Question d'origine :
Bonjour
je voudrais savoir à partir de quand il n'a plus été nécessaire aux lecteurs de couper les pages d'un livre avec un coupe-papier; pour quels types de livres les éditeurs ou les imprimeurs ont-ils décidé de mettre en vente des ouvrages qu'on pouvait feuilleter directement?
merci!
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 28/05/2004 à 13h45
Il n’a pas toujours été nécessaire pour le lecteur de couper les pages d’un livre avec un coupe-papier.
Sous l’Ancien-Régime, les livres vendus brochés étaient laissés non coupés parce qu’ils étaient le plus souvent destinés à être confiés par leur acquéreur, ou par le libraire, à un relieur, lequel avait besoin de la marge ainsi ménagée pour exécuter correctement son travail.
A la fin du XVIIIe siècle, les éditeurs commencent à diffuser des ouvrages brochés, avec une couverture de papier muette puis parlante, et destinés à être lus après avoir été découpés à la main. Cette pratique économique va se développer pendant le premier tiers du XIXe siècle et perdurer pendant tout le XIXe siècle, et la première moitié du XXe siècle, pour les livres brochés : Il fallait, pour les lire, libérer les cahiers pliés avec un coupe-papier. « Le seul plaisir qu’un livre me procure encore, c’est le frisson du couteau d’ivoire dans ses pages non coupées : c’est une virginité comme une autre et cela est toujours bon à prendre » (Théophile Gautier, Les jeunes France, 1833, préface).
Cela concernait donc les livres brochés quel qu’en soit le contenu : livres courants, revues, mais aussi certains livres de bibliophilie ou de collection (Les bibliophiles amateurs de grandes marges sur beaux papiers collectionneront les exemplaires non rognés). Le mot coupe-papier apparaît tardivement pour la première fois dans le dictionnaire Larousse en 1866.
Parallèlement et progressivement, la généralisation de la reliure d’éditeur et du façonnage industriel rend de plus en plus rares les livres non-coupés : le massicot apparaît en 1844 et permet de livrer très rapidement des exemplaires coupés. Enfin, l’apparition du livre au format de poche met un terme à cette tradition. Les cahiers ne sont plus conservés, mais coupés dans le fond et réunis les uns aux autres par une couche de colle.
A part les «grands papiers» ou tirages de tête des ouvrages littéraires, on ne publie aujourd’hui presque plus aucun livre non coupé. De rares éditeurs continuent à livrer des exemplaires non rognés ou non massicotés, tel José Corti dont on associe souvent le nom «au coupe-papier et au lent dévoilement du texte», ou des revues savantes comme «Scriptorium».
« Cette mode très française, pour horripilante qu’elle ait pu être, avait cependant un petit charme qui flattait l’individualisme de nos compatriotes : le volume ne s’ouvrait qu’à celui qui prenait la peine de l’ouvrir. Il fallait le libérer de ses pliures et à chaque opération le lecteur pouvait croire que l’ouvrage n’était destiné qu’à lui seul…Comme les maisons qui produisent encore des livres non coupés sont rares, les lecteurs ont perdu l’habitude du coupe-papier. C’est ici qu’il convient de déconseiller l’usage d’un index négligent qui détériore le volume en donnant des marges en dents de scie ».
(Chr. Galantaris, Manuel de bibliophilie, Ed. des Cendres, 1997)
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