Question d'origine :
Bonjour, Je cherche à savoir quels pays africains ont été le plus touché par le commerce triangulaire en terme de nombre de personne envoyées en esclavage. A t-on des estimations des chiffres et des aires géographiques d'origine des personnes réduites en esclavage ? Merci de votre réponse.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 01/04/2021 à 10h24
Bonjour,
S’il est possible de savoir quelles régions fournissaient le plus d’esclaves, il ne semble pas exister de chiffres et de recensement des régions d’origine des personnes réduites en esclavage. Les négriers se « servaient » en effet autour d’eux mais aussi de plus en plus loin au fur et à mesure de l’accroissement de la demande.
Voici donc les chiffres associés auxrégions de départ des esclaves de la traite Atlantique :
Source : Atlas des esclavages, Marcel Dorigny, Bernard Gainot ; cartographie Fabrice Le Goff
On trouve quelques chiffres partiels dans l’article Le nombre d'esclaves africains importés en Europe et en Amérique, J. Houdaille, Population, 1971, 26-5, mais l’auteur n’en donne pas la provenance :
«Il est encore plus difficile d'étudier la provenance de ces esclaves africains, car les noms d'ethnie et les régions indiquées par les négriers des différentes époques ne coïncident pas toujours. Voici cependant quelques résultats généraux en pourcentages :
Ces estimations ne portent que sur quelques groupes d'esclaves. Pour les traites anglaise et française, les documents permettent de suivre une évolution au XVIIIe siècle. La part de l'Afrique centrale (Angola et du Sud-Est Mozambique) ne cessa d'augmenter, car les négriers éprouvaient de plus en plus de difficultés à s'approvisionner dans le nord de l'Afrique. Au XIXe siècle, l'apport du Mozambique au Brésil devint important. »
L’Afrique de l’Ouest est donc la principale pourvoyeuse d’esclaves :
« La traite atlantique a atteint son apogée à la fin du xviiie siècle, lorsque le plus grand nombre d'esclaves ont été capturés lors d'expéditions dans l'intérieur de l'Afrique de l'Ouest. L'augmentation de la demande d'esclaves due à l'expansion des puissances coloniales européennes vers le Nouveau Monde a rendu la traite négrière beaucoup plus lucrative pour les puissances ouest-africaines, ce qui a conduit à lacréation d'un certain nombre d'empires ouest-africains prospérant sur le commerce des esclaves . Ceux-ci comprenaient l'empire Oyo (Yoruba), l'Empire Kong, l'Imamat du Fouta-Djalon, l'Imamat de Fouta-Toro, le Royaume de Koya, le Royaume de Khasso, le Royaume de Kaabu, la Confédération Fante, la Confédération Ashanti et le royaume de Dahomey. Ces royaumes s'appuyaient sur une culture militariste de guerre constante pour générer le grand nombre de prisonniers humains requis pour le commerce avec les Européens »
Article Esclavage en Afrique, Wikipedia
Mais sur le temps long de la traite, la plupart des régions sont touchées, comme l’explique Luiz Felipe de Alencastro dans l’article « Traite des noirs »de l’Encyclopædia Universalis (en ligne sur les postes informatiques de la BML) :
« Avant 1650, la traite vers le Nouveau Monde portait sur moins de 10 000 esclaves par an. Ces ponctions, limitées à l'échelle du continent, pesaient déjà sur les régions les plus atteintes : haute Guinée, Sénégambie, Congo, Angola et peut-être Bénin. Un tournant se produit au cours du premier quart du XVIIIe siècle, lorsque la demande américaine – activée par l'essor des plantations en Amérique du Nord et aux Antilles, ainsi que par l'exploitation simultanée de l'agriculture et des mines d'or au Brésil – fait quadrupler les prix des esclaves en Afrique. L'Amérique devient la plus grande zone esclavagiste du monde, dépassant de loin les marchés du Moyen-Orient. Cette hausse du prix des « pièces » accentue les mécanismes sociaux et les politiques de production d'esclaves en Afrique : on voit s'intensifier les razzias perpétrées par les ethnies guerrières, les enlèvements organisés par des bandes, les pratiques coutumières punissant des délits divers de la peine de captivité.En même temps entrent en lice les grandes zones africaines de déportation : baie du Bénin, Côte de l'Or, Loango et surtout Angola . […]
S'il est certain que les migrations forcées furent plus lourdes en Afrique occidentale et centrale, toutes les autres régions ont été touchées à des degrés divers . C'est vers la fin du XVIIIe siècle que les migrations forcées ont atteint leur apogée, avec des moyennes annuelles de 100 000 individus transportés outre-mer. Ce niveau élevé s'est maintenu au début du XIXe siècle. On assiste alors à un déplacement des zones de capture d'esclaves : du littoral vers l'intérieur, et de l'ouest vers l'est du continent. La branche du trafic négrier située en Afrique orientale – qui n'a duré qu'un siècle – reposait sur deux débouchés principaux. Le premier, qui concernait surtout les esclaves masculins, était constitué par les plantations européennes, d'abord celles du Nouveau Monde puis celles de l'océan Indien. Le second débouché, surtout pour les femmes esclaves, était le système esclavagiste du Moyen-Orient, lequel comprenait aussi le Kenya et l'île de Zanzibar. Dans les savanes du Nord et dans la corne de l'Afrique, les achats annuels n'ont pas dépassé 20 000 esclaves, mais l'impact démographique de ce trafic fut aussi important, car ce chiffre comprenait un nombre élevé de femmes. »
Voir aussi :
- les articles Commerce triangulaire (qui donne aussi, sous forme de tableau les chiffres pour les régions de départ dans les paragraphes consacrés à l’histoire du commerce triangulaire) et Traites négrières sur Wikipedia
- Une approche globale du commerce triangulaire, Marcel Dorigny, Le Monde diplomatique, novembre 2007
- Mémoire de la traite négrière. Conséquences sur l’Afrique, Louise Marie Diop-Maes
-Esclavage. « La complicité de monarques africains est une donnée objective » selon l’anthropologue sénégalais Tidiane Diakité, Portail des Outre-mer, notamment la carte des royaumes négriers.
- L'Afrique de l'Ouest entre hégémonies et dépendances, un laboratoire de la perte du pouvoir africain, Amzat Boukari-Yabara, dans Dix-huitième siècle 2012/1 (n° 44), pages 27 à 47
- La traite à la « côte d'Angole », Luce-Marie Albigès, L’Histoire par l’image
Petit complément bibliographique :
Les routes de l'esclavage: histoire des traites africaines, VIe-XXe siècle, Catherine Coquery-Vidrovitch
Atlas historique de l'Afrique, sous la direction de François-Xavier Fauvelle et Isabelle Surun
Etre esclave : Afrique-Amériques, XVe-XIXe siècle, Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard
Atlas des peuples d’Afrique, Jean Sellier
La traite des Noirs et ses acteurs africains, Tidiane Diakité
Les traites négrières. Essai d’histoire globale, Olivier Pétré-Grenouilleau
Bonnes lectures !
S’il est possible de savoir quelles régions fournissaient le plus d’esclaves, il ne semble pas exister de chiffres et de recensement des régions d’origine des personnes réduites en esclavage. Les négriers se « servaient » en effet autour d’eux mais aussi de plus en plus loin au fur et à mesure de l’accroissement de la demande.
Voici donc les chiffres associés aux
Source : Atlas des esclavages, Marcel Dorigny, Bernard Gainot ; cartographie Fabrice Le Goff
On trouve quelques chiffres partiels dans l’article Le nombre d'esclaves africains importés en Europe et en Amérique, J. Houdaille, Population, 1971, 26-5, mais l’auteur n’en donne pas la provenance :
«Il est encore plus difficile d'étudier la provenance de ces esclaves africains, car les noms d'ethnie et les régions indiquées par les négriers des différentes époques ne coïncident pas toujours. Voici cependant quelques résultats généraux en pourcentages :
Ces estimations ne portent que sur quelques groupes d'esclaves. Pour les traites anglaise et française, les documents permettent de suivre une évolution au XVIIIe siècle. La part de l'Afrique centrale (Angola et du Sud-Est Mozambique) ne cessa d'augmenter, car les négriers éprouvaient de plus en plus de difficultés à s'approvisionner dans le nord de l'Afrique. Au XIXe siècle, l'apport du Mozambique au Brésil devint important. »
L’Afrique de l’Ouest est donc la principale pourvoyeuse d’esclaves :
« La traite atlantique a atteint son apogée à la fin du xviiie siècle, lorsque le plus grand nombre d'esclaves ont été capturés lors d'expéditions dans l'intérieur de l'Afrique de l'Ouest. L'augmentation de la demande d'esclaves due à l'expansion des puissances coloniales européennes vers le Nouveau Monde a rendu la traite négrière beaucoup plus lucrative pour les puissances ouest-africaines, ce qui a conduit à la
Article Esclavage en Afrique, Wikipedia
Mais sur le temps long de la traite, la plupart des régions sont touchées, comme l’explique Luiz Felipe de Alencastro dans l’article « Traite des noirs »de l’Encyclopædia Universalis (en ligne sur les postes informatiques de la BML) :
« Avant 1650, la traite vers le Nouveau Monde portait sur moins de 10 000 esclaves par an. Ces ponctions, limitées à l'échelle du continent, pesaient déjà sur les régions les plus atteintes : haute Guinée, Sénégambie, Congo, Angola et peut-être Bénin. Un tournant se produit au cours du premier quart du XVIIIe siècle, lorsque la demande américaine – activée par l'essor des plantations en Amérique du Nord et aux Antilles, ainsi que par l'exploitation simultanée de l'agriculture et des mines d'or au Brésil – fait quadrupler les prix des esclaves en Afrique. L'Amérique devient la plus grande zone esclavagiste du monde, dépassant de loin les marchés du Moyen-Orient. Cette hausse du prix des « pièces » accentue les mécanismes sociaux et les politiques de production d'esclaves en Afrique : on voit s'intensifier les razzias perpétrées par les ethnies guerrières, les enlèvements organisés par des bandes, les pratiques coutumières punissant des délits divers de la peine de captivité.
Voir aussi :
- les articles Commerce triangulaire (qui donne aussi, sous forme de tableau les chiffres pour les régions de départ dans les paragraphes consacrés à l’histoire du commerce triangulaire) et Traites négrières sur Wikipedia
- Une approche globale du commerce triangulaire, Marcel Dorigny, Le Monde diplomatique, novembre 2007
- Mémoire de la traite négrière. Conséquences sur l’Afrique, Louise Marie Diop-Maes
-Esclavage. « La complicité de monarques africains est une donnée objective » selon l’anthropologue sénégalais Tidiane Diakité, Portail des Outre-mer, notamment la carte des royaumes négriers.
- L'Afrique de l'Ouest entre hégémonies et dépendances, un laboratoire de la perte du pouvoir africain, Amzat Boukari-Yabara, dans Dix-huitième siècle 2012/1 (n° 44), pages 27 à 47
- La traite à la « côte d'Angole », Luce-Marie Albigès, L’Histoire par l’image
Petit complément bibliographique :
Les routes de l'esclavage: histoire des traites africaines, VIe-XXe siècle, Catherine Coquery-Vidrovitch
Atlas historique de l'Afrique, sous la direction de François-Xavier Fauvelle et Isabelle Surun
Etre esclave : Afrique-Amériques, XVe-XIXe siècle, Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard
Atlas des peuples d’Afrique, Jean Sellier
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