Question d'origine :
Bonjour. Dans la vidéo https://m.youtube.com/watch?v=1GefX4Uo5AI il est question d’une femme au 17ème siiècle soumise à la question (ok jusque là) ordinaire et extraordinaire (là, je ne comprends plus) Plus loin dans la même vidéo, ce même personnage, dans une forme d’appel de l’epoque est soumise à « l’inscription aux fausses dévotes ». De quoi s’agit-il ? Cordialement.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 09/03/2021 à 09h46
Bonjour,
La question au Moyen Âge et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, est une forme d’interrogatoire accompagnée de tortures.
On distingue la question ordinaire, uniquement destinée à obtenir des aveux (forme de torture la plus « supportable »), et la question extraordinaire, qui s'apparente davantage à un avant-goût de la mise à mort plus qu'à la volonté de faire avouer.
(source : Quelles étaient les tortures les plus courantes au Moyen Âge ? futura-sciences.com)
« La question préparatoire est l’interrogatoire que le juge fait subir à l’accusé dans les tourments, pour l’obliger par leur violence, à confesser la vérité. […]
La question doit être ordonnée par un jugement qui se rend après la visitation du procès et l’interrogatoire subi à la chambre par l’accusé.
Il y a différentes espèces de jugements qui ordonnent la question ; on ordonne, ou la question ordinaire seulement, ou la question ordinaire et extraordinaire.
La question extraordinaire consiste en une augmentation de tourments qu’on fait endurer à l’accusé, incontinent après ceux de la question ordinaire.
Les tourments, soit de la question ordinaire, soit de l’extraordinaire, sont différents, suivant les différents usages de juridictions. »
Source : Traité de la procédure criminelle, Robert Joseph Pothier
Concernantl’inscription aux fausses dévotes , reprenons l’extrait de votre vidéo :
« Pour l’évêque, Marie, loin d’être une sorcière ou possédée, serait en réalité une manipulatrice. Le parlement normand partage cet avis. Il rejette l’intervention du diable dans cette affaire et le 30 octobre 1699 il déclare une nouvelle sentence : Marie Bucaille est coupable de crime d’imposture, séduction, impiété, abus et scandale public. Elle est condamnée à faire amende honorable avec l’inscription aux fausses dévotes, à être fouettée publiquement à Rouen, Cherbourg et Valognes, à avoir la langue percée et à enfin être bannie du royaume de France. »
Il s’agit donc de Marie Bucaille, qui avant d’être accusée de sorcellerie menait une vie de religieuse :
« Marie Bucaille est la fille de Jean Benoist, receveur de l'abbaye du Vœu à Cherbourg. Elle est baptisée le 2 avril 1658 [1]. Très pieuse, elle envisage de rentrer dans les ordres. Elle quitte Cherbourg pour le monastère des Clarisses à Alençon (Orne). Mais les supérieurs de l'établissement jugent sa santé trop fragile et la renvoient [2]. Revenue à Cherbourg, elle n'en mène pas moins une vie religieuse très fervente. Elle est parfois prise de convulsions et connaît d'étranges moments d'extase. On affirme qu'elle guérit des malades.
Marie Bucaille est alors confiée pour un examen à un médecin de Helleville, M. Fortin de Quetteville. Ce dernier affirme qu'elle est possédée par le démon.
Elle va vivre à Valognes. Une rivale, Catherine Bodel, dite « La Rigollette », la dénonce comme ayant un don d'ubiquité. Ne niant pas les faits et l'imputant à son bon ange, Marie Bucaille est accusée de sorcellerie par le tribunal de Valognes le 28 janvier 1699, qui la condamne. »
Source : wikimanche.fr
Voici le portrait qui est fait des fausses dévotes dans Industries du zèle sacerdotal d’Isidore Mullois (1858) :
« […] comme dans toutes les classes, il faut bien le dire, il y a des personnes qui ne sont pas irréprochables et que l’on appellefausses dévotes .
C’est un grand talent que de savoir les discerner. Des prêtres même très distingués […] pourraient être surpris par cet art prestigieux des fausses mystiques, pour peu qu’ils auraient de tendance à la crédulité ou à l’enthousiasme. Un extérieur grave et recueilli, au regard modeste, une attitude humble, un air dévotieux, une voix perfidement douce, tout cet ensemble d’attraits séducteurs est si propre à prévenir favorablement et à tromper la confiance d’un homme naturellement droit, qu’il en devient facilement dupe et victime. Il y a surtout une classe d’ecclésiastiques bien prédisposés à ce genre d’aberration : ce sont ceux d’une trempe d’esprit faible, d’un jugement faux, d’un cœur impressionnable et d’une imagination exaltée. Eussent-ils d’ailleurs de la piété et du savoir théologique, ils croiront bientôt aux visions et aux extases de ces fourbes qu’ils présenteront au public comme des filles inspirées du ciel.
La première règle à suivre envers ces dévotes nerveuses et enthousiastes, c’est de se défier toujours de leur étrange mysticisme, qui n’est le plus souvent qu’affecté. La seconde règle, c’est d’avoir soin de montrer pour elles peu d’attention et surtout point de vénération ; cela n’aboutirait, en effet, qu’à surexciter leur amour-propre, et qu’à nourrir les illusions de leur vanité. La troisième, dont il faut faire un principe régulateur pour sa conduite pastorale, c’est de refuser d’entendre en confession ou en direction, toutes ces bizarres créatures qui parleraient de voies extraordinaires, de révélations, d’apparitions et d’extases. »
D’après un compte rendu consulté dans Jstor, il semble que l’ouvrage de Robert Mandrou Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle cite aux moins deux exemples de « fausses dévotes » présentant des possessions feintes devant lesquelles les magistrats se montreront sceptiques : Marie Bucaille et Sœur Rose. Etant actuellement en télétravail en raison de la situation sanitaire, il nous est pour l’instant impossible de consulter ce document.
Bonne journée.
La question au Moyen Âge et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, est une forme d’interrogatoire accompagnée de tortures.
On distingue la question ordinaire, uniquement destinée à obtenir des aveux (forme de torture la plus « supportable »), et la question extraordinaire, qui s'apparente davantage à un avant-goût de la mise à mort plus qu'à la volonté de faire avouer.
(source : Quelles étaient les tortures les plus courantes au Moyen Âge ? futura-sciences.com)
« La question préparatoire est l’interrogatoire que le juge fait subir à l’accusé dans les tourments, pour l’obliger par leur violence, à confesser la vérité. […]
La question doit être ordonnée par un jugement qui se rend après la visitation du procès et l’interrogatoire subi à la chambre par l’accusé.
Il y a différentes espèces de jugements qui ordonnent la question ; on ordonne, ou la question ordinaire seulement, ou la question ordinaire et extraordinaire.
Les tourments, soit de la question ordinaire, soit de l’extraordinaire, sont différents, suivant les différents usages de juridictions. »
Source : Traité de la procédure criminelle, Robert Joseph Pothier
Concernant
« Pour l’évêque, Marie, loin d’être une sorcière ou possédée, serait en réalité une manipulatrice. Le parlement normand partage cet avis. Il rejette l’intervention du diable dans cette affaire et le 30 octobre 1699 il déclare une nouvelle sentence : Marie Bucaille est coupable de crime d’imposture, séduction, impiété, abus et scandale public. Elle est condamnée à faire amende honorable avec l’inscription aux fausses dévotes, à être fouettée publiquement à Rouen, Cherbourg et Valognes, à avoir la langue percée et à enfin être bannie du royaume de France. »
Il s’agit donc de Marie Bucaille, qui avant d’être accusée de sorcellerie menait une vie de religieuse :
« Marie Bucaille est la fille de Jean Benoist, receveur de l'abbaye du Vœu à Cherbourg. Elle est baptisée le 2 avril 1658 [1]. Très pieuse, elle envisage de rentrer dans les ordres. Elle quitte Cherbourg pour le monastère des Clarisses à Alençon (Orne). Mais les supérieurs de l'établissement jugent sa santé trop fragile et la renvoient [2]. Revenue à Cherbourg, elle n'en mène pas moins une vie religieuse très fervente. Elle est parfois prise de convulsions et connaît d'étranges moments d'extase. On affirme qu'elle guérit des malades.
Marie Bucaille est alors confiée pour un examen à un médecin de Helleville, M. Fortin de Quetteville. Ce dernier affirme qu'elle est possédée par le démon.
Elle va vivre à Valognes. Une rivale, Catherine Bodel, dite « La Rigollette », la dénonce comme ayant un don d'ubiquité. Ne niant pas les faits et l'imputant à son bon ange, Marie Bucaille est accusée de sorcellerie par le tribunal de Valognes le 28 janvier 1699, qui la condamne. »
Source : wikimanche.fr
Voici le portrait qui est fait des fausses dévotes dans Industries du zèle sacerdotal d’Isidore Mullois (1858) :
« […] comme dans toutes les classes, il faut bien le dire, il y a des personnes qui ne sont pas irréprochables et que l’on appelle
C’est un grand talent que de savoir les discerner. Des prêtres même très distingués […] pourraient être surpris par cet art prestigieux des fausses mystiques, pour peu qu’ils auraient de tendance à la crédulité ou à l’enthousiasme. Un extérieur grave et recueilli, au regard modeste, une attitude humble, un air dévotieux, une voix perfidement douce, tout cet ensemble d’attraits séducteurs est si propre à prévenir favorablement et à tromper la confiance d’un homme naturellement droit, qu’il en devient facilement dupe et victime. Il y a surtout une classe d’ecclésiastiques bien prédisposés à ce genre d’aberration : ce sont ceux d’une trempe d’esprit faible, d’un jugement faux, d’un cœur impressionnable et d’une imagination exaltée. Eussent-ils d’ailleurs de la piété et du savoir théologique, ils croiront bientôt aux visions et aux extases de ces fourbes qu’ils présenteront au public comme des filles inspirées du ciel.
La première règle à suivre envers ces dévotes nerveuses et enthousiastes, c’est de se défier toujours de leur étrange mysticisme, qui n’est le plus souvent qu’affecté. La seconde règle, c’est d’avoir soin de montrer pour elles peu d’attention et surtout point de vénération ; cela n’aboutirait, en effet, qu’à surexciter leur amour-propre, et qu’à nourrir les illusions de leur vanité. La troisième, dont il faut faire un principe régulateur pour sa conduite pastorale, c’est de refuser d’entendre en confession ou en direction, toutes ces bizarres créatures qui parleraient de voies extraordinaires, de révélations, d’apparitions et d’extases. »
D’après un compte rendu consulté dans Jstor, il semble que l’ouvrage de Robert Mandrou Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle cite aux moins deux exemples de « fausses dévotes » présentant des possessions feintes devant lesquelles les magistrats se montreront sceptiques : Marie Bucaille et Sœur Rose. Etant actuellement en télétravail en raison de la situation sanitaire, il nous est pour l’instant impossible de consulter ce document.
Bonne journée.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 12/03/2021 à 10h06
Bonjour,
De retour momentanément à la bibliothèque, nous avons pu consulter l'ouvrage de Robert Mandrou Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle.
Sur le procès de Marie Bucaille, voici la citation exacte :
"[...] le parlement normand, enfin rallié à une conception prudente des interventions diaboliques, atténue sa sentence du 30 octobre 1699, le châtiment infligé à Marie Bucaille : réduisant l'accusation aux "crimes d'imposture, séductions, impiétés, abus et scandale public",ils la condamnent à l'amende honorable (avec l'inscription : fausse dévote) , au fouet, dans les villes de Rouen, Cherbourg et Valognes et au bannissement perpétuel hors du royaume après avoir eu la langue percée."
Cette "inscription" semble en fait désigner un écriteau que la condamnée doit porter au front :
"Pour PUNITION et réparation desquels crimes a condamné ladite Benoist de la Bucaille en cent livres d'amende envers le Roi ;
A faireamende honorable , l'audience de la chambre séante, ainsi que devant l'église de Notre-Dame de cette ville, et aura un écriteau au front portant ces mots FAUSSE DEVOTE , et là étant à genoux, pieds nus, en chemise, ayant la corde au col, tenant une torche ardente du poids de deux livres, demander pardon à Dieu, au Roi, et à la justice, des impiétés, impostures et autres crimes par elle commis, mentionnés au procès ;"
Source : Journal d'un bourgeois de Caen [Livre] : 1652-1733 / publié par G. Mancel
Bonne journée.
De retour momentanément à la bibliothèque, nous avons pu consulter l'ouvrage de Robert Mandrou Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle.
Sur le procès de Marie Bucaille, voici la citation exacte :
"[...] le parlement normand, enfin rallié à une conception prudente des interventions diaboliques, atténue sa sentence du 30 octobre 1699, le châtiment infligé à Marie Bucaille : réduisant l'accusation aux "crimes d'imposture, séductions, impiétés, abus et scandale public",
Cette "inscription" semble en fait désigner un écriteau que la condamnée doit porter au front :
"Pour PUNITION et réparation desquels crimes a condamné ladite Benoist de la Bucaille en cent livres d'amende envers le Roi ;
A faire
Source : Journal d'un bourgeois de Caen [Livre] : 1652-1733 / publié par G. Mancel
Bonne journée.
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