Quelles sont les avancés des architectes d'intérieur en matière de RSE ?
Question d'origine :
Je souhaiterais connaître les avancés des architectes d'intérieur en matière de RSE (responsabilité sociétale des entreprises)
Réponse du Guichet
Comme pour l'architecte, l'architecte d'intérieur vend une prestation intellectuelle. "Il pourra dire ce qu’il veut dans sa note d’intention, faire signer des chartes « chantier propre », ajouter des clauses éthiques à l’embauche des petites mains, si la demande d’en faire plus (avec moins) n’est pas imposée par les pouvoirs publics, comme mieux gérer ses déchets ou encore les réemployer, l’architecte n’aura pas vraiment son mot à dire. Car obliger à faire mieux coûte plus cher aussi, pour tous." Ce n'est donc pas par le biais du volet environnemental que les cabinets d'architectes d'intérieur pourront rejoindre des démarches de RSE mais davantage en misant sur les avancées sociales. Cependant, il existe de jeunes entreprises qui semblent agir sur plusieurs périmètres définis par la RSE.
Bonjour,
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE), est la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable comme définit sur le site du Ministère de l'Économie des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique. Celui-ci poursuit en précisant que :
une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable.
La norme ISO 26000, standard international, définit le périmètre de la RSE autour de sept thématiques centrales :
- la gouvernance de l’organisation
- les droits de l’homme
- les relations et conditions de travail
- l’environnement
- la loyauté des pratiques
- les questions relatives aux consommateurs
- les communautés et le développement local.
Toutes les sociétés sont concernées. Celles qui souhaitent entrer dans cette démarche RSE doivent pour y répondre, se soumettre au cadre réglementaire définit par les nouvelles dispositions entrées en vigueur avec la loi PACTE du 22 mai 2019 pour renforcer la RSE :
- l'article 1833 du Code civil a été modifié afin que l'objet social de toutes les sociétés intègre la considération des enjeux sociaux et environnementaux
- l'article 1835 du Code civil a été modifié pour reconnaître la possibilité aux sociétés qui le souhaitent de se doter d'une raison d'être dans leurs statuts
Parmi ces nouvelles dispositions un statut d'entreprise à mission a été créé.
Plus d'informations sont données sur la page La responsabilité sociétale des entreprises des Ministères de la Transition Écologique et de la Cohésion Sociales des Territoires et celui de la Transition Énergétique.
Cet encadrement aura peut-être quelques effets bénéfiques sur la profession d'architecte pour laquelle cette démarche non obligatoire est chronophage et coûteuse comme le rapporte l'article RSE et architecture, l’occasion d’un changement en profondeur ? publié en mai 2022 sur Chroniques d'architecture :
Les statistiques ne sont pas très bonnes concernant le bilan carbone du secteur du bâtiment, pas mieux d’ailleurs que les indicateurs sociaux à propos des employés sur les chantiers.
Bien sûr, les possibilités d’amélioration selon un axe développement durable de la construction sont énormes tant des progrès en la matière restent à faire. Développement de nouveaux matériaux en réemploi comme le béton de site, relance de filières locales comme la brique de terre compressée à Mayotte, privilégier les sous-traitances locales, les fabrications en circuit court… Bref, sur tous ces sujets qui visent à améliorer le bilan carbone de la construction, les entreprises ont les moyens de se donner quelques ambitions puisqu’elles ont la main sur leur chaîne de valeur et la qualité de leurs produits.
Nul besoin d’avoir une boule de cristal pour deviner que la loi enjoignant aux entreprises de réaliser leur bilan GES s’imposera bientôt à toutes les entreprises. Pour autant, en ce qui concerne les petites sociétés, dont font partie la majorité des agences d’architecture, un tel bilan est-il aussi pertinent que pour les multinationales qui exploitent des mines de lithium au Chili ?
Pourtant, dans les réponses aux appels d’offres, les maîtres d’ouvrage, publics notamment, ont déjà commencé à demander aux architectes leurs engagements RSE. Mais comment appliquer des ambitions sociales, territoriales et environnementales aussi poussées quand l’architecte ne tient pas le cordon de la bourse d’un projet et qu’il ne maîtrise nullement les demandes de ses clients ? Voire qu’une telle demande relève de l’incohérence : le BIM, qui fait chauffer les serveurs, est-il RSE ? Quand le bilan du maître d’ouvrage reste le seul maître à bord, comment imposer béton de site et paille quand les prix flambent ?
Car là où l’entreprise générale vend un produit, un architecte vend une prestation intellectuelle. Il pourra dire ce qu’il veut dans sa note d’intention, faire signer des chartes « chantier propre », ajouter des clauses éthiques à l’embauche des petites mains, si la demande d’en faire plus (avec moins) n’est pas imposée par les pouvoirs publics, comme mieux gérer ses déchets ou encore les réemployer, l’architecte n’aura pas vraiment son mot à dire. Car obliger à faire mieux coûte plus cher aussi, pour tous.
Contrairement aux entreprises du bâtiment, mener une démarche RSE est davantage pour les agences une démarche d’entreprise qu’une démarche concernant les projets. Les leviers sont moins de travailler concrètement à la livraison de bâtiments ‘durables’ que d’analyser le fonctionnement de l’agence au travers des prismes environnementaux (quel fournisseur d’énergie, trajets pendulaires, kg/an de papier…) et sociaux.
Alors quel intérêt de s’engager dans une telle démarche, chronophage et par conséquent coûteuse tant qu’elle n’est pas encore obligatoire ? En effet, la mise en place d’une stratégie RSE représente un coût rapidement faramineux, surtout pour les plus petites structures : un poste à mi-temps pour collecter, analyser et diffuser le discours, un bilan GES officiel (Entre 4 000 et 10 000 € pour un bilan, qu’il faudrait faire réaliser tous les deux/trois ans pour avoir une idée des courbes que prennent les indicateurs), ajouter à cela, tous les événements ‘corporate’ (formation, visite chantier, yoga, week-end…)…
Ce n’est donc peut-être pas sur le volet environnemental que pourraient se sortir grandies les agences d’architecture qui se frottent à cette feuille de route onusienne mais davantage en explorant d’abord les avancées sociales possibles dans les ateliers. En effet, les agences souffrent de réputations parfois ternies sur le plan des relations humaines. De nouveaux architectes qui déchantent, des salaires sans aucune mesure avec le temps passé, des relations professionnelles pas toujours au beau fixe, des contrats de travail précarisés en début de carrière, peu d’avantages.
Malgré tout, sur internet les architectes annoncent de plus en plus leur engagement dans cette démarche mais qu'en est-il de la RSE appliquée à l'architecture d'intérieur ? Vous pourrez lire à ce propos Objectifs du Développement Durable : une vision de l’architecture et de la décoration d’intérieur publié sur Connections by Finsa, où la question "comment l’architecture et la décoration d’intérieur peuvent-elles soutenir ces objectifs ?" est posée et dont voici la réponse :
Comment pouvons-nous tracer ce changement nécessaire ? Jusqu’à présent, un système de production linéaire était promu : nous prenons ce dont nous avons besoin sur le marché et quand cela n’est plus utile, nous nous débarrassons des déchets, perdant le contrôle de leur gestion. Le vrai changement commence en passant de ce système linéaire à la circularité. De cette manière, nous capturons une grande partie de la valeur du produit et passons à des modèles régénératifs ou biomimétiques, qui copient cette capacité à se régénérer que la nature elle-même met en évidence. Ainsi, le résidu disparaît et devient un nutriment. Un win-win à part entière.
L’équilibre est possible : environnement, bien-être social et croissance économique
La circularité va bien au-delà du recyclage. D’ailleurs, saviez-vous qu’un produit recyclable n’est pas toujours durable ? Pour apprendre à différencier circularité et recyclabilité, nous expliquons qu’il existe deux processus : le downcycling ou le décyclage, où des additifs et des produits chimiques sont utilisés et où il y a plus de frais de transport et une plus grande quantité de matières premières impliquées. Tout ce que nous faisons ici, c’est retarder l’obtention du résidu. Le second processus, et la manière la plus recommandée, est l’upcycling ou le surcyclage, une méthode par laquelle le produit résultant est de meilleure qualité ou finit par être le même.
Comment savoir quel processus de recyclage le matériau a-t-il subi ? Grâce à l’Analyse du Cycle de Vie (ACV). Ce paramètre considère tous les flux d’entrée (matière première, énergie et eau) de toutes les phases de vie du produit. À partir de là, les extrants (émissions et déchets) et les indicateurs d’impact environnemental (la très célèbre empreinte carbone, entre autres) sont étudiés.
Finalement, on obtient la Déclaration Environnementale du Produit (EDP), qui comprend tous les indicateurs. C’est une fiche qui nous indique l’impact de ce matériau spécifique. À ce jour, il reste encore un long chemin à parcourir pour harmoniser les EPD, mais elles nous permettent de comparer l’énergie de production implicite dans la production de chaque matériau que nous envisageons d’utiliser dans nos projets.
En ligne, les architectes d'intérieur semblent plus prompts à annoncer leurs prestations et leurs propositions d'accompagnement des entreprises vers la RSE qu'à exposer leur propres avancées et stratégies pour répondre à cette attente mais comme l'indique un petit reportage sur Parcours métier, de jeunes sociétés de design intérieur se sont lancées dans la fabrication de matériaux à partir de déchets.
Enfin, à noter que l'AFNOR promeut l'éco-conception "qui peut être intégrée par exemple à une stratégie RSE" et l'économie circulaire par l'intermédiaire d'une formation.
Bonne journée.