Connaitrons-nous un jour toutes les vérités ?

Bonjour,

Peut-on aujourd'hui être certain.es qu'un jour, nous disposerons de vérités définitives, et ce sur tous les sujets ? Personne n'est en mesure de répondre à cette épineuse question, pas même le Guichet du Savoir !

Voici toutefois quelques éléments de réponse qui pourront vous intéresser.

D'après la définition de la vérité proposée par Thomas d’Aquin (env. 1225-1274), Veritas est adaequatio rei et intellectus : c'est l'« Adéquation de l'esprit à la chose. », lorsque l'esprit a la même forme que la réalité alors il pense la vérité.

Connaître la vérité, c'est avoir une représentation objective de la réalité.

En philosophie, la définition traditionnelle de la vérité repose ainsi sur l'idée d'une comparaison entre la réalité elle-même et ce que nous affirmons à son sujet. Il y a "vérité" quand cette comparaison permet de conclure à une conformité entre les deux.

Mais est-il possible pour nous de l'atteindre un jour ?

Il convient de distinguer les différents types de vérités. On pourrait affirmer qu'il existe des vérités éternelles et immuables comme en mathématiques, obéissant aux règles de la logique, d'autres vérités sont provisoires. 

Descartes, dans les Règles pour la direction de l'esprit, énonce les différentes règles d’une méthode universelle permettant d’orienter la pensée lorsque celle-ci cherche à atteindre la vérité. Il indique que les mathématiques doivent être le modèle de toute science, en raison de la certitude absolue de leurs vérités. Mais Bertrand Russel dans Science et religion nous rappelle que les vérités scientifiques ou "vérités techniques" sont parfois remises en cause. L'histoire l'a démontré : les vérités scientifiques peuvent être des connaissances provisoires. Si certaines lois scientifiques ne peuvent pas être remises en cause, elles sont susceptibles d'être modifiées par le développement des outils d'observation ou par de nouvelles découvertes. C'est ce qu'explique Thomas Kuhn dans Structure des révolutions scientifiques : les théories scientifiques peuvent être bouleversées. Ces "changements de paradigme" qui correspondent à des changements dans l'ordre de nos représentations collectives, nous interdisent de penser qu'une science qui porte sur le réel puisse énoncer une vérité définitive. Nos vérités évoluent.

Leibniz dans les Essais de Théodicée distingue les vérités de fait établies par l'expérience et les vérités de raison issues du pur raisonnement et indépendantes des changements de la réalité.

Weber dans les Essais sur la théorie de la science affirme qu'il est possible de parler de vérités en histoire, "science du réel". Contrairement aux "sciences de la nature", elle procède par argumentation mais il indique aussi qu'il n'y a pas de vérité unique en histoire, seulement une pluralité d'hypothèses qui se complètent et dont la diversité tient à nos différentes exigences de sens.

Les sceptiques pensent que les facultés humaines de connaissance ne nous permettent pas d'atteindre la vérité absolue. Pour eux, la vérité est inaccessible.

Vous l'aurez compris, la vérité reste toujours soit partielle, soit à compléter ou à enrichir. Elle est provisoire et évolue. Bref, pour l'instant, elle apparaît inaccessible pour l'homme.

Sources et pour aller plus loin :

- Universalis

- Philosophie : annales objectif bac / Nathalie Nieuviarts, Yohann Durand

- Annabac Philo /  Sabrina Cerqueira, Didier Guimbail, Stéphanie Degorre... [et al.]

Voici un court extrait qui résume cette pensée :

LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ À TRAVERS LES ÂGES

La question de savoir si la vérité existe a été débattue à travers les siècles. Platon et Socrate considèrent que la vérité est difficilement accessible et que les hommes sont ignorants. Le Sophiste, quant à lui, considère que la vérité dépend de la personne la plus douée pour convaincre. Le sceptique pense qu’il existe une vérité mais que l’homme ne peut y accéder, il préconise donc de douter de tout et de suspendre tous les jugements. Descartes, quant à lui, se met en quête de vérités à l’aide d’une méthode rigoureuse qui s’appuie sur le doute. Son doute débouche sur une première vérité : le cogito, qui lui permet de déduire l’existence à partir de la pensée. Il aboutit à certaines vérités, dont la preuve de l’existence de Dieu. Au XVIIIe siècle, Kant démontre que sa preuve de l’existence de Dieu ne tient pas, rappelant les limites et les aptitudes de la connaissance humaine. Pour lui, l’homme peut tendre vers la vérité des choses dont il fait l’expérience, mais la vérité du reste est inaccessible à l’homme. Il est impossible de connaître la chose en soi, en elle-même, de façon objective.

Malgré cela, la quête de la vérité est indissociable de l’homme. Ne sachant d’où il vient ni où il va, la vérité serait un moyen pour lui d’apaiser ses angoisses. Parvenir à établir des vérités serait ainsi vécu comme un apaisement possible. Cependant, la quête de vérité est en chemin, en construction, et peut être remise en question.

source : La Vérité - Bac de Philosophie / La boite à bac

L'histoire de la pensée, de la science et de la philosophie montre que chaque réponse s'accompagne de nouvelles questions, et que l'absolu du savoir reste une quête jamais totalement achevée.

L'homme reste avide de vérités, peut-être parce qu'elles le rassurent en lui fournissant des repères dans un univers instable. Serait-on moins angoissés si nous connaissions toutes les vérités ?

Pour aller plus loin, quelques ouvrages :

Les Limites de la connaissance / Hervé Zwirn

La science nous permettra-t-elle un jour de tout savoir ? Ne rêve-t-elle pas d’une formule qui explique tout ? N’y aurait-il donc rien qui entrave sa marche triomphale ? Le monde deviendra-t-il transparent à l’intelligence humaine ? Tout mystère pourra-t-il être à jamais dissipé ? Hervé Zwirn pense qu’il n’en est rien. La science, en même temps qu’elle progresse à pas de géants, marque elle-même ses limites. C’est ce que montre la découverte des propositions indécidables qui ont suivi le théorème de Gödel. Ou celle des propriétés surprenantes du chaos déterministe. Ou encore les paradoxes de la théorie quantique qui ont opposé Einstein et Bohr et mettent en cause toute notre manière de penser. L’analyse de ces limites que la science découvre à sa propre connaissance conduit l’auteur à poser cette question, la plus profonde : qu’est-ce que le réel ?

A quoi bon la vérité ? / Pascal Engel, Richard Rorty

Deux professeurs de philosophie s'interrogent sur la vérité, sa nature et la valeur qu'il lui faut reconnaître. Ils exposent et précisent leurs divergences sur le sujet et se demandent ce qu'il faut attendre de la vérité, si l'homme en a besoin et si même ces questions ont un sens.

La vérité / ouvrage dirigé par Roland Quilliot

Rassemble des contributions de philosophes sur la notion philosophique de vérité et ses différentes problématiques. L'ouvrage rappelle les réponses classiques qui ont été données et en esquisse de nouvelles.

La vérité / Jean-Philippe Milet

Une préparation à l'épreuve de philosophie de l'agrégation interne, avec les notions indispensables à la compréhension du thème, une synthèse offrant des pistes de réflexion personnelle et des outils méthodologiques.

- La Raison et la passion : réflexion sur les limites de la connaissance / Jean Hamburger

- De la recherche de la vérité . Où l'on traite de la nature de l'esprit de l'homme, & de l'usage qu'il doit faire pour éviter l'erreur dans les sciences / Nicolas Malebranche

Et ces précédentes réponses :

Peut-on connaître vraiment les réponses aux questions que l'on se pose dans la vie ?

Y-a-t-il des épisodes historiques passés sous silence ?

Est-ce que l'on peut penser que finalement il n'y a pas de grande vérité ?

Recherche de livres ou essais métaphysiques traitant de la vérité

Bonne journée.