Question d'origine :
Bonjour, on parle beaucoup, les dénonçant à juste titre, de violence conjugale dans les couples hétérosexuels (mari qui bat sa femme), mais y a t-il également des exemples avérés ou des études sur la violence au sein de couples homosexuels ? (mari qui bat son mari, ou femme qui bat sa femme) Cela m'intéresse vivement. Merci de votre réponse, qui, je le sais déjà, sera riche et pertinente.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 04/03/2021 à 16h48
Bonjour,
La violence conjugale existe bien dans les couples LGBT, même si peu d’études ont pour l’instant été réalisées sur le sujet. On peut ainsi lire sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec qu’il est « difficile d’établir de façon précise l’ampleur de la violence conjugale chez les personnes LGBT, car le sujet a été peu étudié. Les chercheurs s’entendent cependant pour dire quela violence dans les couples gais et lesbiens est au moins aussi répandue que celle qui existe dans les couples hétérosexuels . »
Le site pourquoidocteur.fr fait un point sur le sujet :
« Les violences domestiques ne touchent pas que les couples hétérosexuels et les femmes n’en sont pas les seules victimes.La moitié des hommes gays sont eux aussi soumis à des abus en tous genre au sein de leur couple . Telle est la conclusion d’une nouvelle étude américaine parue ce mois-ci dans la revue American Journal of Men's Health, la première à s’être intéressée à la violence au sein des couples homosexuels masculins.
Parmi les 320 hommes suivis (160 couples) en 2018 par l’Université du Michigan, 46% ont rapporté avoir expérimenté une forme de violence dans leur couple au cours de l’année précédente, qu’il s’agisse d’abus émotionnel ou physique. "Si vous regardez juste la violence physique et sexuelle dans les couples masculins, elle représente entre 25 et 30%, soit environ la même que chez les femmes", détaille Rob Stephenson, directeur du Centre sur les Disparités Sexuelles et Médicales. "Nous sommes bloqués avec la représentation mentale d’une violence domestique perpétrée par un bourreau masculin sur une victime féminine. Même si cela existe, il y a d’autres formes de violences domestiques dans tous les types de relations", explique-t-il.
Aussi, ces résultats changent la donne car ils vont à l’encontre des stéréotypes, la plupart des études sur la violence conjugale ayant tendance à être réalisées du point de vue de la femme dans un couple hétérosexuel. Par ailleurs, pour une fois, l’Université du Michigan ne prend pas seulement en compte les violences physiques mais également les comportements abusifs, qui isolent, humilient ou contrôlent le partenaire.
Un sujet encore plus tabou en France
Ici, on constate que la violence dans les couples homosexuels rejoint la prévention contre le sida car les hommes coincés dans des relations abusives peinent souvent à négocier l’utilisation du préservatif et à décider de la fréquence et de leurs relations sexuelles, explique Stephenson. Enfin, cette étude établit un lien fort entre le refus de l’homosexualité et la violence. En effet, un homme gay qui aura du mal à assumer son identité sexuelle pourra s’en prendre à son partenaire de manière violente physiquement ou émotionnellement pour relâcher la pression. De la même manière que, dans un couple hétérosexuel, il arrive qu’un homme au chômage se défoule sur sa femme car il n’arrive pas à gérer sa frustration et son sentiment d’impuissance.
C’est pourquoi, Stephenson aimerait que les médecins commencent à poser des questions sur la violence aux couples masculins. Mais si le spécialiste trouve le sujet tabou outre-Atlantique, il est déjà bien plus évoqué qu’en France. En effet, il n’existe aucune étude nationale et fiable sur le sujet et les associations LGBT évitent de se prononcer sur la question. Il y a quelques années,une étude canadienne avait établi que 15% des gays et lesbiennes auraient été victimes de violences conjugales contre 7% chez les hétérosexuels au cours de l’année 2004 . Selon le site spécialisé rezosante.org, il s’agirait même de la troisième cause de problèmes de santé chez les homosexuels après le VIH et les drogues. En France, pourtant, on se tait.
D’après Elodie Brun, coordinatrice LGPM (Lesbian and Gay Pride Montpellier), interviewée par Slate fin 2012 dans l’un des rares articles sur le sujet, "les associations LGBT ont peur de réactiver les clichés, comme celui de la lesbienne camionneuse. Elles ne souhaitent pas donner de grain à moudre à leurs détracteurs".
Par ailleurs, "porter plainte pour violence conjugale est assez difficile pour un homosexuel . En effet, dans certains cas, il y a la peur du ridicule, la peur de devoir avouer son homosexualité devant des inconnus, de ne pas être pris au sérieux. D’autres ont peur que cela se sache et que leur sexualité soit découverte par leurs proches ou bien même dans leur commune. Parfois même, certains homosexuels vivent des relations de couples considérées comme leur seul repère amoureux dans la société, car ils vivent éloignés de tout lien LGBT, ne côtoient personne d’autre que leur conjoint. Ainsi ils sont effrayés de devoir quitter tout cela et de se retrouver dépourvu de repères dans une société où il n’est pas toujours simple d’être membre de la communauté LGBT", expliquait Slate. »
On trouve aussi quelques données chiffrées pour la France, citées dans l’article de Libé Les LGBT, oubliés de la proposition de loi sur les violences conjugales ? :
« si le phénomène est minoritaire, il n’est pas isolé. L’enquête «Virage» de l’Institut national d’études démographiques montrait en 2015 que1% des victimes de violences sexuelles dans un couple seraient lesbiennes, gays ou bis . Selon le député, cela pourrait correspondre à 3 750 personnes par an . »
Un article de Slate fournit aussi quelques chiffres issus de sources françaises ou américaines :
« Selon l'étude nationale relative aux morts violentes au sein du couple en 2019 publiée le 17 août,huit décès sont survenus au sein de couples homosexuels (contre trois en 2018), dont sept couples d'hommes . Perdue au milieu des chiffres dramatiques concernant les féminicides, cette donnée tout aussi tragique est la partie émergée d'un iceberg indicible et impensé: celui des violences conjugales au sein des couples LGBT+.
Ignorées du Grenelle des violences conjugales et des propositions de lois qui ont suivi, ces violences font assez peu l'objet d'études en France. Pourtant, une méta-analyse américaine de 2015 avance que de25% à 40,4% des femmes en couple lesbien et de 26,9% à 40% des hommes en couple gay ont subi des violences conjugales au cours de leur vie . Ces chiffres, équivalents à ceux des femmes en couple hétérosexuel mais bien supérieurs à ceux des hommes en couple hétéro, incluent pareillement les violences physiques, verbales, psychologiques, matérielles ou encore sociales. Pour autant, le silence demeure.
Le poids d'une conception hétéronormée de la violence
Les victimes elles-mêmes ont du mal à caractériser les comportements problématiques, notamment parce qu'elles ont intériorisé le fait que les violences conjugales seraient uniquement le fait d'un homme sur une femme. «Les violences ne sont pas l'apanage de la domination masculine et peuvent être systémiques dans le couple, pointe la psychologue et sexologue Coraline Delebarre. Il y a un impensé social, avec une construction des rôles sociaux et sexuels de genre qui font que des personnes de même sexe ne pourraient pas être violentes l'une envers l'autre parce qu'elles sont vues comme égales.»
Marc résume parfaitement ce phénomène: «J'avais l'impression que ces violences ne comptaient pas, parce que nous étions deux garçons et je me disais que ça n'existait que chez les couples homme/femme.» Même son de cloche de la part de Sasha, qui a subi les violences verbales et psychologiques de sa compagne: «Dans le cadre d'une relation entre deux femmes, c'est compliqué de parler de violence psychologique, car dans l'imaginaire collectif, même LGBT, on a cette image de la chieuse, certes pénible mais au fond pas bien méchante.»
Comme le résume Valérie Roy, professeure titulaire en sciences sociales à l'École de travail social et de criminologie de l'Université de Laval, «il existe une conception hétéronormative de la violence qui fait que l'homme serait nécessairement auteur et la femme victime». Et d'ajouter: «Il y a bien sûr la violence physique, visible et criminalisée mais aussi la violence psychologique qui n'est souvent pas perçue comme telle et demeure invisible jusqu'à ce que le ou la partenaire en vienne finalement aux mains.» »
Source : L'impensé des violences conjugales au sein des couples LGBT+, slate.fr
Plusieurs études (américaines) sont citées dans l’article de François Bonnet paru dans la Revue française de sociologie : Violences conjugales, genre et criminalisation : synthèse des débats américains :
«Les violences dans les couples gays et lesbiens
Les niveaux de violences sont les mêmes dans les couples hétérosexuels, gays (Merrill et Wolfe 2000) et lesbiens (Renzetti, 1992 ; Eaton et al., 2008), et les processus semblent similaires. Avec une définition large des violences (incluant les violences psychologiques et sexuelles),entre 25 % et 50 % des couples homosexuels sont concernés (McClennen, 2005 ; Murray and Mobley ; 2009). Les couples gays enregistreraient plus de violence physique, et la violence dans les couples lesbiens serait plus fréquente que dans les couples gays, mais moins sévère en termes de blessures physiques (Kulkin et al., 2007).
Un problème dans les études sur les couples gays et lesbiens est la taille des échantillons et la stratégie d’échantillonnage. La faible proportion des personnes homosexuelles dans la population et le biais de conformité relatif à la réprobation sociale de l’homosexualité limitent l’efficacité des enquêtes aléatoires à produire des gros échantillons. Cet obstacle est surmonté par Brian C. Kelly et. al (2011), qui ont constitué un échantillon de 1 782 gays et 418 lesbiennes à New York et à Los Angeles. 16,6 % s’identifient comme victime, 4,1 % comme auteur, et 23,4 % à la fois comme victime et auteur (sur les cinq dernières années). La bidirectionnalité de la violence suggère un pattern de violence situationnelle de couple. L’enquête ne relève pas de différence entre gays, lesbiennes et bisexuel-le-s dans la composition des violences (physiques ou psychologiques). Une autre étude systématique compare la prévalence des violences conjugales dans les couples homosexuels aux États-Unis et au Venezuela. Les taux de violence sont les mêmes, mais les enquêtés vénézuéliens ont une perception de la police et des tribunaux plus négative que les enquêtés américains (Burke et al., 2002).
Les processus qui causent ou font persister la violence dans les couples gays et lesbiens sont similaires aux dynamiques des couples hétérosexuels (Burke et Follingstad, 1999). La violence dans les couples gays et lesbiens est liée aux difficultés économiques (Kulkin et al., 2007), à la dépendance affective, à la jalousie (Eaton et al., 2008 ; McClennen, 2005), à l’alcool (Eaton et al., 2008 ; McClennen, 2005 ; Kelly et al., 2011). G. S. Merrill et V. A. Wolfe (2000, p. 1-2) notent au sujet de la violence dans les couples gays : « De même, les raisons les plus fréquemment citées pour rester – à savoir, l’espoir d’un changement et l’amour pour le conjoint – semblent universelles à l’expérience d’être battu. »
Le contexte de l’homophobie entraîne des spécificités pour les hétéro- et homosexuels en rapport avec les violences. D’abord, la menace de l’outing (révéler l’homosexualité contre le gré du conjoint) est une source de conflit ou une raison pour la victime de rester dans une relation violente (Kulkin et al., 2007 ; Sokoloff et Dupont, 2005). Ensuite, la plupart des foyers et des associations sont spécialisés dans l’aide aux femmes hétérosexuelles (Kulkin et al., 2007 ; Eaton et al., 2008 ; Murray and Mobley, 2009). Enfin, les gays et les lesbiennes tendent à percevoir la police et le système judiciaire comme des institutions homophobes (Kulkin et al., 2007). Le sida peut contraindre un homme malade à rester avec un conjoint violent (Kulkin et al., 2007 ; Merrill and Wolfe, 2000).
Si la violence conjugale est la violence des hommes contre les femmes, alors elle ne devrait pas exister au sein des couples homosexuels. Les violences dans les couples gays et lesbiens posent un problème aux théories selon lesquelles la violence conjugale est une violence des hommes contre les femmes, rendue possible par le patriarcat et/ou visant à la perpétuation du patriarcat (Burke et Follingstad, 1999 ; Eaton et al., 2008 ; McClennen, 2005). Comme l’écrivent Christine E. Murray et A. Keith Mobley (2009, p. 363-364) : « L’obstacle le plus fondamental pour les chercheurs sur les violences conjugales sur les couples de même sexe est que ces dernières confrontent le paradigme féministe dominant qui a lancé le mouvement contre les violences conjugales. L’essence et la philosophie du mouvement contre les violences conjugales (aussi appelé mouvement des femmes battues) est que le patriarcat et le sexisme sont les causes profondes des violences masculines contre les femmes dans les couples ; donc, les femmes sont les victimes des violences conjugales d’auteurs mâles. » Pour Leslie K. Burke et Diane R. Follingstad (1999), l’un des obstacles aux progrès de la connaissance sur les violences dans les couples homosexuels est la « perception culturelle » que ces violences sont le fait des hommes sur les femmes. »
Bonne journée.
La violence conjugale existe bien dans les couples LGBT, même si peu d’études ont pour l’instant été réalisées sur le sujet. On peut ainsi lire sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec qu’il est « difficile d’établir de façon précise l’ampleur de la violence conjugale chez les personnes LGBT, car le sujet a été peu étudié. Les chercheurs s’entendent cependant pour dire que
Le site pourquoidocteur.fr fait un point sur le sujet :
« Les violences domestiques ne touchent pas que les couples hétérosexuels et les femmes n’en sont pas les seules victimes.
Parmi les 320 hommes suivis (160 couples) en 2018 par l’Université du Michigan, 46% ont rapporté avoir expérimenté une forme de violence dans leur couple au cours de l’année précédente, qu’il s’agisse d’abus émotionnel ou physique. "Si vous regardez juste la violence physique et sexuelle dans les couples masculins, elle représente entre 25 et 30%, soit environ la même que chez les femmes", détaille Rob Stephenson, directeur du Centre sur les Disparités Sexuelles et Médicales. "Nous sommes bloqués avec la représentation mentale d’une violence domestique perpétrée par un bourreau masculin sur une victime féminine. Même si cela existe, il y a d’autres formes de violences domestiques dans tous les types de relations", explique-t-il.
Aussi, ces résultats changent la donne car ils vont à l’encontre des stéréotypes, la plupart des études sur la violence conjugale ayant tendance à être réalisées du point de vue de la femme dans un couple hétérosexuel. Par ailleurs, pour une fois, l’Université du Michigan ne prend pas seulement en compte les violences physiques mais également les comportements abusifs, qui isolent, humilient ou contrôlent le partenaire.
Ici, on constate que la violence dans les couples homosexuels rejoint la prévention contre le sida car les hommes coincés dans des relations abusives peinent souvent à négocier l’utilisation du préservatif et à décider de la fréquence et de leurs relations sexuelles, explique Stephenson. Enfin, cette étude établit un lien fort entre le refus de l’homosexualité et la violence. En effet, un homme gay qui aura du mal à assumer son identité sexuelle pourra s’en prendre à son partenaire de manière violente physiquement ou émotionnellement pour relâcher la pression. De la même manière que, dans un couple hétérosexuel, il arrive qu’un homme au chômage se défoule sur sa femme car il n’arrive pas à gérer sa frustration et son sentiment d’impuissance.
C’est pourquoi, Stephenson aimerait que les médecins commencent à poser des questions sur la violence aux couples masculins. Mais si le spécialiste trouve le sujet tabou outre-Atlantique, il est déjà bien plus évoqué qu’en France. En effet, il n’existe aucune étude nationale et fiable sur le sujet et les associations LGBT évitent de se prononcer sur la question. Il y a quelques années,
D’après Elodie Brun, coordinatrice LGPM (Lesbian and Gay Pride Montpellier), interviewée par Slate fin 2012 dans l’un des rares articles sur le sujet, "les associations LGBT ont peur de réactiver les clichés, comme celui de la lesbienne camionneuse. Elles ne souhaitent pas donner de grain à moudre à leurs détracteurs".
Par ailleurs, "
On trouve aussi quelques données chiffrées pour la France, citées dans l’article de Libé Les LGBT, oubliés de la proposition de loi sur les violences conjugales ? :
« si le phénomène est minoritaire, il n’est pas isolé. L’enquête «Virage» de l’Institut national d’études démographiques montrait en 2015 que
Un article de Slate fournit aussi quelques chiffres issus de sources françaises ou américaines :
« Selon l'étude nationale relative aux morts violentes au sein du couple en 2019 publiée le 17 août,
Ignorées du Grenelle des violences conjugales et des propositions de lois qui ont suivi, ces violences font assez peu l'objet d'études en France. Pourtant, une méta-analyse américaine de 2015 avance que de
Les victimes elles-mêmes ont du mal à caractériser les comportements problématiques, notamment parce qu'elles ont intériorisé le fait que les violences conjugales seraient uniquement le fait d'un homme sur une femme. «Les violences ne sont pas l'apanage de la domination masculine et peuvent être systémiques dans le couple, pointe la psychologue et sexologue Coraline Delebarre. Il y a un impensé social, avec une construction des rôles sociaux et sexuels de genre qui font que des personnes de même sexe ne pourraient pas être violentes l'une envers l'autre parce qu'elles sont vues comme égales.»
Marc résume parfaitement ce phénomène: «J'avais l'impression que ces violences ne comptaient pas, parce que nous étions deux garçons et je me disais que ça n'existait que chez les couples homme/femme.» Même son de cloche de la part de Sasha, qui a subi les violences verbales et psychologiques de sa compagne: «Dans le cadre d'une relation entre deux femmes, c'est compliqué de parler de violence psychologique, car dans l'imaginaire collectif, même LGBT, on a cette image de la chieuse, certes pénible mais au fond pas bien méchante.»
Comme le résume Valérie Roy, professeure titulaire en sciences sociales à l'École de travail social et de criminologie de l'Université de Laval, «il existe une conception hétéronormative de la violence qui fait que l'homme serait nécessairement auteur et la femme victime». Et d'ajouter: «Il y a bien sûr la violence physique, visible et criminalisée mais aussi la violence psychologique qui n'est souvent pas perçue comme telle et demeure invisible jusqu'à ce que le ou la partenaire en vienne finalement aux mains.» »
Source : L'impensé des violences conjugales au sein des couples LGBT+, slate.fr
Plusieurs études (américaines) sont citées dans l’article de François Bonnet paru dans la Revue française de sociologie : Violences conjugales, genre et criminalisation : synthèse des débats américains :
«
Les niveaux de violences sont les mêmes dans les couples hétérosexuels, gays (Merrill et Wolfe 2000) et lesbiens (Renzetti, 1992 ; Eaton et al., 2008), et les processus semblent similaires. Avec une définition large des violences (incluant les violences psychologiques et sexuelles),
Un problème dans les études sur les couples gays et lesbiens est la taille des échantillons et la stratégie d’échantillonnage. La faible proportion des personnes homosexuelles dans la population et le biais de conformité relatif à la réprobation sociale de l’homosexualité limitent l’efficacité des enquêtes aléatoires à produire des gros échantillons. Cet obstacle est surmonté par Brian C. Kelly et. al (2011), qui ont constitué un échantillon de 1 782 gays et 418 lesbiennes à New York et à Los Angeles. 16,6 % s’identifient comme victime, 4,1 % comme auteur, et 23,4 % à la fois comme victime et auteur (sur les cinq dernières années). La bidirectionnalité de la violence suggère un pattern de violence situationnelle de couple. L’enquête ne relève pas de différence entre gays, lesbiennes et bisexuel-le-s dans la composition des violences (physiques ou psychologiques). Une autre étude systématique compare la prévalence des violences conjugales dans les couples homosexuels aux États-Unis et au Venezuela. Les taux de violence sont les mêmes, mais les enquêtés vénézuéliens ont une perception de la police et des tribunaux plus négative que les enquêtés américains (Burke et al., 2002).
Les processus qui causent ou font persister la violence dans les couples gays et lesbiens sont similaires aux dynamiques des couples hétérosexuels (Burke et Follingstad, 1999). La violence dans les couples gays et lesbiens est liée aux difficultés économiques (Kulkin et al., 2007), à la dépendance affective, à la jalousie (Eaton et al., 2008 ; McClennen, 2005), à l’alcool (Eaton et al., 2008 ; McClennen, 2005 ; Kelly et al., 2011). G. S. Merrill et V. A. Wolfe (2000, p. 1-2) notent au sujet de la violence dans les couples gays : « De même, les raisons les plus fréquemment citées pour rester – à savoir, l’espoir d’un changement et l’amour pour le conjoint – semblent universelles à l’expérience d’être battu. »
Le contexte de l’homophobie entraîne des spécificités pour les hétéro- et homosexuels en rapport avec les violences. D’abord, la menace de l’outing (révéler l’homosexualité contre le gré du conjoint) est une source de conflit ou une raison pour la victime de rester dans une relation violente (Kulkin et al., 2007 ; Sokoloff et Dupont, 2005). Ensuite, la plupart des foyers et des associations sont spécialisés dans l’aide aux femmes hétérosexuelles (Kulkin et al., 2007 ; Eaton et al., 2008 ; Murray and Mobley, 2009). Enfin, les gays et les lesbiennes tendent à percevoir la police et le système judiciaire comme des institutions homophobes (Kulkin et al., 2007). Le sida peut contraindre un homme malade à rester avec un conjoint violent (Kulkin et al., 2007 ; Merrill and Wolfe, 2000).
Si la violence conjugale est la violence des hommes contre les femmes, alors elle ne devrait pas exister au sein des couples homosexuels. Les violences dans les couples gays et lesbiens posent un problème aux théories selon lesquelles la violence conjugale est une violence des hommes contre les femmes, rendue possible par le patriarcat et/ou visant à la perpétuation du patriarcat (Burke et Follingstad, 1999 ; Eaton et al., 2008 ; McClennen, 2005). Comme l’écrivent Christine E. Murray et A. Keith Mobley (2009, p. 363-364) : « L’obstacle le plus fondamental pour les chercheurs sur les violences conjugales sur les couples de même sexe est que ces dernières confrontent le paradigme féministe dominant qui a lancé le mouvement contre les violences conjugales. L’essence et la philosophie du mouvement contre les violences conjugales (aussi appelé mouvement des femmes battues) est que le patriarcat et le sexisme sont les causes profondes des violences masculines contre les femmes dans les couples ; donc, les femmes sont les victimes des violences conjugales d’auteurs mâles. » Pour Leslie K. Burke et Diane R. Follingstad (1999), l’un des obstacles aux progrès de la connaissance sur les violences dans les couples homosexuels est la « perception culturelle » que ces violences sont le fait des hommes sur les femmes. »
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter