Le Juglon
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 30/03/2006 à 15h28
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Question d'origine :
Bonjour à toutes et à tous, merci encore pour votre rapidité et pour la qualité de vos réponses !
J'ai une question relative au juglon. Le juglon est une substance toxique(volatile j'imagine) qui est sécrétée par les racines et les feuilles des variétés de noyer.
Il est, paraît-il déconseillé, de "faire la sieste sous un noyer" et ce à cause du juglon.
Je souhaiterais en savoir plus sur cette substance (mode de propagation...) et notamment sur les risques liés à la santé.
Y aurait-il un risque si l'on plantait à côté de chez soi plusieurs centaines de noyers pour faire une haie ?
Quelle est la nature des symptômes occasionnés par le juglon sur l'homme ?
Y-a-t-il un risque à long terme en raison d'une exposition prolongée et quotidienne ?
Ces risques sont-ils plus importants pour les enfants ?
D'avance merci en encore bravo à vous pour la qualité de vos services !
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 31/03/2006 à 13h02
Les origines
Le noyer et son fruit, la noix, tire son nom du latin NUX (fruit à coque) apparenté à NOX (la nuit) en raison de son jus très foncé. C'est au crétacé que l'on trouve les premières traces du noyer. Au début de notre ère, ils abondaient en Hindoustan et en Perse puis plus tard en Asie Mineure (Palestine, Egypte). De là, ils se sont propagés et ont été cultivés dès les premiers âges dans les plaines et aux flans des collines qui bordent le bassin méditerranéen, en Crète, en Grèce, en Italie, et enfin dans le sud de la France et en Espagne.
Un arbre et un fruit sources de superstitions ancestrales...
Le noyer possède une mauvaise réputation. On prétend qu'il servirait de "salons des dames aux sorcières", que s'endormir sous son feuillage dense entraînerait une pneumonie ou tout autre maladie pulmonaire, cela pouvant s'expliquer par l'extrême fraîcheur de son ombre. On lui prête aussi le sinistre pouvoir de détruire toutes plantes se trouvant sous son couvert : ses racines produisent une substance toxique, la juglone, qui interdit toute compagnie. Tout ceci alimente bien sûr cette mauvaise réputation et nourrit des superstitions. Dans certaines régions, pour éloigner le mauvais sort, il est recommandé de "briser une branche de l'arbre malfaisant et, avant de s'en aller, jeter une pierre sur le tronc" !
La noix aussi n'a pas toujours été bien vue. Au Moyen Age, l'Ecole de Salerne, célèbre école de médecine, tolérait "une noix après le repas, deux tout au plus" et pensait même "qu'en consommer trois entraînerait les plus graves périls"...
Mais le noyer et la noix ont depuis toujours de nombreuses utilisations, on peut même dire que rien ne se perd.
Le bois du noyer est très prisé en ébénisterie , sculpture, tournerie et menuiserie.
D'autre part ses feuilles sont utilisées en pharmacologie. Elles contiennent un tanin, une huile essentielle, de la vitamine C (permettant de combattre le scorbut), et la juglone doué de vertus purgatives. Les feuilles du noyer possèdent aussi des propriétés antiscrofuleuses, antisudorifères et, par leur vertu astreignantes, sont très efficaces en homéopathie contre les affections lymphatiques. Préparées en décoction, elles permettent des lavages ou des irrigations qui servent à soigner les érythèmes ou les dermites d'origines diverses. Elles sont aussi efficaces en application externes, contre les engelures et les ulcères. Enfin en usage vétérinaire, leur grand pouvoir antiparasitaire éloignera des chevaux et des chiens, les mouches, puces et tiques.
La première enveloppe de la noix, verte, molle et charnue, porte le nom de brou. Elle est utilisée pour la préparation d'une excellente liqueur et son jus foncé sert à la teinte des cheveux et du bois ou encore de la laine.
La deuxième enveloppe, communément appelée coquille, est ligneuse et d'une couleur brune à brun clair. Les boulangers l'utilisaient autrefois réduite en poudre et étalée sur la sole des four à bois pour éviter que le pain n'attache à la cuisson. Elle entre aussi dans la composition de boues spéciales destinées au colmatage des fuites dans les forages pétroliers. Enfin on la retrouve, toujours broyée en fine poudre, dans l'aéronautique, pour le polissage de certains aciers spéciaux, et la NASA l'utilise sur les fusées comme isolant thermique contre les fortes températures.
Enfin, le troisième élément est le fruit en lui même, le cerneau, d'une couleur blanc ivoire et recouvert d'une peau blonde à brun foncé. On peut le consommer seul et cru à n'importe quel moment de la journée ou en fin de repas comme un fruit traditionnel. Il est aussi un excellent faire-valoir, très appréciable avec les vins, pâtisseries, certains fromages ou encore de délicieuses confitures.
Source : Euro-fruit
L'ombre du noyer a effectivement mauvaise réputation, mais nous n'avons pas connaissance de problème de toxicité lié à cet arbre, pour l'homme.
Toutes les informations relatives à son ombre sont, la plupart du temps, écrites au conditionnel ou sont du domaine des légendes. Nous avons d'ailleurs trouvé un gîte à la ferme où les propriétaires proposent à leurs hôtes de manger et faire la sieste à l'ombre de leur noyer. Gageons qu'ils ne cherchent pas à nuire à leurs clients.
Les nombreux noyers plantés en France (surtout en Isère et dans la Drôme) et côtoyant maisons et villages, témoignent du peu de crainte qu'il faut avoir de leur proximité.
Le juglon écarte les voisins indésirables, insectes comme végétaux.
Pour plus de précisions nous envoyons vos questions au centre anti-poison de Lyon et vous informerons de leur réponse dès que nous l'aurons reçue.
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 06/04/2006 à 13h50
Le centre antipoison de Lyon nous répond :
Il y a dans ce genre d'interrogation pas mal de croyances, dictons populaires, voire de superstitions pas toujours aisément réfutables.
Après avoir regardé la littérature, les données des bases toxicologiques (entre autres internet) à notre disposition et avoir interrogé mes collègues , j'ai retenu que la sieste sous le noyer avait mauvaise réputation en raison du feuillage touffu. En pratique, on y a froid. Quant aux principes toxiques (le juglon), la mauvaise réputation est peut-être liée à sa participation à la confection du brou de noix qui a permis à nombre de menuisiers et d'ébénistes de teinter moult meubles. La chimie et les chimistes nous ont appris qu'un des principes était la juglone (hydroxynaphtoquinone). Elle porte d'autres noms comme nucine ou "natural brown ". La recette du brou de noix comporte entre autres de l'eau de vie et de la cannelle.
Cette hydroxynaphtoquinone s'évapore-t-elle, s'échappe-t-elle du noyer, des feuilles, du tronc, des racines, des noix, de leur enveloppe, de leur fruit, des cerneaux. ? C'est bien improbable ; la plupart du temps, les principes actifs (donc parfois toxiques) tels la digitaline, la colchicine, les amygdalosides cyanogénétiques, la pervincamine etc. sont extraits en laboratoire efficacement par des solvants qui sont tout sauf de l'eau. Je vous accorde que dans le thé, les tisanes, le café il y a un goût, donc quelque chose, mais ce quelque chose représente une proportion infime par rapport à l'eau. Alors dans l'air qui n'est pas vraiment un solvant même s'il contient pas mal de scories ??!? On a plus de chance (au sens risque, statistique) d'y rencontrer même à la campagne des gaz d'échappements ou des odeurs d'origine animale parfois incommodantes mais la plupart du temps considérées comme des nuisances plus que comme des empoisonnements ou des contaminations.
Quant aux enfants, on entend souvent dire qu'ils sont plus fragiles ; c'est évident dans certains domaines et certaines circonstances. Mais le jeune enfant est souvent bien plus résistant que ses parents et notamment sa mère qui lui donne à la naissance toute son immunité. De plus et c'est heureux, beaucoup de toxiques affectent moins l'enfant que l'adulte (l'exemple du paracétamol et son impact moindre sur le foie de l'enfant que de l'adulte).
Le risque à long terme n'a bien évidemment pas été étudié, pas plus en tout cas que le risque immédiat. Le centre antipoison de Lyon a été interrogé depuis ses débuts (vers les années 1960) une dizaine de fois pour le noyer ; il n'y a jamais eu aucun souci avec le juglon (des infusions de feuilles prétendument antidiabétiques, des peaux de cerneaux avalées de travers).
Nous remercions le Centre Antipoison de Lyon
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