Quels sont les livres qui parlent de la chute des anges déchus ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais savoir quels sont les livres qui parlent de la chute des anges déchus, les livres qui ont inspiré l'Eglise catholique sur le sujet notamment.
Merci d'avance pour votre réponse !
Réponse du Guichet
Voici quelques éléments de bibliographie sur les anges déchus.
Bonjour,
Nous vous renvoyons tout d'abord à cette précédente réponse sur le mythe de l'ange déchu qui comportait une bibliographie et indiquait que le principal texte chrétien évoquant les anges déchus est le livre d'Hénoch, considéré comme apocryphe par la majorité des Églises.
Les premières mentions écrites concernant l’histoire d’une révolte des anges se trouvent dans des textes juifs apocryphes, datés au plus tôt de l’époque hasmonéenne, à partir du iie siècle avant J.C. Cette époque, celle de la civilisation hellénistique, a créé une mondialisation culturelle des religions méditerranéennes et orientales. Seuls les Docteurs juifs de la Loi essaient de maintenir en sa pureté les caractéristiques de la religion ancestrale. Ils y arrivent avec difficulté, et doivent se regrouper en des « sectes », suivant l’expression de Flavius Josèphe, comme les Pharisiens ou les Esséniens, et plus tard les zélotes, pour maintenir l’acquis sans contamination externe. Une littérature parallèle fleurit, qui véhicule soit des idées déjà connues, mais non agréées par l’orthodoxie du Temple, soit des nouveautés qui sentent l’influence étrangère. Le Livre d’Hénoch, dont on n’a longtemps connu que des versions fragmentaires en grec, en syriaque ou en copte, avant que des fragments de la version originale en araméen eussent été découvertes dans les grottes de Qumran est un de ces écrits non reconnu comme recevable dans le canon des Écritures. La première section de cet ouvrage recomposé est entièrement consacrée au récit de la transgression sexuelle et de la chute d’un groupe d’anges estimé au nombre de deux cents. Le récit constitue un développement romanesque détaillé d’un texte reconnu comme canonique, mais dont le contenu énigmatique a donné lieu à des supputations aussi étranges que variées. Il est dit dans ce texte (Genèse, 6,1-4) que « les fils de Dieu » voulurent s’unir aux « filles des hommes ». De cette union inattendue naquirent les Nephilim ou Géants, « héros du temps jadis, hommes fameux ». Après un hiatus apparent dans le récit, le texte reprend sur la corruption des mœurs de l’humanité et la préparation du Déluge universel. Historiquement, cette mention est comprise, comme l’union des deux lignées, jusqu’ici séparées, des descendants de Caïn et de Seth. Prophétiquement, ces géants, pourtant « héros du temps jadis », auraient donné naissance à des générations d’hommes corrompus, qui auraient provoqué la colère de yahvé et sa décision d’anéantissement par les eaux. Culturellement, le texte semble reprendre des légendes populaires babyloniennes, qui évoquent des êtres mythiques, analogues aux Titans et aux Cyclopes de la mythologie gréco-latine, fils de la terre, ou au Minotaure et aux Géants barbares, nés d’une union contre-nature avec une mortelle. Il s’agit en fait d’un mythème que l’on retrouve dans la plupart des mythologies polythéistes comme mode de naissance de créatures hors du commun, maléfiques ou bénéfiques. [...]
Le Livre des Jubilés, sans doute légèrement postérieur à Hénoch (on y lit des allusions au règne de Jean Hyrcan, roi asmonéen, qui s’étend de 134 à 104) reprend le texte biblique canonique de Genèse 6, en y joignant des commentaires présentés comme des compléments d’information (on y découvre le nom d’une fille d’Adam ou la date de la création des anges). Le texte original, écrit en hébreu, dont on a retrouvé des fragments à Qumran, s’était perpétué dans les mémoires par des traductions en grec, en syriaque et en latin. Le Livre des Jubilés raconte, en termes plus condensés qu’Hénoch, l’union des anges et des femmes mortelles, et la naissance des géants. Il signale la corruption des mœurs qui s’ensuit, affectant l’ensemble de l’humanité. Dieu réagit en enfermant les anges rebelles dans les profondeurs de la terre et en exterminant leurs descendants.
Tels sont les premiers documents écrits qui font ouvertement mention du mythe de la révolte des anges. Leur caractère apocryphe, qui les rend suspects, n’empêche pas qu’ils constituent un témoignage intéressant sur l’évolution non écrite d’une doctrine qui donne une place plus considérable aux intermédiaires et institue une sécession d’anges pervertis destinée à fournir une explication nouvelle à la présence du mal.
source : DUBOIS Claude-Gilbert, « L'invention du mythe des « anges rebelles » », Imaginaire & Inconscient, 2007/1 (n° 19), p. 31-50.
En complément de l'ouvrage intitulé L'ange déchu de M. Centini déjà cité dans la réponse précédente, voici quelques références d'articles sur le sujet :
- Delcor Mathias. Le mythe de la chute des anges et de l'origine des géants comme explication du mal dans le monde, dans l'apocalyptique juive. Histoire des traditions. In: Revue de l'histoire des religions, tome 190, n°1, 1976. pp. 3-53.
- Lods Adolphe François Paul. La chute des anges. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 7e année n°4, Juillet-août 1927. pp. 295-315.
- Dubois Claude-Gilbert. L’invention du mythe des « anges rebelles ». In: Albineana, Cahiers d'Aubigné, 21, 2009. Démons, sorciers et diableries au temps d’Agrippa d’Aubigné, sous la direction de Marie-Hélène Servet. pp. 17-42.
- Heller Bernat. La chute des anges : Schemhazai, Ouzza et Azaël. In: Revue des études juives, tome 60, n°120, octobre-décembre 1910. pp. 202-212.
- Réville Jean. La résurrection d'une Apocalypse ; le Livre d'Hénoch. In: Revue des études juives, tome 27, n°54, octobre-décembre 1893. pp. 1-22.
- Scopello Madeleine. Le mythe de la chute des anges dans l'Apocryphon de Jean (II.I) de Nag Hammadi. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 54, fascicule 3, 1980. pp. 220-230.
et un ouvrage : Les anges déchus de Ernest Barnaud.
Bonne journée.