Charles VII voulait déjà se faire sacrer à Reims dès 1423 ?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 05/06/2020 à 14h59
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Question d'origine :
Bonjours chers érudits.
Tous les historiens nous affirment que c’est à l’instigation de Jeanne d’Arc que Charles VII a été sacrer et couronner à Reims. Il parait même qu’elle a du insister fortement. Par hasard, je suis tomber sur un petit livre intitulé ‘’Sainte Jeanne d’Arc à Vaucouleurs’’ ayant pour auteur Paul Gache, paru aux éditions Sainte Jeanne d’Arc, en mai 1982.
Dans son ouvrage, l’auteur affirme que ‘’Charles VII avait déjà l’intention de se faire sacrer à Reims, en témoigne l’exemplaire arrivé à Tournai d’une lettre circulaire du 9 octobre 1423, adressée aux principales villes.’’
Cette affirmation est-elle exacte et où peut-on la retrouver ?
Je me pose la question, car Jeanne d’Arc n’avait que 11 ans en 1423. Elle n’a entendu la volonté de Dieu, de faire sacrer Charles VII à Reims qu’a l’age de 13 ans. C’est pourquoi, je souhaite savoir si cette lettre est vraiment bien réelle.
Pouvez-vous m’aider ?
Bien cordialement.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 08/06/2020 à 10h36
Bonjour,
D’après les sources que nous avons consultées, la lettre de 1423 que vous citez ainsi que la volonté de Charles VII de se faire sacrer à Reims dès cette datesont parfaitement authentiques .
Selon les auteurs de Jeanne d'Arc [Livre] : histoire et dictionnaire / Philippe Contamine, Olivier Bouzy, Xavier Hélary, le sacre n’était pas une obligation légale pour se faire reconnaître roi. Pour autant, dans « la tradition française […] le sacre était perçu comme une cérémonie indispensable à laquelle aucun roi ne pouvait se sous traire », et Jeanne d’Arc elle-même, « qui reflète probablement une opinion largement partagée », persista à appeler Charles VII « le Dauphin » jusqu’à la date effective de son sacre, le 17 juillet 1429. Les auteurs ajoutent :
« Charles VII s’était d’ailleurs préoccupé de son sacre à venir : dans une lettre aux Tournaisiens, datée du 9 octobre 1423, il annonçait sa volonté de se mettre en campagne au printemps suivant pour recevoir son sacre à Reims. »
Cette lettre, également citée dans Les grandes décisions de l'histoire de France [Livre] / sous la direction de Patrice Gueniffey et François-Guillaume Lorrain, ou encore Charles VII [Livre] : une vie, une politique / Philippe Contamine, semble plus précisément adressée aux Tournaisiens eux-mêmes, parce qu’ils restaient ses partisans, malgré la mauvaise posture dans laquelle il se trouvait à ce moment-là :
Quoi qu’il en soit, le roi parvint, non sans mal, à faire se retourner de son côté Jean, comte de Foix. Le 9 octobre 1423, il envoya de Tours une lettre à ses fidèles Tournaisiens, depuis toujours « fermes et estables [stables] envers la couronne et la seigneurie de France ». Son projet était de se montrer, avec l’idée que « noz subgez natifs de nostre royaume ne pourroient veoir nostre dicte personne sans recognoistre leur souverain et naturel seigneur et rendre l’obéissance qu’ilz nous doivent. » Son apparition devrait suffire à rallier les Français. « Nous avons empris le recouvrement de nostre pays de Normandie » […]. Charles VII poursuit : selon votre conseil, nous allons nous mettre sus « à toute puissance » à l’entrée de la saison nouvelle (1424) et gagner Reims «pour nous y faire sacrer et coronner » et réduire tous nos sujets rebelles.
A ce moment-là, ses forces ne lui permettent pas de mettre ce projet à exécution. On est en pleine guerre de cent ans, et, depuis la mort de son père Charles VI l’année précédente, trois prétendants au trône de France s’affrontent, tous descendants de Philippe le bel. Si Henri VI, « roi d’Angleterre et de France », n’est qu’un bébé, son oncle, le Duc de Bedford, assure la régence. En 1420, le futur Charles VII a en outre été déshérité du royaume par ses parents, au profit de :
Conformément au traité de Troyes (1420), Henri VI, alors en bas âge, est à la fois roi de France et d'Angleterre (1422). Les Anglais, sous l'autorité du duc de Bedford, régent de France au nom de son neveu Henri VI, occupent toute la France au nord de la Loire, sauf quelques villes et forteresses isolées, et tiennent la partie occidentale de la Guyenne.
Charles VII, de son côté, dispose d'un embryon de gouvernement à Bourges, d'un parlement à Poitiers. Il tient les pays au sud de la Loire, a rallié le riche Languedoc à sa cause (voyage de 1420), et s'appuie sur le sentiment populaire. Mais il n'a ni finances, ni armée régulière, ni alliances sérieuses. Ses troupes sont vaincues à Cravant (1423) et à Verneuil (1424).
(Source : Encyclopédie Larousse)
Toutes les sources que nous avons consultées sont formelles pour dire que la situation du « Roi de Bourges » est restée critique jusqu’en 1428-29 avec le siège d’Orléans, la rencontre avec Jeanne d’Arc, jusqu’à la reconquête, et il est possible qu’un certain découragement ait pris le souverain, mais nous n’avons pas trouvé de raison de douter de son désir de monter sur le trône. Tout au plus l’ouvrage Jeanne d'Arc [Livre] : histoire et dictionnaire / Philippe Contamine, Olivier Bouzy, Xavier Hélary cité plus haut dresse-t-il l’image d’un souverain méfiant, prudent jusqu’à la frilosité, bien que l’historiographie l’ait beaucoup calomnié. Jeanne d’Arc lui aura sans doute permis de gagner du temps et de recouvrer un peu d’audace. Ce qui symboliquement lui donne un avantage :
En pressant Charles de recevoir le sacre à Reims, Jeanne lui offre un avantage incontestable ; contre les princes, contre les conseillers, elle montre une lucidité exceptionnelle quant aux enjeux réels du conflit, au fond plus idéologiques que militaires. Pleinement roi, Charles anéantit l’effet désastreux du traité de Troyes qui l’avait déshérité : plus que jamais, il peut se dire roi de France par la grâce de Dieu.
Bonne journée.
D’après les sources que nous avons consultées, la lettre de 1423 que vous citez ainsi que la volonté de Charles VII de se faire sacrer à Reims dès cette date
Selon les auteurs de Jeanne d'Arc [Livre] : histoire et dictionnaire / Philippe Contamine, Olivier Bouzy, Xavier Hélary, le sacre n’était pas une obligation légale pour se faire reconnaître roi. Pour autant, dans « la tradition française […] le sacre était perçu comme une cérémonie indispensable à laquelle aucun roi ne pouvait se sous traire », et Jeanne d’Arc elle-même, « qui reflète probablement une opinion largement partagée », persista à appeler Charles VII « le Dauphin » jusqu’à la date effective de son sacre, le 17 juillet 1429. Les auteurs ajoutent :
« Charles VII s’était d’ailleurs préoccupé de son sacre à venir : dans une lettre aux Tournaisiens, datée du 9 octobre 1423, il annonçait sa volonté de se mettre en campagne au printemps suivant pour recevoir son sacre à Reims. »
Cette lettre, également citée dans Les grandes décisions de l'histoire de France [Livre] / sous la direction de Patrice Gueniffey et François-Guillaume Lorrain, ou encore Charles VII [Livre] : une vie, une politique / Philippe Contamine, semble plus précisément adressée aux Tournaisiens eux-mêmes, parce qu’ils restaient ses partisans, malgré la mauvaise posture dans laquelle il se trouvait à ce moment-là :
Quoi qu’il en soit, le roi parvint, non sans mal, à faire se retourner de son côté Jean, comte de Foix. Le 9 octobre 1423, il envoya de Tours une lettre à ses fidèles Tournaisiens, depuis toujours « fermes et estables [stables] envers la couronne et la seigneurie de France ». Son projet était de se montrer, avec l’idée que « noz subgez natifs de nostre royaume ne pourroient veoir nostre dicte personne sans recognoistre leur souverain et naturel seigneur et rendre l’obéissance qu’ilz nous doivent. » Son apparition devrait suffire à rallier les Français. « Nous avons empris le recouvrement de nostre pays de Normandie » […]. Charles VII poursuit : selon votre conseil, nous allons nous mettre sus « à toute puissance » à l’entrée de la saison nouvelle (1424) et gagner Reims «
A ce moment-là, ses forces ne lui permettent pas de mettre ce projet à exécution. On est en pleine guerre de cent ans, et, depuis la mort de son père Charles VI l’année précédente, trois prétendants au trône de France s’affrontent, tous descendants de Philippe le bel. Si Henri VI, « roi d’Angleterre et de France », n’est qu’un bébé, son oncle, le Duc de Bedford, assure la régence. En 1420, le futur Charles VII a en outre été déshérité du royaume par ses parents, au profit de :
Conformément au traité de Troyes (1420), Henri VI, alors en bas âge, est à la fois roi de France et d'Angleterre (1422). Les Anglais, sous l'autorité du duc de Bedford, régent de France au nom de son neveu Henri VI, occupent toute la France au nord de la Loire, sauf quelques villes et forteresses isolées, et tiennent la partie occidentale de la Guyenne.
Charles VII, de son côté, dispose d'un embryon de gouvernement à Bourges, d'un parlement à Poitiers. Il tient les pays au sud de la Loire, a rallié le riche Languedoc à sa cause (voyage de 1420), et s'appuie sur le sentiment populaire. Mais il n'a ni finances, ni armée régulière, ni alliances sérieuses. Ses troupes sont vaincues à Cravant (1423) et à Verneuil (1424).
(Source : Encyclopédie Larousse)
Toutes les sources que nous avons consultées sont formelles pour dire que la situation du « Roi de Bourges » est restée critique jusqu’en 1428-29 avec le siège d’Orléans, la rencontre avec Jeanne d’Arc, jusqu’à la reconquête, et il est possible qu’un certain découragement ait pris le souverain, mais nous n’avons pas trouvé de raison de douter de son désir de monter sur le trône. Tout au plus l’ouvrage Jeanne d'Arc [Livre] : histoire et dictionnaire / Philippe Contamine, Olivier Bouzy, Xavier Hélary cité plus haut dresse-t-il l’image d’un souverain méfiant, prudent jusqu’à la frilosité, bien que l’historiographie l’ait beaucoup calomnié. Jeanne d’Arc lui aura sans doute permis de gagner du temps et de recouvrer un peu d’audace. Ce qui symboliquement lui donne un avantage :
En pressant Charles de recevoir le sacre à Reims, Jeanne lui offre un avantage incontestable ; contre les princes, contre les conseillers, elle montre une lucidité exceptionnelle quant aux enjeux réels du conflit, au fond plus idéologiques que militaires. Pleinement roi, Charles anéantit l’effet désastreux du traité de Troyes qui l’avait déshérité : plus que jamais, il peut se dire roi de France par la grâce de Dieu.
Bonne journée.
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