Question d'origine :
Bonjour,
Les oeuvres du street artiste "In the woup" qui s'inspire de Mario et autres personnages de jeux vidéo sont-elles considérées comme du plagiat ?
En vous remerciant.
Cdt
Réponse du Guichet

Si le street artiste In the woup s'inspirant de Mario Bros et autres personnages pour créer ses œuvres cite bien ses sources, en conformité avec le Code de la propriété intellectuelle, la question est de savoir s'il en a bien demandé l'autorisation à leurs créateurs.
Bonjour,
Vous souhaitez savoir si les œuvres du street artiste In the woup inspirées "des spritesde jeux vidéo des années 80/90 comme Tetris, Mario Bros ou Zelda" et "de manière générale, [...] de la littérature, des mangas, des jeux vidéo, de la bande dessinée, des séries TV et du cinéma [...] des artistes et des sportifs (Zidane, OrelSan, Big Flo et Oli, Lorenzo, Eminem, Shaquille O’Neal, etc.)", dit-il dans son interview publiée sur son site, constituent une infraction pour plagiat.
Selon le Code de la propriété intellectuelle,
Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit (Article L335-2 al. 1 du Code de la Propriété intellectuelle).
Les personnages que se réapproprie l'artiste sonttous protégés par le droit d'auteur issu de ce code comme l'indique le chapitre Les contenus concernés par le droit d’auteur du guide Droit d'auteur, droit à l'image : les étapes essentielles pour utiliser un contenu publié publié par l'APIE, (Agence du patrimoine immatériel de l’État)en 2018 ou sur la page Direction des Affaires juridiques – Mission Appui au patrimoine immatériel de l’État du site economie.gouv.fr :
Le droit d’auteur impose à tout utilisateur d’une œuvre d’obtenir l’autorisation de l’auteur (ou de celui qui détient les droits) pour l’utiliser.
La notion d’œuvre est extrêmement large : il s’agit de toute réalisation intellectuelle originale, peu importe son genre, sa forme d'expression, son mérite ou sa destination. Le droit s’applique dès la création, sans nécessité de procéder à un dépôt.
La loi en cite des exemples mais la liste n’est pas limitative (écrits littéraires, artistiques et scientifiques, allocutions,œuvres dramatiques,œuvres audiovisuelles, œuvres graphiques, compositions musicales, dessins, œuvres d’architecture, œuvres d’arts appliqués, logiciels, etc.).
Cela signifie qu’il faut tenir compte du droit d’auteur :
- quel que soit le sujet du contenu (même un contenu technique, scientifique, une monographie, une infographie, une prestation orale, un site web, une illustration etc. peuvent être soumis au droit d’auteur) ;
- quels que soient la qualité ou le mérite du contenu ;
- même si l’auteur n’indique pas avoir « déposé » le contenu ;
- même en l’absence de toute mention de type « copyright » ou « tous droits réservés ».
Par prudence, l’utilisateur doit considérer que tout contenu est potentiellement soumis au droit d’auteur et donc que son utilisation doit être autorisée.
Le fait que le contenu soit soumis au droit d’auteur ne signifie pas automatiquement que son utilisation est payante : c’est l’autorisation du titulaire des droits qui est primordiale et celle-ci peut être gratuite, voire donnée par avance à tout le monde (licences libres, étape 2).
Cela ne signifie pas qu'il est strictement interdit d'utiliser des figures déjà existantes mais afin de ne pas commettre un délit, l'artiste doit demander l'autorisation à ses créateur·ices :
L’utilisateur qui ne dispose pas de l’autorisation de l’auteur ou du titulaire des droits d’auteur1pour utiliser une œuvre commet un acte de contrefaçon. Il s’expose à être condamné à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et à des sanctions pénales (peine encourue de 3 ans d'emprisonnement, 300 000 euros d'amende).
Cette autorisation doit être écrite (notamment pour des raisons de preuve) et comporter tous les éléments permettant de s’assurer que le titulaire des droits a accepté les utilisations qui seront faites (types, modalités, durée, territoire).
Disposer de cet écrit est important pour garantir la sécurité juridique de l’utilisateur et éviter les malentendus.
Notes :
1. Qui peut être une personne tierce à laquelle l’auteur a transmis ses droits
Il en est de même pour les personnes et les biens :
Par principe, une autorisation doit être demandée pour utiliserl’image d’une personne(mais aussi sa voix et son nom), si celle-ci est identifiable (par ses traits mais également par le contexte, le décor, un tatouage, etc.).
Cette autorisation doit être précise (durée, territoire, modalités, etc.) afin de s’assurer que la personne a donné sonconsentementà toutes les utilisations qui seront faites de l’image. Par exemple, le seul fait d’avoir accepté d’être pris en photo ne vaut pas acceptation que l’image soit utilisée sur une affiche promotionnelle. S’agissant des mineurs, une autorisation de chacun des titulaires de l’autorité parentale est requise.
Toutefois, il doit s’articuler avec laliberté de l’information. Ainsi, l’autorisation n’est pas nécessaire pour des prises de vue liées un événement d’actualité, ou pour une personnalité publique dans l’exercice de ses fonctions (ministres, députés, etc.).
Certaines utilisations sont prévues par la loi, qu’il convient d’appliquer après une analyse approfondie.
Lorsqu’unbien(maison, jardin, etc.) est représenté,l’autorisation de son propriétaire, n’est en principe pas requise1. Toutefois, le propriétaire peut reprocher à l’utilisateur d’une photographie de son bien une exploitation qui lui causerait un trouble anormal (par exemple une publication de l’image de sa maison qui porterait atteinte à sa vie privée).
Au cas où le bien immobilier constituerait undomaine national2, le Code du patrimoine impose désormais que toute utilisation à des fins commerciales de ce type de bien soit soumise à autorisation préalable du gestionnaire3.
Notes:
1. Attention, l'autorisation de l'auteur de l'œuvre que peut constituer le bien (par exemple, l'architecte) peut être requise
2. Le décret n°2017-720 du 2 mai 2017 précise la liste des domaines nationaux.
3. Article L. 621-42 du Code du patrimoine.
Source : Droit à l’image des personnes et des biens, Droit d'auteur, droit à l'image : les étapes essentielles pour utiliser un contenu publié, APIE et Direction des Affaires juridiques – Mission Appui au patrimoine immatériel de l’État, economie.gouv.fr
Vous l'aurez donc compris, In the woup plagie s'il ne se conforme pas au Code de la propriété intellectuelle car :
Plagier c'est :
- S’approprier le travail créatif de quelqu'un d'autre (partiellement ou dans son intégralité) et de le présenter comme sien ;
- S’accaparer des extraits de texte, des images, des données… etc. provenant de sources externes et les intégrer à son propre travail sans en mentionner la provenance ;
- Résumer l'idée originale d'un auteur en l'exprimant dans ses propres mots, mais en omettant d'en mentionner la source.
Source : Attention au plagiat, Université Bordeaux Montaigne
A ce sujet lire aussi Qu'est-ce que le plagiat ? (réponse du Guichet du savoir, 2013), Comprendre et éviter le plagiat (Université de Laval), Qu’est-ce que le plagiat ?(Université Simon Fraser).
Si In the woup cite bien ses sources, la question à se poser est donc celle de l'autorisation. Nous la lui avons adressée. S'il nous répond, nous ne manquerons pas de vous recontacter pour vous en informer.
Pour aller plus loin sur la plagiat en littérature :
Rapport de police: accusations de plagiat et autres modes de surveillance de la fiction / Marie Darrieussecq, 2009
Après avoir été accusée de plagiat en 1998 par Marie NDiaye et en 2007 par Camille Laurens, la romancière s'interroge sur la notion de plagiat en littérature, de Platon au goulag. Elle analyse les réactions de la presse et du public face aux affaires de plagiat et démontre qu'il s'agit d'une forme de mise au pas de la fiction.
Crimes d'auteur : de l'influence, du plagiat et de l'assassinat en littérature/ Anthony Mangeon, 2015
Cet essai interroge les romans des écrivains ayant mis le plagiat et l'assassinat au centre de leurs intrigues. A travers un corpus d'oeuvres du début du XXe siècle jusqu'aux romanciers francophones contemporains, relevant du roman policier, du roman de campus, de l'adaptation ou encore de la fiction cinématographique, l'auteur esquisse le portrait-robot de l'écrivain plagiaire ou assassin. © Electre 2016
Plagiats, les coulisses de l'écriture / Hélène Maurel-Indart, 2007
A partir de réflexions menées sur la notion de droit d'auteur ou d'affaires de plagiats et contrefaçon, cet essai éclaire par des enquêtes de cas précis contemporains de falsifications, sans faire de procès d'intention.
Du plagiat / Hélène Maurel-Indart, 1999
Bonne journée
Complément(s) de réponse

In the woup nous a répondu et nous l'en remercions chaleureusement :
Mes créations sont uniques et originales et sont le résultat de crossovers (mélange d'univers). Le plus souvent 2 univers sont concernés : Mario Bros + un autre (exemple : Mario et Lucky Luke). Il arrive aussi que j'en mélange plus : par exemple le design Mario + Lorenzo (chanteur) + Pokemon.
Je m'inspire du personnage de Mario du jeu Super Mario Bros 3 (sorti en 1991 en Europe), qui est central dans mon projet artistique, et est utilisé comme base aux mélanges que j'invente. Je n'ai pas repris le personnage original à l'identique, de nombreuses modifications ont été apportées sur le design : au niveau des mains, de la forme du corps, des vêtements, de la tête, des vêtements, etc. J'ajouterai aussi, comme vous l'avez souligné dans votre message, que je cite toujours mes sources (ou "inspirations") afin de permettre au public d'identifier le personnage d'origine.
Je n'ai pas d'autorisation de chaque univers ou personnage (fictif ou réel, vivant ou mort) que je design à ma manière. Un avocat en droit d'auteur (que j'ai consulté il y a quelque temps) m'avait alerté sur les sujets du droits d'auteur ainsi que sur le texte de loi suivant :
L’article L122-5 4° du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ».
Cet article autorise ainsi les arrangements ou les adaptations d’œuvres dans le but de faire rire ou faire sourire. Il s’agit là de l’une des exceptions au droit d’auteur tolérée par la loi, sous réserve bien évidemment que l’on soit dans le cadre d’une utilisation de nature artistique.
Elle est justifiée par la liberté artistique et donc par la liberté d’expression. La parodie vise le chant ou le verbe (l’écrit). Le pastiche vise la peinture. La caricature vise le dessin. La caricature est un dessin humoristique qui consiste à amplifier certains traits spécifiques d’un sujet, de son caractère ou de son identité. Cette exception de caricature, pour pouvoir être appliquée, doit présenter un certain nombre de conditions :- Elle ne doit pas nuire à l’auteur de l’œuvre d’origine notamment en raillant celle-ci d’une manière outrancière ;
- Elle ne doit pas créer de risque de confusion entre l’œuvre d’origine et la nouvelle œuvre ;
- Elle doit être réalisée avec une intention humoristique.
A notre sens, vos créations pourraient constituer une exception de caricature dans la mesure où :
- Elles ne nuisent pas, selon nous, à l’œuvre originale ;
- Elles ne crééent pas, selon nous, de risque de confusion avec les œuvres originales.
Bonne soirée