pas faite sans douloureuses querelles dans les villes et villages en France. Je pense aux oublis, aux soldats considérés comme déserteurs, aux soldats fusillés et qui auraient pu être réhabilités dans un deuxième temps ...
pourriez vous me proposer des pistes pour vérifier mes hypothèses?
je vous remercie
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 30/10/2019 à 08h51
Bonjour,
En effet, les débats de ne manquent pas quant aux noms inscrits ou non sur ces monuments aux morts.
La presse, à l’occasion du centenaire, s’en est largement fait le relais :
Un article du magazine Slate évoque ces oubliés et les enjeux politiques qui entourent leur inscription sur les plaques.
France culture y a même consacré un reportage de la rédaction en novembre 2018.
La loi du 28 février 2012 précise pourtant clairement les modalités d’inscription : « Lorsque la mention « Mort pour la France » a été portée sur son acte de décès dans les conditions prévues à l'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument est obligatoire ».
Le cas particuliers des fusillés constitue sans doute aujourd'hui la pierre d'achoppement la plus délicate. Si certains d’entre eux ont pu voir leurs noms apparaître sur les monuments commémoratifs, l’article de Slate déjà mentionné précise que « Sur environ 650 fusillés, [seule]une quarantaine ont été réhabilités et figurent sur des monuments aux morts ». Environ 200 monuments les mentionnent, avec l’inscription « morts par fait de guerre » et non « morts pour la France ».
Cette question de la mémoire des fusillés a même fait l’objet d’un rapport remis au ministre délégué aux Anciens Combattants en 2013, rédigé notamment par l’historien Antoine Prost : Quelle mémoire pour les fusillés de 1914-1918 ? Un point de vue historien.
Vous trouverez également quelques éléments à ce sujet dans cet article de L’Humanité en date du 11 novembre 2018 ou dans celui du Point qui évoque le cas du soldat Auguste Ponroy, déclaré déserteur et fusillé en 1914.
Par ailleurs, l’implantation même des monuments aux morts a fait l’objet de nombreux et parfois houleux débats. Comme le rappelle le très complet Comprendre le monument aux morts, de Franck David, « en aucun cas son positionnement n’est anodin et il ranime parfois des querelles tout juste éteintes ou mises en sommeil par le conflit, notamment autour de la loi sur la laïcité […]. Certains veulent [le monument] du côté des morts, au cimetière. Pour ceux-là, la mémoire appartient à chacune des familles endeuillées […]. D’autres le veulent délibérément du côté des vivants. Pour eux, la mémoire des victimes appartient à tous et pas seulement à leurs proches. Le deuil doit être partagé par la collectivité et donc transféré dans l’espace public […]. Une troisième voie s’offre à ceux pour qui la religion seule permet d’accompagner le deuil individuel et collectif […]. Le monument aux morts ne peut s’envisager hors la présence rassurante du clocher ».
Pour aller plus loin :
• Le CNRS a produit un document sur ce sujet intitulé Rendez-vous au monument aux morts. De nombreux spécialistes y interviennent comme Annette Becker, Nicolas Offendstat, Antoine Prost… Le documentaire revient notamment sur les origines et les usages mémoriels de ces monuments. A partir de 32’35, vous aurez également des éléments sur les fusillés.
• Monuments de mémoire, les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale, publié par la mission aux commémorations et à l’information historique, 1991.
• Les lieux de mémoire, T.1, La République, sous la direction de Pierre Nora. Tout un chapitre, rédigé par Antoine Prost, y est consacré aux monuments aux morts.
• Enfin, l’équipe du Guichet du Savoir a, à de multiples reprises, répondu à des questions sur ces monuments. Vous pourriez lire à profit celle consacrée aux droits et devoirs des maires dans le dépôt d’une plaque commémorative, celle sur l’entretien et le financement des monuments ou encore celle sur le recensement des noms inscrits.
Bonnes lectures !
En effet, les débats de ne manquent pas quant aux noms inscrits ou non sur ces monuments aux morts.
La presse, à l’occasion du centenaire, s’en est largement fait le relais :
Un article du magazine Slate évoque ces oubliés et les enjeux politiques qui entourent leur inscription sur les plaques.
France culture y a même consacré un reportage de la rédaction en novembre 2018.
La loi du 28 février 2012 précise pourtant clairement les modalités d’inscription : « Lorsque la mention « Mort pour la France » a été portée sur son acte de décès dans les conditions prévues à l'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l'environnement immédiat de ce monument est obligatoire ».
Le cas particuliers des fusillés constitue sans doute aujourd'hui la pierre d'achoppement la plus délicate. Si certains d’entre eux ont pu voir leurs noms apparaître sur les monuments commémoratifs, l’article de Slate déjà mentionné précise que « Sur environ 650 fusillés, [seule]une quarantaine ont été réhabilités et figurent sur des monuments aux morts ». Environ 200 monuments les mentionnent, avec l’inscription « morts par fait de guerre » et non « morts pour la France ».
Cette question de la mémoire des fusillés a même fait l’objet d’un rapport remis au ministre délégué aux Anciens Combattants en 2013, rédigé notamment par l’historien Antoine Prost : Quelle mémoire pour les fusillés de 1914-1918 ? Un point de vue historien.
Vous trouverez également quelques éléments à ce sujet dans cet article de L’Humanité en date du 11 novembre 2018 ou dans celui du Point qui évoque le cas du soldat Auguste Ponroy, déclaré déserteur et fusillé en 1914.
Par ailleurs, l’implantation même des monuments aux morts a fait l’objet de nombreux et parfois houleux débats. Comme le rappelle le très complet Comprendre le monument aux morts, de Franck David, « en aucun cas son positionnement n’est anodin et il ranime parfois des querelles tout juste éteintes ou mises en sommeil par le conflit, notamment autour de la loi sur la laïcité […]. Certains veulent [le monument] du côté des morts, au cimetière. Pour ceux-là, la mémoire appartient à chacune des familles endeuillées […]. D’autres le veulent délibérément du côté des vivants. Pour eux, la mémoire des victimes appartient à tous et pas seulement à leurs proches. Le deuil doit être partagé par la collectivité et donc transféré dans l’espace public […]. Une troisième voie s’offre à ceux pour qui la religion seule permet d’accompagner le deuil individuel et collectif […]. Le monument aux morts ne peut s’envisager hors la présence rassurante du clocher ».
• Le CNRS a produit un document sur ce sujet intitulé Rendez-vous au monument aux morts. De nombreux spécialistes y interviennent comme Annette Becker, Nicolas Offendstat, Antoine Prost… Le documentaire revient notamment sur les origines et les usages mémoriels de ces monuments. A partir de 32’35, vous aurez également des éléments sur les fusillés.
• Monuments de mémoire, les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale, publié par la mission aux commémorations et à l’information historique, 1991.
• Les lieux de mémoire, T.1, La République, sous la direction de Pierre Nora. Tout un chapitre, rédigé par Antoine Prost, y est consacré aux monuments aux morts.
• Enfin, l’équipe du Guichet du Savoir a, à de multiples reprises, répondu à des questions sur ces monuments. Vous pourriez lire à profit celle consacrée aux droits et devoirs des maires dans le dépôt d’une plaque commémorative, celle sur l’entretien et le financement des monuments ou encore celle sur le recensement des noms inscrits.
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