Quelles sont les vertus de l'eau de source du hameau de Saint-Prix à Dyo ?
Question d'origine :
Chers bibliothécaires , je voulais connaître s'il vous plaît les prétendues vertus de l'eau de la source du hameau de Saint-Prix à Dyo en Saône-et-Loire, qui est réputée que beaucoup de gens viennent chercher? Bien à vous, E H
Réponse du Guichet
Des cultes païens et catholiques prêtent depuis plusieurs millénaires des vertus à la source de Saint-Prix. Elle soignerait les maladies oculaires. D'autres lui associent la guérison des fièvres.
Bonjour,
Une source vertueuse s'écoulerait dans le hameau de Saint-Prix à Dyo, petit village de Saône et Loire ! Son adoration ne daterait pas d'hier, puisque des cultes gaulois, romains et chrétiens se sont relayés et organisés autour de cette source sacrée.
Ce petit article du Journal de Saône et Loire rappelle que la chapelle de Saint-Prix (évêque de Clermont et martyr chrétien mort en 670), attenante à la source, aurait été fondée au XIème siècle (d'après une charte cartulaire de Cluny) en raison de sa renommée. La chapelle tient aujourd'hui encore une place importante au sein du village et de la communauté catholique comme en témoigne cette levée de fonds sur fondation-patrimoine.org de plus 12 000€ pour en restaurer la toiture.
Mais en rembobinant le fil de l'Histoire, on découvre que la source de Saint-Prix était déjà vénérée avant la christianisation de ce territoire par des cultes païens romains et gaulois. C'est ce que nous apprend Mario Rossi dans Les noms de lieux du Brionnais-Charolais, témoins de l'histoire du peuplement du paysage, Bourgogne du sud (p. 503, 2009) :
Saint Prix fut autrefois le coeur de la paroisse de Dyo. On a déjà vu que Dyo fut un ancien lieu de culte païen des eaux sacrées. Il est possible que la chapelle de Saint-Prix, située près de la source d'un ruisseau, ait été construite sur l'emplacement d'un ancien sanctuaire.
Des vestiges de ce sanctuaire auraient été découverts en 1963. Des bas reliefs et un buste en l'honneur de la divinité Mithra ont été retrouvés. Son culte aurait été importé d'Iran au IIème siècle par des éléments de l'armée romaine. Mais il est possible que cette pratique ne se soit développée que plus tard dans cette région, par l'intermédiaire des Sarmates, eux aussi enrôlés dans l'armée romaine (p. 112). D'après Mario Rossi, c'était un culte initiatique qui comportait des épreuves de purification (p.113) s'associant très bien à la topographie du territoire :
On comprend dès lors sa présence à Dyo, Diwawu, le centre religieux des eaux sacrées où l'on vénérait une ou plusieurs divinités des eaux. Précisément les restes de bas-reliefs ont été découverts à proximité de la source du Ruisseau de l'Etang et de deux réserves, alimentées par des sources, dont l'eau était acheminée par une canalisation vers l'emplacement présumé du sanctuaire.
(...)
Ce sanctuaire à Mithra, le Mithraeum, était construit sans aucun doute là ou fut découvert le bas-relief , car on y a mis au jour des fondations.
Enfin, il rappelle que cette vénération préexistait au culte de Mithra (p. 115) :
Puisque Dyo est une ancienne fondation gauloise et que le culte de Mithra est tardif, on doit se poser la question de savoir à qui était dédié ce centre cultuel à l'époque gauloise. A une divinité des eaux sans aucun doute. Le vieux bourg de Dyo est construit sur une éminence au dessus d'un cours d'eau et de sa source, il en est de même pour Saint-Prix. On trouve là la même configuration qu'à Bouhy dans la Nièvre, à Fambouy et dans tous les lieux où Bolvinnus Mars est honoré. On peut supposer que le lieu était à cette divinité des hauteurs et des sources sacrées. (...)
Les sources de Dyo feraient l'objet de cultes divers depuis plusieurs millénaires. En revanche, Mario Rossi dans son étude ne nous en révèle pas les bienfaits. Et à ce propos, rien ne coule de source. Les sources se tarissent et se contredisent sur les vertus de la source de Saint-Prix :
- Ce blog consacré aux sources guérisseuses s'accorde avec l'article du journal de Saône et Loire. La source aurait la réputation de soigner les maladies oculaires.
- Tandis que l'office du tourisme du sud brionnais lui prêterait des vertus contre les fièvres.
A vous de voir en quelle source vous voulez croire...Le soin des maladies des yeux par des sources guérisseuses semble cependant assez répandu dans la région. Robert Lapierre dans Les sources guérisseuses en Bourgogne, Côte d'Or et Saône et Loire (1936) détaillait l'importance et le nombre dans la médecine populaire régionale de moyens utilisés pour guérir ce qui s'appelait autrefois le "bourgeon", ou la "maille", à savoir les ophtalmies (p. 57) :
les prières, les baumes secrets préparés par les "regugneux", les incantations des "vieilles sorcières" de village, les sources enfin étaient encore utilisés au siècle dernier, de préférence aux ordonnances des ophtalmologistes.
La source de Saint-Prix n'est pas un mentionnée dans son ouvrage, mais un chapitre est consacré aux maladies oculaires. Il est donc fort à parier que cette source fut longtemps visitée en ce sens, en tout cas cette version s'intègre parfaitement aux coutumes médicales locales.
En espérant avoir répondu à votre question,