Question d'origine :
Bonjour
le Français etait la langue la plus utilisé au moyen age et voir apres
vous avez pourquoi l anglais a pris le dessus ?
d avance merci
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 20/01/2017 à 13h34
Bonjour,
Effectivement, suite à la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066, l'usage du français, ou plutôt devrions-nous dire dufranco-normand , s'est répandu en Angleterre chez les élites. La période qui s'étend de la fin du XIe siècle au début du XIVe siècle correspond à une période de rayonnement du français médiéval.
A partir du XIVe siècle, sous les règnes d'Edouard III puis d'Henri IV d'Angleterre, la langue anglaise va davantage s'affirmer et s'imposer politiquement en Angleterre ; la guerre de Cent ans ayant fortement contribué à exacerber le sentiment national !
C'est à partir du XVIIIe siècle que la langue française perdra peu à peu son influence dans toute l'Europe, au profit de l'anglais. C'est l'essor de ce qu'on appelle l'anglomanie.
" Aux XIIe et XIIIe siècles, le français a joué le rôle de deuxième langue internationale après le latin. C'est ce qu'on a pu appeler la première universalité de la langue française, parlée dans de nombreuses cours et servant de langue écrite de vulgarisation dans certains pays (l'Italie par exemple). Elle profite du prestige de l'Université de Paris, de la vogue de notre littérature traduite dans presque tous les pays européens et du rayonnement de l'art gothique.
La très brillante Renaissance italienne assure à l'italien, aux XVe et XVIe siècles, la première place comme langue de culture, et suscite en France une émulation jalouse. Cependant, avant le XVIIe siècle, le français n'a pas acquis les qualités qui le rendront classique et contribueront à l'imposer à l'Europe. Cette deuxième universalité de la langue française au XVIIIe siècle n'est pas le fait d'une politique concertée de la royauté. Au rayonnement des grandes œuvres littéraires du XVIIe siècle, au prestige des « philosophes », il faut ajouter le rôle considérable de la presse française, la création d'un important commerce de librairie en français aux Pays-Bas (conséquence inattendue de la censure sévère établie dans le royaume sous Louis XIV), et l'exode des protestants après la révocation de l'édit de Nantes, sans compter le succès des troupes théâtrales et celui des correspondances internationales (Bayle, Grimm, Diderot). À la veille de la Révolution, le français est la langue diplomatique par excellence (privilège qu'il perdra au traité de Versailles en 1919). Il est répandu dans les classes cultivées et dans toutes les cours européennes. Le pays le plus francisé est l'Allemagne, où l'Académie de Berlin, en 1782, met au concours un sujet révélateur : « Qu'est-ce qui fait la langue française la langue universelle de l'Europe ? »
La Révolution marque la fin du destin universel du français.
source : Encyclopaedia universalis
Comment expliquer aujourd'hui que l’anglais soit devenu "lingua franca" ?
On pourrait s'arrêter à des raisons purement linguistiques et arguer la simplicité de la structure grammaticale de la langue anglaise.
Mais des raisons politiques, historiques et économiques expliquent plus vraisemblablement cette suprématie de l'anglais.
Pour Jean-Marie Le Breton, leslangues sont le reflet des rapports de force géopolitiques .
L’expansion de l'Empire colonial britannique répandant l'usage de l'anglais aux quatre coins de la planète est à l’origine du triomphe de l’anglais comme langue internationale. Les Etats-Unis devenus puissance économique, militaire et industrielle ont connu un essor exceptionnel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et ont exporté leur culture en masse à travers le monde :
" La langue anglaise, de nationale qu’elle était aux XVIe et XVIIe siècles, est devenue impériale aux XVIIIe et XIXe siècles, puis mondiale pendant la seconde moitié du XIXe siècle. La confrontation politico-militaire avec la France s’est achevée par une victoire de l’Angleterre, malgré la perte des États-Unis d’Amérique. La France a dû renoncer à l’Inde et au Canada ainsi qu’à rivaliser avec la puissance maritime anglaise. Après 1815, la France ne représente plus une menace pour l’Angleterre qui, elle-même, est en voie de devenir une puissance mondiale. C’est l’apogée de l’Angleterre qui est aussi l’apogée de l’Europe. La langue française garde cependant de solides positions avec lesquelles l’anglais doit compter sans être véritablement concurrencé.
[...]
Le français demeure avec l’anglais l’une des deux langues diplomatiques. Malgré les défaites de Napoléon, le congrès de Vienne (1815) s’était déroulé en français. La correspondance de l’Empire des tsars s’est faite en français jusqu’en 1917. Les positions du français diplomatique se sont cependant affaiblies face à l’anglais. Les traités de Versailles ont été signés en français comme en anglais. Le bilinguisme a été instauré à la Société des Nations (SDN).
L’anglais, depuis la Seconde Guerre mondiale, ne cesse de progresser. Le français doit se battre pour survivre. Il a obtenu d’être reconnu comme langue officielle de travail à l’Organisation des Nations unies (ONU), au Conseil de l’Europe, à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’Union européenne garde le bilinguisme – après une période où le français était dominant."
[...]
"Dans son débat avec le français, l’anglais peut s’appuyer sur le succès impérial, hier de la Grande-Bretagne, aujourd’hui des États-Unis. L’anglais est la langue de peuples et d’États invaincus, ce qui, naturellement, n’est le cas ni du français, ni de l’allemand, ni de l’espagnol, ni du russe."
source : Le Breton Jean-Marie, « Réflexions anglophiles sur la géopolitique de l'anglais », Hérodote, 4/2004 (N°115), p. 11-23.
Pour approfondir le sujet, nous vous conseillons les lectures suivantes :
- Influence du français sur l'anglais / wikipedia
- Anglomanie et anglophobie en France au XVIIIe siècle / Nordmann Claude. In: Revue du Nord, tome 66, n°261-262, Avril-septembre 1984. Liber Amoricum. Mélanges offerts à Louis Trenard. pp. 787-803.
- La langue des rois au Moyen Age : le français en France et en Angleterre / Serge Lusignan
- Honni soit qui mal y pense : l'incroyable histoire d'amour entre le français et l'anglais / Henriette Walter
- Anglomanie : une fascination européenne / Ian Buruma
- Histoire de l'anglophobie en France : de Jeanne d'Arc à la vache folle / Jean Guiffan
- De l'" universalité " européenne du français au XVIIIe siècle : retour sur les représentations et les réalités / Siouffi Gilles - Langue française, 3/2010 (n° 167), p. 13-29
- Ce qui fait une Lingua Franca mondiale / Mohamed Benrabah
- Il y a un siècle, quand le français faillit devenir langue universelle / mickaelkorvin, L'express, 14/12/2012
- Comment l’anglais est-il devenu la langue la plus parlée au monde ? / Alex Hammond
L'anglais s'est aujourd'hui imposé comme langue globale ou langue universelle mais il faut relativiser ; l'anglais comme langue maternelle perd du terrain :
"Ceux qui s’attendent à ce que l’anglais l’emporte sur toutes les autres langues sont parfois surpris d’apprendre qu’il y a aujourd’hui dans le monde trois fois plus de locuteurs de langue maternelle chinoise qu’anglaise, soit environ 1,1 milliard de personnes, contre 372 millions. L’anglais reste encore la deuxième langue maternelle la plus répandue, mais, d’ici une cinquantaine d’années, elle devrait céder sa place au groupe linguistique d’Asie du Sud, dont les principaux représentants sont l’hindi et l’ourdou.
Selon le modèle développé par The English Company, en 2050, le monde comptera 1,38 milliard de locuteurs du chinois langue maternelle, 556 millions de l’hindi et de l’ourdou, et 508 millions de l’anglais. L’espagnol et l’arabe seront des langues maternelles presque aussi répandues que l’anglais, avec respectivement 486 millions et 482 millions de locuteurs. Chez les 15-24 ans, l’anglais n’arrivera qu’en quatrième position, devancé non seulement par le chinois et le groupe hindi-ourdou, mais aussi par l’arabe, et talonné par l’espagnol. [...]
Il ne faut pas oublier non plus que, si l’anglais est devenu la langue des sciences et de la technologie, c’est de façon accidentelle. C’est surtout parce que les Etats-Unis sont depuis longtemps à la pointe de la recherche scientifique. Si le pays avait été francophone, le français serait sans aucun doute la langue des sciences et de la technologie. En effet, d’un point de vue linguistique, rien ne permet d’expliquer cette hégémonie. De même, si les Japonais avaient développé quelque chose d’aussi révolutionnaire qu’Internet, l’anglais ne serait peut-être pas devenu aussi prépondérant. Les technologies du futur viendront peut-être d’autres pays."
source : Les paradoxes d'une domination. L'anglais, universel peut-être, mais fragile
Bonne journée.
Effectivement, suite à la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066, l'usage du français, ou plutôt devrions-nous dire du
A partir du XIVe siècle, sous les règnes d'Edouard III puis d'Henri IV d'Angleterre, la langue anglaise va davantage s'affirmer et s'imposer politiquement en Angleterre ; la guerre de Cent ans ayant fortement contribué à exacerber le sentiment national !
C'est à partir du XVIIIe siècle que la langue française perdra peu à peu son influence dans toute l'Europe, au profit de l'anglais. C'est l'essor de ce qu'on appelle l'
" Aux XIIe et XIIIe siècles, le français a joué le rôle de deuxième langue internationale après le latin. C'est ce qu'on a pu appeler la première universalité de la langue française, parlée dans de nombreuses cours et servant de langue écrite de vulgarisation dans certains pays (l'Italie par exemple). Elle profite du prestige de l'Université de Paris, de la vogue de notre littérature traduite dans presque tous les pays européens et du rayonnement de l'art gothique.
La très brillante Renaissance italienne assure à l'italien, aux XVe et XVIe siècles, la première place comme langue de culture, et suscite en France une émulation jalouse. Cependant, avant le XVIIe siècle, le français n'a pas acquis les qualités qui le rendront classique et contribueront à l'imposer à l'Europe. Cette deuxième universalité de la langue française au XVIIIe siècle n'est pas le fait d'une politique concertée de la royauté. Au rayonnement des grandes œuvres littéraires du XVIIe siècle, au prestige des « philosophes », il faut ajouter le rôle considérable de la presse française, la création d'un important commerce de librairie en français aux Pays-Bas (conséquence inattendue de la censure sévère établie dans le royaume sous Louis XIV), et l'exode des protestants après la révocation de l'édit de Nantes, sans compter le succès des troupes théâtrales et celui des correspondances internationales (Bayle, Grimm, Diderot). À la veille de la Révolution, le français est la langue diplomatique par excellence (privilège qu'il perdra au traité de Versailles en 1919). Il est répandu dans les classes cultivées et dans toutes les cours européennes. Le pays le plus francisé est l'Allemagne, où l'Académie de Berlin, en 1782, met au concours un sujet révélateur : « Qu'est-ce qui fait la langue française la langue universelle de l'Europe ? »
source : Encyclopaedia universalis
On pourrait s'arrêter à des raisons purement linguistiques et arguer la simplicité de la structure grammaticale de la langue anglaise.
Mais des raisons politiques, historiques et économiques expliquent plus vraisemblablement cette suprématie de l'anglais.
Pour Jean-Marie Le Breton, les
L’expansion de l'Empire colonial britannique répandant l'usage de l'anglais aux quatre coins de la planète est à l’origine du triomphe de l’anglais comme langue internationale. Les Etats-Unis devenus puissance économique, militaire et industrielle ont connu un essor exceptionnel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et ont exporté leur culture en masse à travers le monde :
" La langue anglaise, de nationale qu’elle était aux XVIe et XVIIe siècles, est devenue impériale aux XVIIIe et XIXe siècles, puis mondiale pendant la seconde moitié du XIXe siècle. La confrontation politico-militaire avec la France s’est achevée par une victoire de l’Angleterre, malgré la perte des États-Unis d’Amérique. La France a dû renoncer à l’Inde et au Canada ainsi qu’à rivaliser avec la puissance maritime anglaise. Après 1815, la France ne représente plus une menace pour l’Angleterre qui, elle-même, est en voie de devenir une puissance mondiale. C’est l’apogée de l’Angleterre qui est aussi l’apogée de l’Europe. La langue française garde cependant de solides positions avec lesquelles l’anglais doit compter sans être véritablement concurrencé.
[...]
Le français demeure avec l’anglais l’une des deux langues diplomatiques. Malgré les défaites de Napoléon, le congrès de Vienne (1815) s’était déroulé en français. La correspondance de l’Empire des tsars s’est faite en français jusqu’en 1917. Les positions du français diplomatique se sont cependant affaiblies face à l’anglais. Les traités de Versailles ont été signés en français comme en anglais. Le bilinguisme a été instauré à la Société des Nations (SDN).
L’anglais, depuis la Seconde Guerre mondiale, ne cesse de progresser. Le français doit se battre pour survivre. Il a obtenu d’être reconnu comme langue officielle de travail à l’Organisation des Nations unies (ONU), au Conseil de l’Europe, à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’Union européenne garde le bilinguisme – après une période où le français était dominant."
[...]
"Dans son débat avec le français, l’anglais peut s’appuyer sur le succès impérial, hier de la Grande-Bretagne, aujourd’hui des États-Unis. L’anglais est la langue de peuples et d’États invaincus, ce qui, naturellement, n’est le cas ni du français, ni de l’allemand, ni de l’espagnol, ni du russe."
source : Le Breton Jean-Marie, « Réflexions anglophiles sur la géopolitique de l'anglais », Hérodote, 4/2004 (N°115), p. 11-23.
Pour approfondir le sujet, nous vous conseillons les lectures suivantes :
- Influence du français sur l'anglais / wikipedia
- Anglomanie et anglophobie en France au XVIIIe siècle / Nordmann Claude. In: Revue du Nord, tome 66, n°261-262, Avril-septembre 1984. Liber Amoricum. Mélanges offerts à Louis Trenard. pp. 787-803.
- La langue des rois au Moyen Age : le français en France et en Angleterre / Serge Lusignan
- Honni soit qui mal y pense : l'incroyable histoire d'amour entre le français et l'anglais / Henriette Walter
- Anglomanie : une fascination européenne / Ian Buruma
- Histoire de l'anglophobie en France : de Jeanne d'Arc à la vache folle / Jean Guiffan
- De l'" universalité " européenne du français au XVIIIe siècle : retour sur les représentations et les réalités / Siouffi Gilles - Langue française, 3/2010 (n° 167), p. 13-29
- Ce qui fait une Lingua Franca mondiale / Mohamed Benrabah
- Il y a un siècle, quand le français faillit devenir langue universelle / mickaelkorvin, L'express, 14/12/2012
- Comment l’anglais est-il devenu la langue la plus parlée au monde ? / Alex Hammond
L'anglais s'est aujourd'hui imposé comme langue globale ou langue universelle mais il faut relativiser ; l'anglais comme langue maternelle perd du terrain :
"Ceux qui s’attendent à ce que l’anglais l’emporte sur toutes les autres langues sont parfois surpris d’apprendre qu’il y a aujourd’hui dans le monde trois fois plus de locuteurs de langue maternelle chinoise qu’anglaise, soit environ 1,1 milliard de personnes, contre 372 millions. L’anglais reste encore la deuxième langue maternelle la plus répandue, mais, d’ici une cinquantaine d’années, elle devrait céder sa place au groupe linguistique d’Asie du Sud, dont les principaux représentants sont l’hindi et l’ourdou.
Selon le modèle développé par The English Company, en 2050, le monde comptera 1,38 milliard de locuteurs du chinois langue maternelle, 556 millions de l’hindi et de l’ourdou, et 508 millions de l’anglais. L’espagnol et l’arabe seront des langues maternelles presque aussi répandues que l’anglais, avec respectivement 486 millions et 482 millions de locuteurs. Chez les 15-24 ans, l’anglais n’arrivera qu’en quatrième position, devancé non seulement par le chinois et le groupe hindi-ourdou, mais aussi par l’arabe, et talonné par l’espagnol. [...]
Il ne faut pas oublier non plus que, si l’anglais est devenu la langue des sciences et de la technologie, c’est de façon accidentelle. C’est surtout parce que les Etats-Unis sont depuis longtemps à la pointe de la recherche scientifique. Si le pays avait été francophone, le français serait sans aucun doute la langue des sciences et de la technologie. En effet, d’un point de vue linguistique, rien ne permet d’expliquer cette hégémonie. De même, si les Japonais avaient développé quelque chose d’aussi révolutionnaire qu’Internet, l’anglais ne serait peut-être pas devenu aussi prépondérant. Les technologies du futur viendront peut-être d’autres pays."
source : Les paradoxes d'une domination. L'anglais, universel peut-être, mais fragile
Bonne journée.
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