Question d'origine :
Peut-on vivre heureux ?
Réponse du Guichet
Il semblerait que pour vivre heureux il faille vivre… En Finlande. C’est en tout cas ce que déclare l’ONU dans un récent rapport. Bon. En vérité, la quête du bonheur compte d’innombrables voies d’accès : autant de courants, de points de vue, de méthodes. Nous ne pourrons évidemment pas répondre définitivement à cette insondable question, mais nous vous proposons quelques pistes bibliographiques pour partir en quête du bonheur. A vous de faire votre « marché ».
L’ONU publie chaque année depuis plus de 10 ans un rapport mondial sur le bonheur. Et pour la 7ème année d’affilée, c’est la Finlande qui s’y trouve en tête. Comme le rappelle cet article d’Euronews, les six variables analysées dans le rapport sont: le revenu (PIB par habitant), l'espérance de vie en bonne santé, le soutien social, la liberté de faire des choix de vie, la générosité et l'absence de corruption.
Autant de facteurs qui, pour l’organisation supranationale, favoriseraient une vie heureuse. Bien sûr, cette approche a ses limites, mais elle a au moins le mérite de rappeler que le bonheur relève aussi des conditions matérielles, sociales et politiques d’existence.
Revenons à une échelle plus individuelle. Et là, les propositions des conditions de possibilités du bonheur affluent.
La psychologie positive a particulièrement le vent en poupe ces dernières années, bien qu’elle fasse également l’objet d'importantes critiques. Selon l’une des spécialistes de la discipline, celle-ci s’efforce de «comprendre comment l’expérience de bonheur survient chez les personnes, et sous quelles conditions individuelles, relationnelles et sociétales elles se maintiennent». Nous vous conseillons ainsi de vous pencher sur les ouvrages des fondateurs de la psychologie positive comme Mihaly Csikszentmihalyi et son Vivre. La psychologie du bonheur. Dans la revue Sciences humaines du 30 mai 2014, JF Dortier présente ainsi son travail :
« Rechercher les conditions psychologiques du bonheur, telle est le but de la psychologie positive, un courant de pensée qui a pris corps il y a une quinzaine d'années. L'une de ses grandes figures est Mihaly Csikszentmihalyi (prononcer « ci-zen-mi-a-li »), professeur au Claremont College (Californie). Ses études sur la psychologie du bonheur l'ont conduit à penser que le bonheur ne réside ni dans le bien-être matériel, ni dans le succès, mais dans la capacité à réaliser des activités personnelles qu'il nomme « activités autotéliques » (du grec auto, soi, et telos, fin, but). L'activité autotélique est une activité tournée vers la réalisation d'un but personnel : ce peut être faire de la peinture, un voyage, réaliser une activité professionnelle, etc. "Avec l'activité autotélique (l'expérience optimale), la vie passe à un autre niveau. L'aliénation fait place à l'engagement, l'enchantement remplace l'ennui ; le sentiment de résignation est chassé par le sentiment de contrôle, l'énergie psychique n'est pas orientée vers la poursuite de récompenses externes mais est utilisée de façon à favoriser l'épanouissement du soi" ».
On pourrait également citer, dans ce courant, les ouvrages de Martin Seligman comme La fabrique du bonheur. « En vous concentrant non pas sur la cause du mal-être, mais sur vos forces et vos ressources personnelles, vous parviendrez mécaniquement à créer du bonheur, à guérir spontanément de vos blessures émotionnelles et à transformer votre qualité de vie ».
Plus largement, vous trouverez dans notre collection de développement personnel un rayon entier consacré à cette question et dont de nombreux documents s’inspirent de la psychologie positive.
Pour finir sur cette perspective, nous avions recommandé il y a 2 ans le livre de Paul Bloom, professeur de psychologie à Yale, qui dans un ouvrage accessible, propose un point de vue nuancé sur la question du rapport entre souffrance et plaisir. Il « bat en brèche la théorie hédoniste selon laquelle les humains cherchent à éviter au maximum la souffrance et les expériences désagréables. Selon lui, au contraire, il existe une multitude de situations dans lesquelles nous recherchons des expériences négatives, soit pour elles-mêmes, soit pour nous permettre d’augmenter notre bien-être par la suite. C’est cet équilibre entre plaisir et douleur qui nous permettrait de donner un sens à notre vie, élément selon lui essentiel à notre bonheur. Un point de vue intéressant, qui reprend les perspectives de la psychologie évolutionniste et de la psychologie positive de manière plutôt subtile ».
La philosophie est un continent incontournable par lequel aborder cette question de la possibilité du bonheur. Une réponse en 72h ne suffit pas pour ne serait-ce que donner un aperçu de l’ensemble des réflexions philosophiques qui ont été menées sur cette question. Nous nous concentrons donc sur les philosophies antiques occidentales très à la mode pour les arts de vivre et d’être heureux qu’elles proposeraient.
Vous pourriez ainsi consulter Les sagesses antiques. De Socrate à Marc Aurèle, ces philosophes qui nous aident à vivre. Et notamment le chapitre « Il est où le bonheur » qui revient sur quelques principes qui traversent les réflexions des auteurs grecs : rejet d’un bonheur illusoire reposant sur l’amour propre, la vanité, la recherche de gloire, recherche d’une forme de détachement, quête de la « beauté, de la vérité et du bien, seules véritables sources de bonheur » aux yeux de Socrate.
Si vous cherchez une approche plus pratique, nous vous invitons à suivre la docteure en philosophie Ilaria Gaspari dans ses Leçons de bonheur. Exercices philosophiques pour bien conduire sa vie. Elle s’astreint à vivre 6 semaines selon les préceptes de 6 grands penseurs antiques. Elle présente le bonheur selon ces « maîtres de sagesse » de la façon suivante : « Le bonheur résulte d’un exercice de liberté; pas seulement vis-à-vis des coups du sort, des bonheurs et des malheurs que la vie nous réserve, des caprices de l’opinion des autres, mais aussi et par-dessus tout vis-à-vis de nous-mêmes – vis-à-vis des habitudes transformées en automatismes, vis-à-vis des réactions immédiates qui font de nous des marionnettes à la merci d’un système de croyances reçu sans aucune distance critique ».
Bien d’autres points de vue auraient pu être mobilisés sur la question du bonheur. Et en toute rigueur il aurait fallu s’interroger préalablement sur sa définition même. Mais ce serait l’objet d’une autre question.
Pour finir, nous vous suggérons deux anciennes réponses du Guichet du Savoir à deux interrogations assez proches de la vôtre. Attention, certaines références peuvent être datées.
- «Existe-t-il un moyen infaillible d'être heureux ???»
- «Quel penseur ou philosophe émet l'idée qu'une certaine dose d'illusion est nécessaire pour être heureux ?»
Nous espérons que ces pistes de lecture vous procureront un peu de plaisir !