Qu'y avait-il à la place de la station du métro B "Debourg", à Lyon au XVIe siècle ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'ai remarqué, il y a un certain temps déjà, une plaque commémorative à la station du métro B "Debourg", à Lyon, à côté de l'ENS. On y lit (j'essaie de le retranscrire de mémoire, ce sera donc inexact mais les grandes idées sont là) que fin août, entre le 24 et le 27 de l'année 1572, le massacre de la Saint-Barthélémy ayant touché Lyon, les persécutés se sont réfugiés sous terre. Là où passe aujourd'hui le métro, donc.
Ma question est : quel était ce lieu avant d'être un métro ? Ce n'est pas faute d'avoir écumé internet pour avoir ma réponse, je ne trouve rien. Il semblerait qu'à l'époque, ce qui est aujourd'hui le quartier Debourg dans le septième arrondissement de Lyon, n'était qu'un vaste ensemble de champs...
Réponse du Guichet

Nous partageons votre perplexité. Nous n'avons pas identifié d'endroit qui aurait pu servir de refuge aux protestants à l'emplacement de la station Debourg en 1572. Les massacres s'étant déroulés au centre de Lyon, la présence d'une plaque mémorielle dans le septième arrondissement (l'un des plus récemment urbanisé) parait suspecte.
C'est très surprenant en effet. En se référant à l'ouvrage Lyon 8e arrondissement : histoire et métamorphoses, on peut se faire une idée de l'urbanisme autour de Lyon au XVIIIe siècle. Le plan Mornand (1710) et le plan de la Guillotière d'après le procès-verbal de Tindo (voir également la vue cavalière de la rive gauche du Rhône en 1767 de Henri Verdier) présentent de larges étendues de champs à l'emplacement actuel de la station Debourg. On peut imaginer qu'un siècle plus tôt c'était déjà le cas. On constate néanmoins que cet emplacement pourrait être sur l'emprise du domaine du château de Champagneux, que nos recherches ne nous malheureusement pas permis de rattacher à une quelconque autorité protestante. Ce château existait sans doute en 1572 comme en témoigne par exemple cette réponse à une précédente question au Guichet.
On peut lire dans cet ouvrage une description de la rive gauche à cette époque :
Aux villages de Chaussagne et Champagneux succéda une nouvelle paroisse, celle de Bèche-en-Velin. Cette paroisse-village était situé près du Rhône, à l'intersection actuelle des rues de Marseilles et de l'Université. Y fut édifié un chateau, ou plus exactement une tour (celle de l'archevêque). Bèchevelin fut, du XIIIe au XVIe siècle, le siège de la division administrative nommée Mandement de Bèchevelin. Au début du XVIème siècle, le bourg de la Guillotière, tout près du pont du Rhône, porte d'entrée de la Ville, s'accrut rapidement. Les populations s'en approchèrent et Bèchevelin s'effaça à sont tour. (...)
Sur la rive gauche du Rhône, ponctuant la grande plaine, des domaines ruraux se partagent le territoire. Petits châteaux médiévaux ou maisons fortifiées, nombre d'entre eux ont des histoires singulières, ces seigneureries faisant souvent office d'hôtel pour les voyageurs illustres en séjour dans la région.
Donc, en effet, un territoire plutôt champêtre, occupé éventuellement par des maisons fortifiées - dont l'une d'elle aurait pu servir de refuge aux protestants en août 1572 ?
Le massacre des protestants se déroule au coeur de la ville de Lyon sur la seule journée du 31 août, après qu'ils furent rassemblés en quatre lieux dans la ville pour les mettre à l'abri :
On reçut le 28 août les nouvelles de Paris. Pour protéger les protestants du risque de massacre, le Consulat et le gouverneur les firent enfermer aux prisons des Cordeliers, des Célestins, de Roanne et à celle de L'archevêché. C'est là que la tuerie eut lieu le dimanche 31 août 1572.
source: Histoire des protestants à Lyon : des origines à nos jours
Les quatre emplacements qui servirent de refuge aux protestants étaient tous situés à l'intérieur des remparts de la ville. Le palais de Roanne se situait à l'emplacement de l'ancien palais de justice. Le couvent des Célestins (pillé par les protestants dix ans plus tôt), sur l'actuel quai des Célestins. Le couvent des Cordeliers aux environs de la place des Cordeliers. Le Palais archiépiscopal abrite aujourd'hui la bibliothèque du 4ème arrondissement à proximité de l'abbatiale Saint-Jean. Pour un compte rendu de cette funeste journée, un témoignage de première main est évoqué dans cette réponse à une précédente question.
La tour de l'archevêque évoquée plus haut et située pas très loin de Debourg ne semble pas avoir de rapport avec le Palais archiépiscopal où se sont déroulé les massacres.
Les protestants en 1572 étaient très intégrés à la vie urbaine (de 1562 à 1563, la ville est au main des protestants, soutenu par le baron des Adrets, cf Lyon 1562, capitale protestante) ; ils y vivent au milieu des catholiques, y tiennent professions... S'il existe un fort ressentiment de certains catholiques à leur encontre, les protestants ne s'attendent probablement pas à la rage meurtrière qui animera une partie de leur concitoyens. Alors que, pour leur protection, on les enferme dans quatre "prisons", il faudrait supposer qu'un certain nombre d'entre eux, en quelques heures, aient fait le choix, eurent le temps et la présence d'esprit de quitter la ville pour se réfugier dans ses faubourgs - en un lieu hypothétique perdu en pleine campagne. Et pourquoi célèbrerait-on aujourd'hui la mémoire de ces "réfugiés" quand ce sont les protestants restés à Lyon qui furent pour certains massacrés ? Il y a quelque chose qui parait ne pas "coller". Du coup, on a voulu se référer à cette plaque pour s'assurer qu'un détail ne nous avait pas échappé, mais nous n'en avons trouvé aucune reproduction en ligne. En attendant de découvrir le texte exact de cette plaque mémorielle, nous suspendons nos tentatives de percer ce mystère.
Complément(s) de réponse

Nous avons reçu des précisions de M. Cusin, un de nos contributeurs sur la base Photographes en Rhône-Alpes, qui a pris cette plaque en photo : La forêt souterraine, Bruno Yvonnet, station de métro Debourg, Lyon 7e
Il s'agirait d'une série de plaques en fonte situées au sol des deux quais de la station constituant (avec les panneaux lumineux correspondants) une œuvre d'art du dispositif Art Métro, et dont il ne faut pas prendre les indications comme données factuelles. Le contenu de ces plaques pourrait correspondre à un détournement de références bien réelles passées au filtre du regard de l'artiste. Le massacre des protestants s'est bien déroulé mais pas du tout à cet emplacement.
On peut lire une note d'intention de l'artiste concernant cette œuvre dans la station elle-même : La forêt souterraine, Bruno Yvonnet, station de métro Debourg, Lyon 7e.
Ainsi la plaque en fonte correspondrait à un panneau lumineux à proximité dont elle constituerait une "légende" :
La position des images publicitaires est prévue au sein même de cette installation. 8 plaques de fonte, avec des textes gravés en relief méplat, encastrées dans le sol. Une plaque par image, située à son aplomb et plus ou moins éloignée du mur selon que l'image correspondante sera plus ou moins élevée. Ainsi, pour considérer une image située plus haut, le spectateur sera amené à se reculer jusqu'à se trouver sur la plaque correspondante.
Nous ne disposons pas pour le moment d'une photographie de l'image lumineuse à laquelle cette plaque correspond, mais le cas échéant nous complèterons cette réponse.
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