L'immatriculation des véhicules a t-elle bien débutée au parc de la tête d'Or ?
Question d'origine :
Est ce vrai que l'immatriculation des véhicules a débuté au Parc de la tête d'Or ?
Sinon depuis quand existe t il ?
Réponse du Guichet

On constate une volonté concomitante, de la part de Lyon et de Paris, d'identifier les voitures des particuliers en cette fin du XIXe siècle qui donne naissance aux plaques minéralogiques.
Antoine Gailleton (maire de Lyon du 26 avril 1881 au 20 mai 1900) décide de donner un numéro aux voitures autorisées à traverser le parc de la Tête d'Or, par arrêté du 13 mars 1900.
Victor Augagneur (maire de Lyon du 20 mai 1900 au 29 octobre 1905) décide quant à lui, à partir de l'été 1900, de généraliser la numérotation à tous les propriétaires de voitures domiciliés à Lyon.
Parallèlement, l'ordonnance du 14 août 1893 relative au numérotage des voitures à Paris est élargie au reste du territoire français par décret du 10 septembre 1901.
Bonjour,
Vous souhaitez savoir s'il est vrai que l'attribution des plaques d'immatriculation (dénommées à l'époque "plaques minéralogiques") pour les véhicules à moteur a débuté au Parc de la Tête d'Or, et le cas échéant depuis quand.

En préambule, sachez que le Guichet du savoir a répondu à plusieurs questions sur l'origine des plaques d'immatriculation :
Immatriculation ancienne (2020)
Plaques d'immatriculation des automobiles (2015)
immatriculation automobile (2014)
origine plaques immatriculation (2008)
La réponse de 2008 signale que la date de 1891 circule sur Internet et wikipédia pour dater la naissance des plaques minéralogiques lyonnaises. Afin de vérifier qu'il existe bel et bien une réglementation datant de 1891, nous vous invitons à consulter les archives relatives à la police du parc de la Tête d'Or et au numérotage des voitures à Lyon, dont les références se trouvent en bas de page.
Dans la réponse de 2014, nos collègues du Département de la documentation régionale écrivaient :
On lit sur le site Les immatriculations de la belle époque :
"Tout commence en 1900 lorsque les promeneurs du parc de la tête d'Or à Lyon se plaignent d'être empoussiérés par les automobilistes qui circulent dans les allées. Un système est alors mis en place qui oblige les propriétaires d'automobiles à apposer un numéro bien visible à l'arrière de leur véhicule. Ce numéro permet de repérer les automobilistes qui rouleraient trop vite et soulèveraient ainsi trop de poussière. À la sortie du parc, les automobilistes rendent ce numéro pour qu'il puisse ensuite être utilisé par un autre chauffeur.
À partir du 31 juillet 1900, tous les propriétaires de voitures domiciliés à Lyon reçoivent un numéro personnel. Les touristes ou les véhicules en transit reçoivent, en entrant dans la ville, un numéro provisoire, qu'ils rendent en sortant à l'octroi de Lyon. Il faut savoir qu'à l'époque la traversée de Lyon était quasiment le seul itinéraire possible pour une voiture. De ce fait la mesure est jugée très impopulaire mais son boycott reste très difficile à mettre en œuvre pour ses détracteurs !
Un décret du 10 septembre 1901 étend ce système à l'ensemble du territoire français. Ce décret impose pour les véhicules dépassant la vitesse de 30 km/h un numéro apposé à l'avant et à l'arrière du véhicule.
Ce numéro doit être lisible de jour comme de nuit. Malgré cela, certains automobilistes récalcitrants huilaient sans modération la plaque arrière et, grâce à la poussière qui venait se coller sur la plaque ainsi huilée, celle-ci devenait illisible".
L'étude de différentes sources et notamment de la presse locale ancienne lyonnaise sur Numelyo permet présentement de confirmer les informations ci-dessus et de vous apporter les données suivantes.
Par arrêté du 13 mars 1900, considérant qu'il importe de réglementer la circulation des automobiles dans le parc de la Tête d'Or, le maire de Lyon Antoine Gailleton (maire de Lyon du 26 avril 1881 au 20 mai 1900) décide de donner un numéro aux voitures autorisées à traverser le parc. La presse régionale de l'époque permet de vérifier cette information :
- La revue Lyon sport du samedi 31 mars 1900 retranscrit cet arrêté du 13 mars 1900 :
Parc de la Tête-d'Or. Réglementation de la circulation des automobiles. Arrêté.
Le Maire de Lyon, grand officier de la Légion d'honneur, officier de l'instruction publique, considérant qu'il importe de réglementer la circulation des automobiles dans le parc de la Tête-d'Or ; Vu la loi du 5 avril 1884.
Article premier. Les automobiles, voiturettes, motocycles, en un mot tous les véhicules à moteur mécanique, quelle que soit leur nature, ne sont admis à circuler dans les allées du parc de la Tête-d'Or accessibles aux voitures, que sur permissions spéciales délivrées à la mairie de Lyon.
Art. 2. Cette permission sera personnelle et ne pourra être prêtée sous peine de retrait immédiat. Elle sera délivrée sur la production du procès verbal, des récépissé et certificat prévus aux articles 7, 8 et 11 du décret du 10 mars 1899.
Art. 3. Pour entrer au Parc, le permissionnaire devra montrer son autorisation au garde de service, qui prendra note de ses nom, prénoms et domicile, et lui remettra un numéro d'ordre destiné a être suspendu de façon très apparente au véhicule. Ce numéro sera rendu au garde placé à l'une quelconque des sorties. A défaut, la permission sera retirée.
Art. 6. M. le Directeur du service municipal de la voirie et les agents de la force publique sont chargés d'assurer l'exécution du présent arrêté, qui sera publié et affiché. Lyon, le 13 mars, 1900 ; Le Maire de Lyon ; Dr GAILLETON.
- Le numéro de Lyon sport du samedi 24 mars 1900 donne un aperçu du retentissement de cet arrêté :
L'Arrêté municipal sur les automobiles
On parle beaucoup, en ce moment, de l'arrêté que vient de prendre M. le Maire de Lyon relativement aux automobiles, qui ne devront pas dépasser en ville la vitesse de 10 kilomètres à l'heure. Mais l'article le plus extraordinaire de cet arrêté retardataire est l'article 3 ainsi conçu : "Pour entrer au Parc, le permissionnaire devra montrer son autorisation au garde de service, qui prendra note de ses nom, prénoms et domicile et lui remettra son numéro d'ordre"
- Le numéro du samedi 04 août 1900 se fait l'écho de la généralisation de la numérotation des voitures à tous les propriétaires de voitures domiciliés à Lyon. Généralisation décidée alors par le nouveau maire de Lyon, Victor Augagneur (maire de Lyon du 20 mai 1900 au 29 octobre 1905) :
Les gros numéros... de M. Augagneur
Chauffeurs, n'allez surtout pas confondre ! Honni soit qui mal y pense ! !
Il s'agit de gros numéros ambulants, déambulants cahin, caha, très commodes, paraît-il, visibles jour et nuit et que notre administration municipale, dans sa suprême tolérance pour les automobiles, va leur flanquer dans leur capote, dès qu'elles (ô judicieuse Académie !), feront la chaussée.
On trouvera peu à peu, dit-on, à cette mirifique et bougmestrique innovation, des avantages sans nombre et qui, de prime abord, échappent peut être. [...]Chauffeurs, ne vous étonnez donc pas si aujourd'hui samedi vous trouvez étalée sur nos murs une affiche blanche (encore !) maculée d'un arrêté du Maire.
- Le numéro du 15 septembre 1900 explique aux lyonnais les formalités administratives relatives aux numéros de voitures, non sans ironie :
Automobilisme. Paperasserie.
Plusieurs fois déjà, il m'est arrivé de rencontrer des personnes embarrassées parce qu'elles ne savaient comment s'y prendre pour sortir du dédale des formalités relatives aux numéros des voitures. Pensant être utile à d'autres, je vais donner des indications sur la marche à suivre : Formalités préalables.
Ecrire au service des mines, rue d'Enghien, en exposant qu'on est propriétaire d'un véhicule automobile, et que l'on désire passer un examen pour l'obtention du certificat de capacité ; joindre sa photographie à la demande. L'Ingénieur répond en fixant un rendez-vous ; à l'heure et au jour dit, se présenter avec le véhicule en question [...]
Pour consulter les délibérations du conseil municipal de Lyon relatives à ces différentes décisions, nous vous conseillons de vous rendre en salle de lecture des Archives municipales de Lyon qui donne accès à une application dédiée pour la période 1896-1997 du Bulletin municipal officiel (BMO) > en savoir plus sur le site des AmL.
Les délibérations sont numérisées mais chaque séance comporte plusieurs délibérations, qui ne sont pas indexées. Il convient donc de consulter toutes les images d'une séance pour retrouver une délibération.
Parallèlement, le 14 août 1893, le préfet de police de Paris institue par ordonnance l’immatriculation des voitures dans la capitale : Lire l'ordonnance du 14 août 1893.
Le 14 août 1893, la préfecture de police de Paris diffuse une ordonnance concernant "le fonctionnement et la circulation, sur la voie publique, dans Paris et dans le ressort de la Préfecture de Police, des véhicules à moteur mécanique".
Les voitures doivent avoir une autorisation délivrée par la Préfecture de Police.
Le texte explique que le nom, l'adresse du propriétaire et un numéro d'autorisation donné par la Préfecture de Police doivent figurés de manière lisible sur la plaque métallique.
Il est écrit que "la plaque devra être fixée sur le côté gauche du véhicule et ne devra jamais être masquée".
Source : C’est arrivé le 14 août 1893 : la France est le premier pays au monde à immatriculer ses véhicules, Le Dauphiné Libéré, le 14 août 2021
La mesure parisienne de 1893 est élargie au reste du territoire par décret du 10 septembre 1901 : la France lance son premier système d’identification des véhicules à moteur et c’est à l’administration des Mines que revient la tâche d’attribuer les numéros d’immatriculation, d’où l’appellation de « plaques minéralogiques ».
En 1901, les automobilistes français devront s'équiper d'une plaque d'immatriculation visible de jour comme de nuit à l'avant et à l'arrière du véhicule.
Le système du Fichier National des Immatriculations est mis en place en 1950.
En 2009, l’État remplace le Fichier National des Immatriculations par le Système d’Immatriculation des Véhicules.
La France est le premier pays à avoir instauré un système d’immatriculation.
Source : C’est arrivé le 14 août 1893 : la France est le premier pays au monde à immatriculer ses véhicules, Le Dauphiné Libéré, le 14 août 2021
L'article de Jean Orselli dans "Histoire des plaques minéralogiques" disponible sur Temis (base documentaire du centre de ressources développement durable) rappelle que l'ancêtre de la plaque minéralogique instituée en 1901 en France n'est autre que la "plaque nominative" qui concernait les véhicules publiques en 1797, les voitures particulières étant extrêmement peu nombreuses en ce début du XIXe siècle.
Aller plus loin avec :
- Les collections de la BmL
La grande aventure automobile lyonnaise [Livre] / Pierre-Lucien Pouzet, 2006
Lyon, capitale de l'automobile [Livre] : lieux de mémoire, 2005
La fabuleuse histoire de l'automobile dans notre région [Livre] / 2023
Histoire mondiale de l'automobile / [Livre] / Serge Bellu, 1998
- Les Archives de Lyon
485WP/3 police du parc : horaires, incidents, circulation, éclairage : rapports, correspondance, procès verbaux de contravention, arrêtés, devis, plans, décret, délibérations, affiche 1871-1927
1140WP/85 Police Parc de la tête d'or et vélodrome du Parc, gardiennage, surveillance du parc : procès-verbaux, correspondance, réglementation (1881-1918)
1124WP/23 Circulation des automobiles : réglementation, numérotage des véhicules,...(1868-1912)
- Les Archives du Rhône
Les Archives ne conservent pas de cartes grises. Concernant les registres d'immatriculation de véhicules, ils n'ont pas été conservés. Le seul registre des déclarations de mise en circulation et d’immatriculation conservé dans notre service concerne la période de mai à juillet 1939.
Source : FAQ Archives du Rhône
- Les Archives nationales
les registres d'immatriculation des véhicules
- Sur le Web
L’histoire des plaques minéralogiques (Temis, base documentaire du centre de ressources développement durable) : De la « plaque nominative » à la « plaque minéralogique » par Jean Orselli, ingénieur général des Ponts et Chaussées. L’article de Jean Orselli décrit l’aboutissement que représentait, au terme d’un périple commencé en 1797 avec la « plaque nominative », l’institution en 1901 d’une « plaque minéralogique ».
La plaque minéralogique sur Radiofrance
Bien à vous !