Auriez-vous des références sur la tour de Fourvière citée dans votre article ?
Question d'origine :
Bonjour, j'ai déjà eu des échanges avec vous sur la tour de Fourvière. Dans votre article https://numelyo.bm-lyon.fr/BML:BML_01ICO001014cd2cd8c01bd5?&query[0]=coverage:%221918-1945%22&query[1]=isubjectperson:%22Les%20Subsistances%20(Lyon)%22&query[2]=source:%22D%C3%A9p%C3%B4t%20l%C3%A9gal%22&sortDesc=idate&hitStart=4&hitPageSize=16&hitTotal=7
vous indiquez que la municipalité a soutenu ce projet en réaction contre le clergé. Je n'ai jamais rien trouvé en ce sens. Auriez vous de références en ce sens?
L'article wikipedia ne va pas en ce sens non plus.
Impatient de votre retour, Merci
Réponse du Guichet

Nous avons rectifié la notice qui contenait cette inexactitude.
Vous faites référence dans votre question à une carte postale de notre base Photographe en Rhône-Alpes représentant la tour métallique de Fourvière, et sous laquelle on peut lire la description suivante :
historique La tour métallique demeure le point le plus élevé de Lyon culminant à 372 m. d'altitude et situé tout près de la Basilique Notre-Dame-de-Fourvière. Construite de 1892 à 1894, la municipalité a soutenu sa construction représentant un monument républicain et s'opposant à la basilique Notre Dame de Fourvière. En 1914, à l'époque de l'Exposition universelle à Lyon se trouvait un restaurant et un ascenseur hydraulique pouvant emmener 22 personnes au sommet de l'observatoire. En 1963, elle est devenue une antenne relais de la Radiodiffusion-télévision française supportant un émetteur de télévision non accessible au public.
Vous citiez dans une de vos précédentes questions sur ce sujet l'article du site Omnilogie à propos de la rumeur qui voudrait que la tour ait été construite pour dominer la basilique toute proche. Le travail des rédacteurs de cet article nous parait tout à fait louable, et nous reprenons cet extrait à notre compte, doutant que nos propres recherches puissent apporter plus d'information :
La rumeur anticléricale :
Il convient ici de faire un petit aparté ; comme plusieurs articles d'Omnilogie ont déjà pu l'aborder, certaines idées préconçues ont tendance à rester, d'autant plus sournoisement que l'erreur d'origine est ensuite au fil du temps reprise par divers intervenants…
Les discussions lyonnaises indiquent que la construction de cette tour se voulait être un acte républicain destiné à humilier le clergé, notamment en construisant un édifice plus haut que la Basilique voisine, tout juste construite.
Cependant, aucune information en ce sens contemporaine à la construction n'est découverte à ce jour, ni dans les actes de concessions, ou constitutifs de la société, ni dans les articles de presse, ni dans la tradition orale familiale…Il faut attendre un livre de Mme Hardouin-Fuguier « La colline de Fourvière » paru en 1996 pour voir énoncé en certitude ce qui n'est qu'une extrapolation intellectuelle. Celle-ci évoque même « une souscription pour ériger ce monument », évoquant pour étayer ses dires un article du « Lyon républicain » du jeudi 3 mai 1894. Mais la consultation de cet article n'évoque pas cette souscription, pas plus que cet acte anticlérical. Ceci est d'autant plus logique que… l'article est postérieur à la construction de la tour ! Aucun autre article de presse de l'époque n'évoque ce fait non plus.
source : La tour métallique de Fourvière à Lyon D'où vient la tour Eiffel de Lyon ?
On peut vérifier le bien fondé de cette analyse en consultant l'article sur lequel se base Mme Hardouin :
Les membres de la presse lyonnaise étaient conviés à l’inauguration de la Tour métallique élevée au Nord de la basilique de Fourvières. Nous avons eu déjà plusieurs fois l’occasion de parler de cette hardie construction qui en proportions moindres est la reproduction de la fameuse tour que le monde entier est allé admirer.
Il est beau de voir ce que peut réaliser l’initiative de quelques hommes intelligents pour lesquels la science n’a aucun secret et qui se sont donné pour but non pas de faire leur affaire mais de montrer la mesure de leur valeur respective. Là avec un capital de moins de trois cents mille francs, une demi-douzaine d’hommes de métier, les uns constructeurs les autres électriciens ou bien entrepreneurs de maçonnerie et de charpente ont réussi à mener à bonne fin une affaire qui partout ailleurs aurait nécessité un capital d’un million et le plus fort dans ce tour de force c’est qu’ils y auront leur bénéfice car nous ne doutons pas du succès de la Tour métallique grâce surtout à l’appoint de l’Exposition.
Tous les Lyonnais connaissent la forme de la tour. Sa hauteur exacte est d’un peu plus de 80 mètres. Cent soixante tonnes de fer ont été employées à l’ossature en fer qui est l’œuvre de la maison Patiaud Lagarde de Lyon, la même à qui nous devons la gigantesque coupole de l’Exposition.
Notons d’ailleurs qu’il n’y a que des Lyonnais dans cette entreprise. L’ingénieur sur les plans duquel la tour a été élevée est M. Jules Buffaud : l’entrepreneur qui a exécuté les maçonneries des fondements et du 1er étage est M. Paufique, enfin les machines sortent des ateliers de M. Satre. Un restaurant des plus confortables occupe toute la partie du 1er étage de la Tour.
On monte jusqu’à la plate forme à l’aide d’un vaste ascenseur hydraulique qui peut porter vingt personnes à la fois. L’ascenseur qui offre toute garantie de sécurité est actionné par des pompes de la compagnie Worthington alimentant un réservoir de 25 mètres cubes situé au sommet de la construction.
L’éclairage électrique de la tour est fourni par une dynamo mise en mouvement par une machine de douze chevaux. Cette dynamo peut développer cent ampères. Soixante ampères sont consommés par le puissant projecteur placé au sommet de la tour qui envoie ses rayons éblouissants à 10 kilomètres de distance. Disons enfin que la Tour est protégée en temps d’orage par un paratonnerre à pointes multiples et à ruban de cuivre fourni par la maison Delaye et Fournier.
A leur arrivée, les membres de la presse ont été reçus et admirablement reçus par M. Paufique entouré du conseil d’administration. On leur a montré tous les détails de la construction de cette babel de fer puis l’ascenseur les a emportés à 80 mètres de hauteur.
Le coup d’œil dont on jouit de la plateforme est grandiose autant que merveilleux. L’œil domine la région sur un rayon de cent kilomètres. Hier malheureusement le temps était un peu embrumé et le vent du Nord n’avait rien d’agréable. Néanmoins le spectacle de Lyon et de ses faubourgs vu de cette altitude avait son charme et nous sommes certains que tous les Lyonnais seront comme nous, qu’ils monteront à la tour le premier jour ensoleillé.A l’issue de l’ascension, un lunch plantureux arrosé d’un vin de champagne réunissait administrateurs et invités. Au dessert tout le monde levait son verre au succès de la Tour métallique.
Notons, en terminant que les visiteurs pourront s’offrir le luxe d’auditions phonographiques. Un phonographe modèle sera en effet installé au bas de la Tour.
source : Lyon Républicain, jeudi 3 mai 1894
Article n'évoquant aucunement, comme on peut le constater, la moindre souscription. En revanche, la partie que nous soulignons évoque l'esprit dans lequel ce projet fut envisagé, et on retrouve à maintes reprises dans les articles de presse à ce sujet que les auteurs du projet étaient motivés par la prouesse technique, et une volonté de s'inscrire dans la marche triomphale en cette fin de XIXe s. de la démarche scientifique et ses applications techniques. Par exemple, le Bulletin de la Société des amis de Guignol, de juin 1993 qui consacre l'un de ses articles à l’historique de la tour métallique édifiée à Fourvière :
Lors de l’exposition internationale de Paris en 1889, le succès de la Tour Eiffel est immense…notre ville ne voulait point rester en retrait d’une telle aventure technologique, et la presse annonçait en 1892 la naissance d’une société qui étudierait le projet d’édification d’une tour métallique avec ascenseur…
Le lieu d’implantation retenu est la colline de Fourvière…sur l’emplacement de l’ancien palais d’Antonin. A cet endroit la famille Gay avait dressé un observatoire en bois posé sur la terrasse d’une maison et d’où de nombreuses personnalités venaient admirer la vue sur la ville. Là s’élèverait la tour !source : Bulletin de la Société des amis de Guignol, juin 1993
La tour, construite sur un terrain privé ne reçoit aucun financement public semble-t-il, puisqu'elle n'entre dans le giron de l’État qu'en 1953 lorsqu'elle est vendue à la Radio Télévision française par la descendante de Mr Gay, le propriétaire original du terrain.
Ensuite dès les années cinquante l’histoire de la Tour se fond dans celle de l’épopée de la radio-télévision française….Madame Gay avait racheté en 1910, soit 10 ans avant l’échéance, la Tour à la Société Anonyme pour la somme de 18 000francs ; sa fille la cède à
l’automne 1953 à la RTF pour la somme de 15 millions de francs.Le dimanche 1er novembre 1953 la Tour ouvre ses portes pour la dernière fois au public lyonnais. L’installation de l’antenne conduit à la suppression de la terrasse supérieure et au remplacement de l’ascenseur hydraulique à 22 places par un minuscule 4 places à moteur électrique. Puis au début de l’année 1954 Fourvière lance vers Chamrousse les ondes ultra-courtes de la TV, l’image est en forme de mire à damier, l’opération est un succès. La première image expérimentale est captée sur l’agglomération le 27 septembre 1954….source : Bulletin de la Société des amis de Guignol, juin 1993
Si cette légende d'une compétition entre les deux édifices séculaire et religieux persiste c'est qu'elle nourrit sans doute notre appétence neuronale pour les anecdotes symboliques fortes, et que si il n'a jamais été question pour les concepteurs de la tour de tourner la basilique en dérision en s'élevant au-dessus d'elle, cette idée d'une compétition reflète malgré tout une réalité de l'époque : la fracture de plus en plus prononcée entre séculaire et religieux (et la tour fut parfois désignée sous le nom de «phare républicain»). Cette idée d'un «concours de taille», amusante, reprise et répétée véhicule donc un fond de vérité, mais je vous accorde que cela ne suffit pas à justifier sa présence sur la «note historique» accompagnant un document de la bibliothèque ! Nous allons faire en sorte qu'elle en disparaisse !
Un de nos lecteurs commentait une réponse que nous avions apportée à une question proche de la vôtre, et qui éclaire peut-être un peu plus la situation entre civil et clergé à l'époque :
En tombant tout récemment sur une brochure à destination des guides bénévoles de Fourvière intitulée "Proposition d'un parcours documenté pour les visites insolites", chapitre "La tour métallique", je peux lire ceci: "Des rumeurs qui ne sont pas ou peu corroborées par des documents de l'époque font état que la construction a été soutenue par la municipalité afin d'ériger sur la colline de Fourvière un monument républicain qui s'oppose à la basilique qui venait d'être construite. Il est vrai que la municipalité de Lyon, composée d'hommes politiques radicaux, voire francs-maçons ou libres penseurs entre 1881 et 1905 (...), adopte une attitude anticléricale sans qu'il y ait d'affrontements trop violents (...), cela grâce en partie à la modération du cardinal Coullié, archevêque de Lyon de 1893 à 1912."