Je fais des recherches sur le naufrage d'un bateau sur le Rhône
Question d'origine :
Bonjour, Je fais des recherches sur le naufrage d'un bateau sur le Rhône (le 8 aout 1733), 80 personnes ont perdu la vie (sources actes d'Etat civil de Givors, Echalas, Ampuis....). le bateau a percuté un bateau quarantaine . On parle aussi de moulin-bateau. Je trouve des infos sur les moulins-bateaux mais rien sur les bateaux de quarantaine, pourtant je pense qu'il s'agit des mêmes bateaux . Est-ce que que vous auriez des infos sur ces bateaux de quarantaine? merci par avance. Cordialement
Réponse du Guichet
La barquette était au 18e siècle un coche d’eau qui assurait le transport de voyageurs entre Lyon et Vienne, avec une escale à Givors. Le 8 août 1733, dans des circonstances qu’on ignore dans le détail, ce bateau a heurté un Moulin-bateau dans la zone du confluent, proche du quai de la Quarantaine causant la mort de plusieurs dizaines de personnes.
L'accident du 8 août 1733 auquel vous faites allusion, est mentionné dans un article d’Henri Hoquine dans la revue Rive Gauche de septembre 1993 dont voici quelques extraits :
«Des recherches de généalogie familiale m’avaient conduit à consulter les registres paroissiaux de BANS-GIVORS qui, avant l’implantation de la Verrerie royale et l’amorce par le lyonnais François Zacharie, du canal de Rive-de-Gier, constituait une bourgade peuplée surtout de Voituriers à Eau sur le Rhône. Or mon attention fut attirée par un curieux nota en marge d’un acte de sépulture.
NOTA: ce jourdhuy 8 aoust 1733 un nauffrage arriva d’une barquette de Givors ou périrent un nombre considérable de gens de la paroisse et des environs contre les moulins de la Quarantaine. A SUBITA ET IMPROVISA MORTE LIBERA EOS.
Suivait l’acte de sépulture en date du 12 aoust 1733 avec, en marge de celui-ci «Enterrement de la mémoire effroyable»: Claudine CHOL de la paroisse d’ECHALAS agée environ de 28 ans trouvée noyée dans le ROSNE de l’acident général par les moulins de la Quarantaine de LYON ou grand nombre périrent de plusieurs paroisses par l’imprudence du pattron. Ensevelie le douzième aoust 1733 en présence de François BRUYAS, journalier Jean Baptiste COGNET lesquels n’out sceu signer dans le cymetière de GIVORS.
PASCAL Curé[…]
Et le batelier Pierre COLLET«Patron sur le Rhône»? Il s’en est bien tiré, étant sans doute un des rares à savoir nager. Nous le retrouvons dans sa paroisse à Givors, témoin qui signe à la plupart des baptêmes des enfants de ses collègues, Voituriers par eau. Il vivra encore 22 ans et meurt le 3 avril 1755, âgé d'environ 68 ans, inhumé dans l'Eglise Saint-Nicolas. Né en 1687, fils d'un autre Pierre COLLET, voiturier par eau du port de Givors et de Pierrette SALOMON, il se maria deux fois ayant de nombreux enfants, dont encore un Pierre né en 1712 du premier lit qui, lui aussi, sera Patron sur le Rhône.
[…]Comment cette catastrophe s’est-elle produite, en plein été, par l’imprudence du patron , nous apprend Messire PASCAL, Curé de Bans-Givors?
Chacun sait qu’avant les travaux de l’ingénieur Perrache dans la deuxième moitié du 18e siècle, le Rhône et la Saône se rejoignaient à la pointe d’Ainay, la Quarantaine se trouvant en aval, très proche du confluent, dont les remous assuraient le bon fonctionnement des Moulins à Eau. Peut-être y avait-il eu de gros orages les jours précédents ayant anormalement gonflé les eaux des deux fleuves, où ce samedi 8 août, le temps était-il très mauvais et très venté. Collet, sûr de lui, ayant embarqué trop près du premier moulin, le vent violent aurait-il jeté son bateau sur celui-ci?
La Sénéchausée de Lyon a très certainement fait une enquête de police dont je n’ai trouvé aucune trace, tant aux archives municipales qu’aux archives départementales. […] Le Rhône fut témoin de tant de catastrophes que seule celle du 11 octobre 1711 avec ses 238 morts eut un écho retentissant parmi les membres de l’Echevinage Lyonnais de l’époque.
Cependant en 1735, le Consulat envisage la suppression des Moulins Flottants établis sur le Rhône «non seulement parce qu’ils interrompent la sûreté de navigation, ce qui n’a été que trop souvent éprouvé par les naufrages auxquels ils ont donné lieu, mais encore par les inconvénients qui peuvent arriver dans le temps où les eaux sont extrêmement basses ou que le Rhône est gelé.»
L’accident s’est donc vraisemblablement produit au confluent du Rhône et de la Saône qui, avant les travaux d’Antoine-Michel Perrache, se trouvait plus au nord. Pour plus de détails vous pourrez consulter cette réponse du Guichet du Savoir : Où se trouvait la confluence avant la construction du nouveau quartier ?
Enfin, une autre réponse à une question adressée au Guichet du Savoir vous montrera que les accidents étaient fréquents sur le Rhône, en particulier à proximité de ces moulins :
«En ce qui concerne votre deuxième question, le document Charly-Vernaison en Lyonnais : annales d'un village de France de Louis Vignon mentionne pour l’année 1736, le 16 mai : Accident de la barquette de Vienne (Ephémérides Planelly). La barquette de Vienne a péri et a échoué contre les moulins de la Quarantaine. On dit qu’il s’y est perdu plus de 40 personnes, entre autres Messire Vaude, chanoine de Saint-Paul, et deux officiers avec leurs recrues. Jean-Baptiste Planelly était seigneur de Charly (1707-1758) et de Vernaison (1739-1758).
D’après l’encyclopédie des gens du Monde d’Artaud de Montor, la barquette de Vienne est une espèce de petit coche faisant le service de transport entre cette ville et Lyon.
L’accident est aussi relaté dans le Dictionnaire historique de Lyon : même si les moulins sont moins nombreux sur la Saône que sur le Rhône, les risques sont guère moindres notamment au niveau des moulins de la Quarantaine, confluent d’Ainay. C’est ici qu’eut lieu, le 16 mai 1736, le naufrage d’un bateau parti en amont, du port du Temple pris dans les remous créés par les moulins et se fracassant contre eux. Le bilan s’élève à 34 morts.
Nous trouvons sur le site des Archives municipales de Lyon une délibération consulaire de 1771 : la navigation du Rhône, où il était défendu aux voitures par eau, de même qu'aux patrons de bateaux et barquettes, d'embarquer des voyageurs autre part qu'en aval des moulins établis sur le fleuve, le long du lieu appelé la Quarantaine (fertile en naufrages), le tout à peine de 1,000 livres d'amende et de punition exemplaire..
Source : Lyon - les moulins du bord de Saône. Guichet du Savoir
Pour aller plus loin :
Antoine Barbin. Le confluent et le port Rambaud à Lyon, d'une histoire industrielle à un renouveau patrimonial. Mémoire de Master 1, Université Lyon 2, 2018.
En espérant avoir répondu à vos interrogations, nous vous souhaitons une bonne journée.