Question d'origine :
Louis XIV était-il un bel homme selon les « canons » de l’époque ? Même en vieillissant ? (Avec ses lettres de cachet, il ne devait pas être évident de remettre en question son physique dans les conversations à Versailles. On pourrait penser qu’il était bel homme puisqu’il avait madame de Montespan à la grande beauté pour maîtresse mais elle a peut-être été plus intéressée par le pouvoir de Louis XIV que son physique). Qui avait la réputation d’etre le plus beau de Louis XIV et son frère, Philippe d’Orléans (abstraction faite de tous les accessoires de mode portés par Philippe d’Orléans). Avait-il un nom de famille ? Quels étaient ses contradicteurs qu’il appréciait le plus et dont il écoutait les conseils ? Cordialement.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/04/2021 à 14h52
Bonjour,
Tout d'abord, nous nous permettons de vous rappeler une petite règle du Guichet du Savoir qui est que votre message ne doit comporter qu'une seule question. Nous vous remercions d'y être attentif.
Nom de famille
Louis XIV est né le 5 septembre 1638. Son nom de naissance est Louis de Bourbon. Il porte aussi le prénom de Dieudonné tant sa naissance est apparue comme un miracle, après 20 ans d’attente pour le couple royal que forment Louis XIII et Anne d’Autriche.
Beauté du roi
Le Dictionnaire Louis XIV nous dit : «Le roi a la réputation d’être beau , et il séduit les femmes, la sienne d’abord et bien d’autres aussi. Ses traits sont réguliers et il a un nez un peu fort et busqué qui semble caractériser les Bourbons. Ses lèvres sont charnues, au-dessus d’un menton un peu prognathe (peut-être un héritage des Habsbourg ?) La variole lui a laissé la peau du visage un peu grêlée. Louis XIV acquiert un maintien majestueux qui frappe tous ceux qui l’observent. Il augmente encore cette impression par une gravité ordinaire qui ne l’empêche pas d’être charmant quand il veut, et toujours galant avec les dames. Avec l’âge, il semble s’empâter et prendre de l’embonpoint comme le montrent certains portraits. » p. 366-367
Le chapitre Le portrait du roi, dans l'ouvrageLouis XIV pour les nuls dirigés par trois spécialistes de l'histoire de Versailles, parle de la beauté du roi, en voici quelques extraits :
« Les contemporains, comme le duc de Saint Simon, le marquis de Dangeau, sa cousine la Grande Mademoiselle, sa belle-sœur la princesse Palatine, le chroniqueur italien Primi Visconti et nombre de poètes et mémorialistescélèbrent unanimement la beauté du roi. » « C’est le plus bel homme et le mieux fait de son royaume et assurément de tous les autres », certifie la Grande Mademoiselle après avoir fait le portrait du roi. La princesse Palatine confirme : il est certain que Louis XIV était le plus bel homme de son royaume : personne n’avait aussi bonne mine que lui. » Cependant, quel crédit apporter aux portraits flatteurs des courtisans et panégyristes sous un règne tout entier marqué par la vénération et la glorification de la personne royale ? Sous les figures héroïques du roi représenté en dieu ou en héros, quel est le naturel ? »
Sont cités notamment « les plus beaux cheveux du monde en leur couleur et en la manière dont ils sont frisés », « la beauté majestueuse de ses traits », « ses yeux doux et brillants » « majestueux, vifs, espiègles, voluptueux, tendres et grands », ses « belles jambes » et ses « jolis pieds ». « S’il faut nuancer les témoignages de ces courtisans, on retrouve la même célébration de la beauté du roi chez les étrangers de passage à la Cour, dont le regard et la parole sont pourtant plus détachés. Ainsi l’ambassadeur vénitien Alvise Sagredo décrit-il le roi à l’âge de 28 ans : « Une beauté rare », un souverain « doté de tous les avantages personnels qui consistent en un air de héros, une remarquable stature et une allure majestueuse, avec grâce et proportion dans toutes les autres parties du corps. »
« En réalité, il apparait que Louis XIV n’était sans doute pas d’une parfaite beauté. Primi Visconti n’hésite pas à dire que «le roi n’est pas beau », mais ajoute-t-il, « il a les traits réguliers ». Par ailleurs, il ose mettre l’accent sur ce que tous les portraits dissimulent : un « visage marqué de la petite vérole » « Mais, là encore, courtisans et poètes dirent fort agréablement que bien que la petite vérole ait grossi les traits du visage du roi, et qu’elle en ait un peu diminué l’éclat et la grande beauté, ce prince n’avait rien perdu par cette disgrâce… »
L’une de ceux qui l’a le plus observé c’est le Bernin, qui a réalisé le buste de Louis XIV, il dit que « le roi a la moitié de la bouche d’une façon et l’autre d’une autre, un œil différent aussi de l’autre, et même les joues différentes », et « quela beauté du roi était une beauté mêlée , qui ne consistait pas en certaines délicatesses de teint comme fait celle de beaucoup d’autres. » « Les plus petits détails du visage royal sont ainsi révélés, comme « ce petit sein » -c’est-à-dire une verrue- que le roi a au nez près de l’œil, et qui apparait bien sur le buste. » p. 79-82
Lorsque Louis XIV vieillit, voici ce qu’écrit la princesse Palatine le 9 mai 1694 : « notre roi, cela est vrai, a très bonne mine encore, quand S. M. le veut ; mais il se laisse aller trop souvent. Alors le roi s’affaisse, il parait fort gros et vieux, c’est comme si S. M. était devenue plus petite. Le visage est singulièrement changé ; à peine s’il est reconnaissable, journellement il se ride davantage. » « Longtemps, les artistes ignorent les traces du temps sur le visage de Louis XIV, mais la longueur du règne les oblige à enregistrer ce vieillissement, comme en témoigne ce célèbre échange entre Louis XIV et son premier peintre, Pierre Mignard : « Vous me trouvez vieilli ? demande le roi au peintre alors qu’il examine le portrait qu’il vient de faire de lui. – Il est vrai, Sire, que je vois quelques campagnes de plus tracées au front de Votre Majesté », répond Mignard, avec toute la délicatesse nécessaire. »… « Et une seule œuvre d’art témoigne du « vrai visage » du roi , de manière presque clinique : un portrait en cire colorée exécuté vers 1706 par Antoine Benoist… Ce portait, réalisé à partir de prise d’empreintes directes sur le visage du roi, livre l’image émouvante et d’une vérité saisissante, quasi photographique, d’un roi affecté par l’âge et la maladie, les joues grêlées par la petite vérole, une barbe de deux jours, les traits affaissés et les paupières tombantes. » (Louis XIV pour les nuls, p. 84-85)
Quant à son frère : les « portraits de jeunesse montrent une ressemblance entre le prince et son frère, mais Philippe semple plus petit, moins majestueux. Comme Louis XIV, il a des traits réguliers et un long nez aquilin et comme sa mère, de belles mains. Ses tenues vestimentaires ressemblent à celles du roi, en imitent volontiers la magnificence et évoluent comme elles avec le temps. » Dictionnaire Louis XIV (Dictionnaire Louis XIV, p. 1061). Voici comment sa femme Madame Palatine le décrit : « Monsieur n’avait pas l’air ignoble, mais il était très petit avec des cheveux, sourcils et cils très noirs, de grands yeux bruns, un visage assez long et plutôt mince, un grand nez, une bouche trop petite garnie de vilaines dents… » Quant à Saint –Simon, outre son accoutrement qui le surprend, il le décrit : « Le nez fort long, la bouche et les yeux beaux, le visage plein, mais fort long » (Dictionnaire, p. 1064)
Elisabetta Lurgo nous dit dans Philippe d’Orléans : « il n’y a jamais eu de frères plus différents que de feu Roi et Monsieur : cependant, ils s’aimaient beaucoup. Le roi était grand et cendré, ou d’un brun clair ; il avait l’air mâle et extrêmement bonne mine ; Monsieur n’avait pas l’air désagréable, mais il était fort petit, il avait les cheveux noirs comme du jais, les sourcils épais et bruns, de grands yeux bruns, un visage fort long et assez étroit. » p. 33-34
Si l’on s’en tient à ces descriptions et à ce qu’elles disent des « goûts » de l’époque (les bruns n’ont pas l’air d’avoir la faveur), Louis XIV semblait plus beau que son frère. Mais, Louis XIV était le roi, et à ce titre, il a été particulièrement glorifié et ne souffrait pas beaucoup de la concurrence. Il a ainsi relégué son frère en dehors de la politique, et l’a réduit à une image de courtisan apprêté et efféminé, la grande beauté royale en moins.
Pour mieux comprendre la nature et le sens de ces descriptions et portraits du Roi et de sa beauté, nous vous conseillons la lecture de ces articles :
Les rides d'Apollon : l'évolution des portraits de Louis XIV, Stanis Perez
Le visage du roi, de François Ier à Louis XIV, Yann Lignereux
ou encore Le corps du roi : incarner l'État de Philippe Auguste à Louis-Philippe / Stanis Perez
Contradicteurs et conseillers
Il est difficile de répondre à votre question, car il semble que le principe même de gouvernement de Louis XIV, « roi absolu », est de gouverner par lui-même, et d’éloigner rapidement ceux qui pourraient faire de l’ombre ou nuire à sa personne, à sa conception et à sa façon de gérer le pays. Il semble donc qu’il y ait peu de place pour ses contradicteurs. Le personnage le plus célèbre victime de cette politique est Nicolas Fouquet, qui fut surtout éloigné pour avoir amassé une fortune personnelle en tant que ministre des finances. Cette conclusion est bien sûr hâtive, n’étant pas spécialiste du règne de Louis XIV, période particulièrement complexe en terme politique, sur laquelle les historiens ont des interprétations nombreuses et parfois divergentes.
Voici quelques éléments qui illustrent notre propos :
« Les critères du choix royal. Quels sont les critères retenus par Louis XIV dans le choix de ses ministres ? Le roi est sensible à la capacité de mener un travail important et de conserver le secret le plus absolu sur les affaires d’Etat. Il veut aussi une soumission totale à sa volonté lorsqu’elle s’est exprimée. » « Le roi se montre sensible à la fidélité. Mais cela ne suffit pas : Fouquet n’a jamais trahi pendant la Fronde et il est pourtant disgracié. Le souverain fait plus volontiers confiance à un lignage depuis longtemps lié à la monarchie et aux Bourbons. » Dictionnaire p. 344-345
Globalement il écartera rarement ses ministres mais Fouquet, Chamillart et Arnault de Pomponne en firent tout de même les frais, pour différentes raisons, en partie lorsqu’il n’était plus à la hauteur des attentes du roi. Le cas de Fouquet est pour le roi un « coup de majesté ». En le faisant arrêté et condamné à la prison à vie, « il accomplit ce que la tradition appelle un coup de maître, le souverain disgraciant un puissant ministre et rappelant ainsi qu’il a seul l’autorité dans l’Etat. » p. 519
En revanche, il a des conseillers secrets. S’« il ne néglige pas les avis de ses proches, et en particulier de la marquise de Maintenon, le roi s‘attache de fidèles conseillers qui restent dans l’ombre et servent aussi au souverain d’informateurs secrets.» Exemples : Béchameil, Truffier d’Augicourt, Ferdinand Fornari, le duc de Chevreuse, Harlay de Champvallon. p.350
Si Louis XIV a moins directement subi et géré la Fronde, il l’a vécu durant sa jeunesse et en a tiré des enseignements : « Louis XIV exige une obéissance stricte de tous ses sujets, de quelques naissances qu’ils soient, même s’il ne l’obtient pas toujours. » … « Il ne donne pas de gouvernement de province à son frère de crainte qu’il puisse s’y enraciner et prendre de l’indépendance. Il demande aux grands seigneurs de le servir soit à la cour, soit aux armées. Il interdit toute réunion de gentilshommes, considérant qu’ils peuvent conspirer… » « L’expression politique est muselée »… « Il écoute ses ministres, ses parents, ses amis, ses proches mais il ne confie pas son sort à un favori ou à un principal ministre. » p. 547
Comment s’entourait-il dans son gouvernement personnel ?
« Le roi éloigne du conseil les princes de sang, les ducs et pairs, les maréchaux de France, et même le chancelier, ceux qui ont une grande dignité dans le royaume. Il le fait sans doute avec des ménagements en arguant de la nécessité du secret et de l’efficacité car il continue à consulter largement autour de lui, ce qui ouvre son conseil et le cercle de ses conseillers, beaucoup plus large que celui de ses ministres. » (exemple : le maréchal de Turenne)… « Ce changement est néanmoins important, parce que le souverain distingue les hommes du gouvernement, qui servent l’Etat, de la haute noblesse qui sert le roi à la cour ou aux armées. »
Cependant « il consulte largement et il croise, si nécessaire, les avis. Il gouverne par conseil, s’appuyant sur des ministres et des conseillers et ce conseil se réunit sous plusieurs formes, le conseil d’en-haut jouant le rôle de conseil suprême de la monarchie. Il considère qu’il peut et doit désormais décider seul, en son âme et conscience, après avoir écouté ses ministres et conseillers » p. 584-585
Les lettres de cachet que vous évoquées, ont eu entre autres un rôle politique quand elles permettaient de « se débarrasser d’écrivains trop audacieux, de gazetiers imprudents, d’opposants politiques, de conspirateurs ou d’espions » p. 763
Dans Le siècle de Louis XIV, il est dit que « c’est assez dire que ces conseillers du roi qui entrent dans le processus de décision sont soigneusement choisis, Louis XIV n’ayant souci que de leur efficacité, de leur dévouement mais aussi de leur façon de lui parler nettement. »
Ce système de gouvernement était complété par celui de la Cour que Louis XIV a utilisée pour domestiquer la haute noblesse et s’assurer sa loyauté. Cependant, son pouvoir absolu ne l’est pas tant qu’il ne le laisse croire, car ne pouvant s’étendre sur tout le territoire (faute d’une administration centrale solide), il s’appuie sur des privilèges accordés à certains et sur un système de clans dont les deux principaux sont Les Colbert et les LeTellier-Louvois. Voir Le pouvoir des clans (p. 309) dans le Chapitre 5 Le roi gouverne par lui-même de Louis XIV pour les nuls, ou « Diviser pour régner » et « La domestication de la haute noblesse » dans Le siècle de Louis XIV
Pour aller plus loin : Le métier de roi : mémoires et écrits politiques / Louis XIV ; présentés par Jean-Christian Petitfils
Les secrets de Louis XIV : mystères d'Etat et pouvoir absolu / Lucien Bély
Ce que nous vous résumons ici n'est qu'un très mince aperçu de toute la production bibliographique sur Louis XIV et son règne.
Tout d'abord, nous nous permettons de vous rappeler une petite règle du Guichet du Savoir qui est que votre message ne doit comporter qu'une seule question. Nous vous remercions d'y être attentif.
Louis XIV est né le 5 septembre 1638. Son nom de naissance est Louis de Bourbon. Il porte aussi le prénom de Dieudonné tant sa naissance est apparue comme un miracle, après 20 ans d’attente pour le couple royal que forment Louis XIII et Anne d’Autriche.
Le Dictionnaire Louis XIV nous dit : «
Le chapitre Le portrait du roi, dans l'ouvrage
« Les contemporains, comme le duc de Saint Simon, le marquis de Dangeau, sa cousine la Grande Mademoiselle, sa belle-sœur la princesse Palatine, le chroniqueur italien Primi Visconti et nombre de poètes et mémorialistes
Sont cités notamment « les plus beaux cheveux du monde en leur couleur et en la manière dont ils sont frisés », « la beauté majestueuse de ses traits », « ses yeux doux et brillants » « majestueux, vifs, espiègles, voluptueux, tendres et grands », ses « belles jambes » et ses « jolis pieds ». « S’il faut nuancer les témoignages de ces courtisans, on retrouve la même célébration de la beauté du roi chez les étrangers de passage à la Cour, dont le regard et la parole sont pourtant plus détachés. Ainsi l’ambassadeur vénitien Alvise Sagredo décrit-il le roi à l’âge de 28 ans : «
« En réalité, il apparait que Louis XIV n’était sans doute pas d’une parfaite beauté. Primi Visconti n’hésite pas à dire que «
L’une de ceux qui l’a le plus observé c’est le Bernin, qui a réalisé le buste de Louis XIV, il dit que « le roi a la moitié de la bouche d’une façon et l’autre d’une autre, un œil différent aussi de l’autre, et même les joues différentes », et « que
Lorsque Louis XIV vieillit, voici ce qu’écrit la princesse Palatine le 9 mai 1694 : « notre roi, cela est vrai, a très bonne mine encore, quand S. M. le veut ; mais il se laisse aller trop souvent. Alors le roi s’affaisse, il parait fort gros et vieux, c’est comme si S. M. était devenue plus petite. Le visage est singulièrement changé ; à peine s’il est reconnaissable, journellement il se ride davantage. » « Longtemps, les artistes ignorent les traces du temps sur le visage de Louis XIV, mais la longueur du règne les oblige à enregistrer ce vieillissement, comme en témoigne ce célèbre échange entre Louis XIV et son premier peintre, Pierre Mignard : « Vous me trouvez vieilli ? demande le roi au peintre alors qu’il examine le portrait qu’il vient de faire de lui. – Il est vrai, Sire, que je vois quelques campagnes de plus tracées au front de Votre Majesté », répond Mignard, avec toute la délicatesse nécessaire. »… « Et une seule œuvre d’art témoigne du
Quant à son frère : les « portraits de jeunesse montrent une ressemblance entre le prince et son frère, mais Philippe semple plus petit, moins majestueux. Comme Louis XIV, il a des traits réguliers et un long nez aquilin et comme sa mère, de belles mains. Ses tenues vestimentaires ressemblent à celles du roi, en imitent volontiers la magnificence et évoluent comme elles avec le temps. » Dictionnaire Louis XIV (Dictionnaire Louis XIV, p. 1061). Voici comment sa femme Madame Palatine le décrit : « Monsieur n’avait pas l’air ignoble, mais il était très petit avec des cheveux, sourcils et cils très noirs, de grands yeux bruns, un visage assez long et plutôt mince, un grand nez, une bouche trop petite garnie de vilaines dents… » Quant à Saint –Simon, outre son accoutrement qui le surprend, il le décrit : « Le nez fort long, la bouche et les yeux beaux, le visage plein, mais fort long » (Dictionnaire, p. 1064)
Elisabetta Lurgo nous dit dans Philippe d’Orléans : « il n’y a jamais eu de frères plus différents que de feu Roi et Monsieur : cependant, ils s’aimaient beaucoup.
Si l’on s’en tient à ces descriptions et à ce qu’elles disent des « goûts » de l’époque (les bruns n’ont pas l’air d’avoir la faveur), Louis XIV semblait plus beau que son frère. Mais, Louis XIV était le roi, et à ce titre, il a été particulièrement glorifié et ne souffrait pas beaucoup de la concurrence. Il a ainsi relégué son frère en dehors de la politique, et l’a réduit à une image de courtisan apprêté et efféminé, la grande beauté royale en moins.
Pour mieux comprendre la nature et le sens de ces descriptions et portraits du Roi et de sa beauté, nous vous conseillons la lecture de ces articles :
Les rides d'Apollon : l'évolution des portraits de Louis XIV, Stanis Perez
Le visage du roi, de François Ier à Louis XIV, Yann Lignereux
ou encore Le corps du roi : incarner l'État de Philippe Auguste à Louis-Philippe / Stanis Perez
Il est difficile de répondre à votre question, car il semble que le principe même de gouvernement de Louis XIV, « roi absolu », est de gouverner par lui-même, et d’éloigner rapidement ceux qui pourraient faire de l’ombre ou nuire à sa personne, à sa conception et à sa façon de gérer le pays. Il semble donc qu’il y ait peu de place pour ses contradicteurs. Le personnage le plus célèbre victime de cette politique est Nicolas Fouquet, qui fut surtout éloigné pour avoir amassé une fortune personnelle en tant que ministre des finances. Cette conclusion est bien sûr hâtive, n’étant pas spécialiste du règne de Louis XIV, période particulièrement complexe en terme politique, sur laquelle les historiens ont des interprétations nombreuses et parfois divergentes.
Voici quelques éléments qui illustrent notre propos :
« Les critères du choix royal. Quels sont les critères retenus par Louis XIV dans le choix de ses ministres ? Le roi est sensible à la capacité de mener un travail important et de conserver le secret le plus absolu sur les affaires d’Etat. Il veut aussi une soumission totale à sa volonté lorsqu’elle s’est exprimée. » « Le roi se montre sensible à la fidélité. Mais cela ne suffit pas : Fouquet n’a jamais trahi pendant la Fronde et il est pourtant disgracié. Le souverain fait plus volontiers confiance à un lignage depuis longtemps lié à la monarchie et aux Bourbons. » Dictionnaire p. 344-345
Globalement il écartera rarement ses ministres mais Fouquet, Chamillart et Arnault de Pomponne en firent tout de même les frais, pour différentes raisons, en partie lorsqu’il n’était plus à la hauteur des attentes du roi. Le cas de Fouquet est pour le roi un « coup de majesté ». En le faisant arrêté et condamné à la prison à vie, « il accomplit ce que la tradition appelle un coup de maître, le souverain disgraciant un puissant ministre et rappelant ainsi qu’il a seul l’autorité dans l’Etat. » p. 519
En revanche, il a des conseillers secrets. S’« il ne néglige pas les avis de ses proches, et en particulier de la marquise de Maintenon, le roi s‘attache de fidèles conseillers qui restent dans l’ombre et servent aussi au souverain d’informateurs secrets.» Exemples : Béchameil, Truffier d’Augicourt, Ferdinand Fornari, le duc de Chevreuse, Harlay de Champvallon. p.350
Si Louis XIV a moins directement subi et géré la Fronde, il l’a vécu durant sa jeunesse et en a tiré des enseignements : « Louis XIV exige une obéissance stricte de tous ses sujets, de quelques naissances qu’ils soient, même s’il ne l’obtient pas toujours. » … « Il ne donne pas de gouvernement de province à son frère de crainte qu’il puisse s’y enraciner et prendre de l’indépendance. Il demande aux grands seigneurs de le servir soit à la cour, soit aux armées. Il interdit toute réunion de gentilshommes, considérant qu’ils peuvent conspirer… » « L’expression politique est muselée »… « Il écoute ses ministres, ses parents, ses amis, ses proches mais il ne confie pas son sort à un favori ou à un principal ministre. » p. 547
Comment s’entourait-il dans son gouvernement personnel ?
« Le roi éloigne du conseil les princes de sang, les ducs et pairs, les maréchaux de France, et même le chancelier, ceux qui ont une grande dignité dans le royaume. Il le fait sans doute avec des ménagements en arguant de la nécessité du secret et de l’efficacité car il continue à consulter largement autour de lui, ce qui ouvre son conseil et le cercle de ses conseillers, beaucoup plus large que celui de ses ministres. » (exemple : le maréchal de Turenne)… « Ce changement est néanmoins important, parce que le souverain distingue les hommes du gouvernement, qui servent l’Etat, de la haute noblesse qui sert le roi à la cour ou aux armées. »
Cependant « il consulte largement et il croise, si nécessaire, les avis. Il gouverne par conseil, s’appuyant sur des ministres et des conseillers et ce conseil se réunit sous plusieurs formes, le conseil d’en-haut jouant le rôle de conseil suprême de la monarchie. Il considère qu’il peut et doit désormais décider seul, en son âme et conscience, après avoir écouté ses ministres et conseillers » p. 584-585
Les lettres de cachet que vous évoquées, ont eu entre autres un rôle politique quand elles permettaient de « se débarrasser d’écrivains trop audacieux, de gazetiers imprudents, d’opposants politiques, de conspirateurs ou d’espions » p. 763
Dans Le siècle de Louis XIV, il est dit que « c’est assez dire que ces conseillers du roi qui entrent dans le processus de décision sont soigneusement choisis, Louis XIV n’ayant souci que de leur efficacité, de leur dévouement mais aussi de leur façon de lui parler nettement. »
Ce système de gouvernement était complété par celui de la Cour que Louis XIV a utilisée pour domestiquer la haute noblesse et s’assurer sa loyauté. Cependant, son pouvoir absolu ne l’est pas tant qu’il ne le laisse croire, car ne pouvant s’étendre sur tout le territoire (faute d’une administration centrale solide), il s’appuie sur des privilèges accordés à certains et sur un système de clans dont les deux principaux sont Les Colbert et les LeTellier-Louvois. Voir Le pouvoir des clans (p. 309) dans le Chapitre 5 Le roi gouverne par lui-même de Louis XIV pour les nuls, ou « Diviser pour régner » et « La domestication de la haute noblesse » dans Le siècle de Louis XIV
Pour aller plus loin : Le métier de roi : mémoires et écrits politiques / Louis XIV ; présentés par Jean-Christian Petitfils
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