Question d'origine :
Nicolas Poussin, grand peintre du classisisme, a réalisé un tableau: Paysage avec Orphée et Eurydice.
Question: Quels sont les messages cachés de ce tableau?
Réponse du Guichet

Tout d’abord, voici une description du tableau Paysage avec Orphée et Eurydice, appartenant aux collections du Musée du Louvre, sur le site de l'Académie de Versailles, ainsi qu’une «fiche technique», sur le site utpictura18 (Base de données iconographique des Universités Toulouse Le Miral et Paul Valéry de Montpellier).
Le catalogue de l'exposition consacrée à Poussin en 1994-1995 au Grand Palais est une référence irremplaçable ; chaque oeuvre y est décrite avec précision et chacune est assortie d’une bibliographie abondante.
Voici des extraits de ce qui est mentionné sur Paysage avec Orphée et Eurydice (catalogue n° 180) :
«Le tableau, l’un des plus célèbres et des plus populaires de Poussin, n’en est pas moins un des plus mystérieux et, sur bien des points, un des plus intrigants. Jusqu’en 1978, on ignorait sa provenance première avant son acquisition par Louis XIV en 1685. La découverte de l’inventaire après décès de l’amateur lyonnais Nicolas Pointel (il ne possédait pas moins de 21 Poussin) a permis de s’assurer que ce tableau lui avait appartenu. Mais, surtout, cet inventaire nous a appris que le tableau avait été coupé, principalement dans sa hauteur. […] Cette mutilation qui est ancienne, antérieure à 1685 selon Bréjon de Lavergnée (1987), et cette provenance illustre, permettent de rapprocher l’Orphée et Eurydice de quelques lignes du texte fondateur de Félibien […] : «Ce fut encore dans le même temps qu’il fit pour le même Pointel deux grands païsages : dans l’un il y a un homme mort et entouré d’un serpent et un autre homme effrayé qui s’enfuit.» Rien sur l’autre «paysage», à coup sûr le tableau du Louvre.
Dans le premier tableau, on aura reconnu le Paysage avec un homme tué par un serpent de la National Gallery de Londres […].
Mais peut-on aller plus loin et avancer que les tableaux du Louvre et de Londres ont été conçus en pendants ?
[…] ils paraissent se répondre dans leur composition comme par leur esprit. L’échelle des figures, les attitudes de l’homme effrayé et d’Eurydice, les deux lacs avec leurs jeux de reflets, les arbres, les «fabriques» – on a souvent vu ici le château Saint-Ange, le pont Milvius, la tour des Milices – l’étagement des plans, maints détails, les baigneurs, nus ou en train de se dévêtir ou déjà nageant, les hâleurs et les barques – sans qu’il soit besoin de mentionner les serpents – tout donne le sentiment de deux compositions complémentaires. Les sujets aussi semblent des réflexions sur une même idée. Il s’agit de l’apparition soudaine et brutale, imprévue et irrationnelle, de la mort dans un paysage idyllique : alors qu’Orphée célèbre ses noces au son de sa lyre, en présence de nymphes (l’homme couronné figurerait l’Hymen), Eurydice, qui cueillait des fleurs, «le talon percé par la dent d’un serpent» (Métamorphoses, X), pousse un cri. Surpris, un pêcheur se retourne (on songe à la femme étonnée, accroupie au centre de Paysage avec un homme tué par un serpent), mais Orphée, qui n’a rien entendu, plongé dans sa musique, poursuit imperturbable. Les surprenantes fumées qui s’échappent du château Saint-Ange font sans doute allusion au drame qui se déroule sous nos yeux.»
L’article se termine en signalant la parution d’un ouvrage de Sheila McTighe, qui avait consacré sa thèse en 1987 sur Nicolas Poussin et qui «s'est déjà consacrée au tableau en poussant, sans doute trop loin, l'interprétation, mais en ouvrant des perspectives qui méritent l’attention» ; il s’agit de Poussin’s Landscape Allegories, Cambridge University Press, 1996. Vous pourrez le consulter à la Bibliothèque nationale de France (voir le catalogue de la BnF)).
En voici le sommaire critique dans The Bibliography of the history of art (BHA) (consultation de cette base seulement des locaux de la Bibliothèque municipale de Lyon) :
«Offers new interpretations for several of Poussin's enigmatic landscape paintings from his late career. Examines the landscapes within the social and intellectual context of 17th c. libertinage, a clandestine atheist movement, and addresses the reception of these works, as ideally conceived by the artist, and as seen by a subsequent generation of critics and biographers. Challenges the traditional view of Poussin's work as "classic", a term that implies its clarity and rationality. Argues that Poussin's landscape allegories are deliberately obfuscatory, their meaning ensconced in a set of signs and symbols recognizable only to an intellectual milieu that was marginal in 17th c. cultural life.»
Un article (de The art bulletin), présent sur le web, en fait une critique (toujours en anglais) ; en voici le texte ; il apparaît que le tableau aurait un sens politique caché et crypté (la barque du pêcheur représentant l'Etat, par exemple), et en accord avec un courant athée de son époque. L'auteur de ce livre propose apparemment des clés qui manqueraient au spectateur d'aujourd'hui. Ce qui est discuté (et critiqué) dans l'article, extrêmement circonstancié.
La consultation des ouvrages de l'un des grands spécialistes de Poussin, Anthony Blunt, peut être également utile pour l'interprétation ; voici la liste de ces ouvrages, possédés par la Bibliothèque municipale de Lyon.
Alors, les messages cachés de ce tableau ? A vous d'en juger ; et surtout, de regarder.

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